par Jesper Juul, proposé par Agnieszka Rouyer

Le système d’éducation actuel est une machine qui affecte négativement et détruit la personnalité de nos enfants. Comment pouvons-nous préparer le mental de l’enfant à ce qui se passe sur les bancs de l’école ? Comment peut-on renforcer et protéger ce qu’il y a de plus précieux dans ces petites têtes, si curieuses du monde?

Dans mon travail quotidien je rencontre beaucoup de gens qui veulent faire face aux différents problèmes : manque d’estime de soi, manque de sens dans la vie, manque de motivation, stress chronique, absence de capacité à affronter des émotions, etc… Dans la plupart des cas, en recherchant des solutions nous nous rendons vite compte que la source des problèmes réside dans les expériences de l’enfance. Le principal coupable, le plus souvent, est la réalité scolaire.

Lorsque j’ai réalisé combien d’habitudes mentales autodestructrices nous acquérons à l’école, je fus en état de choc. J’ai pris conscience que l’école fait quelque chose d’exactement inverse de ce qu’elle devrait.

Plutôt qu’éduquer, inspirer et ouvrir les esprits, elle dépouille les gens de ce qui est le meilleur en eux. L’école nous dérobe notre curiosité, nous vole notre créativité, nous ôte notre spontanéité, détruit l’estime de soi et l’autonomie de pensée.

Quels sont donc les éléments de l’éducation scolaire les plus néfastes et comment nous nuisent-ils exactement ? J’ai déjà écrit sur ce sujet, et c’est l’un des articles le plus lu sur ce blog : Les failles de notre système éducatif. J’y ai disserté sur les erreurs les plus importantes – selon moi – du système d’éducation actuel, en démontrant quelles conséquences psychologiques pourraient avoir chacune d’entre elles. Si tu n’as pas encore lu ce texte, je t’invite à te familiariser avec son contenu avant de poursuivre la lecture de cet article.

Dans cet article, je tiens à explorer les pistes décrivant une manière de préparer nos enfants aux erreurs réalisées dans la plupart des écoles.

Si tu souhaites que ton adoré reste joyeux, ouvert, intéressé par le monde et la vie après les humanités, je t’invite à lires les réflexions ci-dessous qui pourraient t’intéresser. Des actions simples et systématiques peuvent l’aider à construire un bouclier de protection dans sa tête, grâce auquel le monde scolaire n’affectera pas son esprit confiant et curieux.

Un enfant conscient

La première chose, la plus importante, est la prise de conscience. Cela vaut la peine de sensibiliser les jeunes sur ce qui se passe exactement à l’école, et comment cela peut les influencer.

Permets-moi de citer quelques exemples. Quand le jeune comprendra que :

  • le principe-clé de l’école est de le forcer à chercher une seule réponse « correcte »,- ce qui peut limiter notre créativité -, il continuera à chercher plusieurs réponses, différentes, à une seule question et diverses solutions pour un problème donné.
  • faire des erreurs est tout à fait normal et que c’est justement grâce aux erreurs que nous apprenons le plus, il se libérera de la peur panique de prendre des nouvelles initiatives.
  • le système de cotation n’est rien de plus qu’un « jeu » scolaire inutile, et que les notes ne déterminent pas les valeurs humaines. Il ne s’identifiera pas aux siennes, et va maintenir un niveau sain de l’estime de soi.

Il s’agit donc de « démasquer », petit à petit, lors des conversations avec l’enfant ce que l’école a adopté comme une norme, comme standard, et ce qui ne devrait absolument pas avoir lieu selon nos connaissances actuelles sur le plan psychologique et mental.

Quand l’enfant comprend, du moins en partie, les conséquences des stratagèmes scolaires, il prend de la distance par rapport à ce qu’il expérimente à l’école. De ce fait, il va accéder sans gêne à la vie d’adulte en vibrant de curiosité du monde, de spontanéité, de joie, d’assertivité, bref, de tout ce dont pour quoi les adultes éprouvent de la nostalgie.

Que se passerait-il si le jeune partageait ses nouvelles découvertes avec ses camarades et ses professeurs ?

