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« La voie qui pourrait être une voie n’est pas la voie éternelle.

Le nom qui pourrait la nommer n’est pas un nom éternel.

Sans nom, elle est le commencement du ciel et de la terre.

Ayant un nom, elle est la mère de milliers d’êtres.

Ainsi, Toujours-sans-Désirs, parce qu’il contemple son excellence, et Toujours-avec-Désirs, parce qu’il contemple ses limites.

Ces deux sortent de la même façon, mais leurs noms sont différents.

Ensemble ils s’appellent profondeur, obscurité plusieurs fois cachée, accès à toutes les merveilles. »

(Lao tseu : Extrait de La Voie Éternelle – Chapitre 1)


Il y a de par le monde des voyages qui restent comme nimbées d’une aura de pureté. Ils résistent au temps et se nourrissent d’une lumière qui semble prendre racine dans une éternité immaculée, dénuée de toute volition de conquête.

Ce sont des voyages si purs que seul le regard est à même d’en affleurer les paysages. Transportant l’éloquence de la simplicité, ils nous renversent d’innocence et nous convient de sérénité.

A vouloir les posséder, ou même les expliquer, ils nous échappent. Nous pouvons passer notre vie à écouter des voyages sans y prendre part. Nous pouvons passer notre vie à voyager sans pour autant y prendre part…