Je ne vous le cache pas, il y a un risque d’aborder avec votre enfant le sujet des erreurs du système éducatif. Les jeunes soumis au programme scolaire sont déjà souvent rebelles contre les enseignants, qui exécutent pathologiquement les règlements et principes scolaires, sans se poser de questions. Le fait d’avoir conscience de l’existence de tout cela ne ferait-il pas que le jeune devienne désobéissant ? Ne contestera-t-il pas haut et fort les méthodes scolaires ? Ne niera-t-il pas prétentieusement les contenus de leçons empêchant, par là-même, aux professeurs de donner cours?

Cela ne devrait pas arriver si, en plus de la prise de conscience des erreurs du système scolaire, nous parlerons avec l’enfant également des conséquences d’une éventuelle et inutile révolte contre les méthodes utilisées à l’école. Toutefois, nous ne pouvons certainement pas interdire à l’enfant de s’exprimer et parler de certaines choses, car en lui refusant la liberté d’exprimer ce qu’il pense et ce qu’il ressent, nous allons le limiter et bloquer dans son évolution et son développement mental.

Il est clair que discuter des éventuelles conséquences du fait de parler à gauche et à droite, que l’école, par exemple, détruit la créativité, ne suffit pas. Je te laisse la décision de ce tu fais. Tu peux, bien sûr, abandonner l’idée de la sensibilisation, la conscientisation ou de la protection de ton enfant. Je pense, cependant, que le prix que tu risques de payer, sera incroyablement supérieur pour trouver une école qui ne voudra pas à tout prix subordonner ton enfant aux standards nuisibles.

Comment pouvons-nous conscientiser nos enfants ?

La réponse est simple : en discuter. Il suffit, par exemple, d’imprimer ou visualiser sur une tablette l’article: Les failles de notre système éducatif, et aborder point par point chaque paragraphe. Il ne s’agit pas de lui relater le système dans les écoles. Je t’invite à considérer cela comme un dialogue, demande-lui à quoi ça ressemble dans son école, ce qu’il en pense et comment il se sent en le vivant. Il peut s’avérer que dans son école une telle stratégie n’est pas du tout présente, et il n’existe même pas le besoin de le conscientiser des risques des situations qu’il n’expérimente même pas.

Une fois que ton enfant a partagé son point de vue sur la question, tu as la liberté de lui raconter à quoi cela ressemble du point de vue psychologique – autrement dit, ce se passerait exactement dans sa tête s’il se soumettait au régime défini par l’école. Tu peux  décrire sur base d’exemples la façon que cela affecterait son comportement.

Par exemple, tu pourrais lui dire qu’en exécutant, sans aucune réflexion ni recul, la loi de l’école, il commencerait simplement à s’ennuyer au lieu de briller de mille idées très intéressantes. Ou bien, s’il commençait à s’angoisser à propos des mauvaises notes, il se sentirait mal et perdrait toute motivation à apprendre. L’essentiel pour le jeune est que ce soit clair et qu’il comprenne bien de quelles manières les erreurs du système éducatif peuvent l’atteindre.

Il est également important que ton enfant sache qu’il ne doit pas se rebeller face au système. Il doit se rendre compte que « jouer à ce jeu » de l’école n’est pas quelque chose de malQuand il comprendra qu’il peut porter un regard distant sur ces principes et schémas destructeursil pourra alors continuer à agir en harmonie avec eux, tout en gardant l’esprit ouvert que c’est juste un autre spectacle « scolaire ».

Le rôle du parent

En lisant les livres de Jesper Juul*, j’ai réalisé l’importance du rôle du parent dans l’aventure scolaire de son enfant. Trop souvent, les parents se soumettent docilement à la pression de l’école et, par conséquent, la transmettent à leurs enfants. On exige de bonnes notes, on leur dit que leurs camarades de classe apprennent mieux et ont de meilleurs points, on contrôle que l’enfant fasse ses devoirs sans faute et sans leur permettre d’avoir un moment de détente.

Ils font exactement la même chose que l’école fait mais dans le refuge de la maison…

Cher parent, avant de commencer à discuter avec ton enfant, donne-toi un temps de réflexion sur les failles du système scolaire. Le changement de ton propre point de vue devrait être ton premier pas.

Il est extrêmement important d’être de son côté pour que l’enfant ressente que vous jouez dans la même équipe. Je t’invite à la réflexion d’un simple fait : les recherches menées pendant plus de 50 ans démontrent que les élèves modèles arrivent à moins bien se débrouiller dans la vie, ou se débrouillent très bien jusqu’à l’âge de 35 ans puis, ensuite,  remplissent les cliniques psychiatriques. Plus ils sont obéissants et cadrés par le système, moins ils sont autonomes et responsables dans leur vie d’adulte.

Les enfants élevés dans l’obéissance ont des difficultés à faire face à la vie parce qu’ils n’ont pas appris à s’assumer eux-mêmes. C’est pour cela que tu ne devrais pas féliciter ton enfant pour l’obéissance, mais pour sa capacité d’avoir une pensée critique et réfuter, défier les « vérités révélées ».

Fais confiance à ton enfant, sois pour lui son meilleur soutien. Quand il n’aime pas une situation à l’école, je t’invite à tenir compte du fait qu’il peut avoir raison. Écoute-le. Apprécie. Montre- lui qu’il peut compter sur toi, et que tu es de son côté.

Construire sa résilience*

Tu peux faire beaucoup plus que de développer la prise de conscience de ton enfant sur les différentes failles du système éducatif.

Ci-dessous tu trouveras quelques idées afin de sensibiliser ton enfant à l’une des erreurs les plus destructrices du système éducatif, l’omniprésent « Il est mauvais de faire des erreurs, de se tromper ». Cette hypothèse infiltre totalement notre système scolaire et est présent dans la vie quotidienne de nombreuses écoles.

Voici 5 façons de sensibiliser ton enfant à ne plus avoir peur de faire des erreurs :

  1. Ne critique pas ton enfant, quand il commet une erreur ou quand il se trompe. Je t’invite plutôt à le féliciter d’avoir essayé. Explique pourquoi il est important d’entreprendre une autre tentative et de quelle manière il peut le faire différemment afin de réussir.
  2. Encourage-le à expérimenter et à entreprendre diverses actions. Même si tu sais qu’il ne réussira pas à faire certaines choses – encourage ton enfant à essayer à nouveau. Vivre lui-même les conséquences de son erreur est le meilleur professeur.
  3. Répète à ton enfant que faire des erreurs fait partie intégrante de la vie. Que se tromper n’est pas de quelque chose de mal, et que nous ne devons pas les craindre.
  4. Parle à ton enfant de tes propres erreurs que tu as commises dans ta vie, partage avec lui les conclusions et leçons que tu as apprises en les vivant.
  5. Quand ton enfant fait une erreur, demande-lui quel enseignement il en a tiré et qu’est-ce qu’il fera la prochaine fois dans la même situation.

Je t’invite à réfléchir à ce que tu peux faire concernant les autres erreurs du système éducatif. Par exemple, pour protéger ton enfant du schéma « Il n’existe qu’une bonne réponse à chaque question », tu peux commencer à jouer le jeu, genre : « Invente 20 façons d’utiliser une tasse ». Pour l’enfant ce sera de l’amusement et du pur plaisir, qui, à l’occasion, renforcera son psychisme et le protégera de ce qui est à l’école le plus destructeur.

Bien sûr, la sensibilisation seule n’est pas suffisante pour que ton enfant apprenne à mener une vie autonome, responsable, consciente et heureuse. L’une des failles du système scolaire actuel est l’omission de ce qui est le plus vital dans la vie de tout être humain.

Nous ne trouverons pas dans les programmes scolaires des cours sur l’intelligence émotionnelle, l’estime de soi, l’assertivité, la communication, la pensée critique, l’autodiscipline ou la façon d’organiser son avenir.

Je t’invite vivement à inventer des jeux amusants pour le développeront de la maturité émotionnelle, mentale et sociale de tes enfants, expérimenter le changement. Sache que chacun de nous a le pouvoir de faire partie de ce changement. Permets à ton enfant, de temps en temps, d’avoir son point de vue et sache que chaque discussion avec lui est déjà une petite partie d’un vaste ensemble.

Si nous agissons tous pour une éducation consciente et sensée, nous allons nous libérer des schémas obsolètes. Nous construirons alors des alternatives nouvelles et conscientes. Je t’encourage à exploiter les pistes que j’ai partagées dans cet article, et à en faire une partie de ton aventure dans la vie avec tes enfants.

N’hésitez pas à partager le fruit de vos conversations avec vos enfants dans les commentaires.

Bonne chance !

* Jesper Juul  http://www.jesperjuul.com/

Ses œuvres (entre autres):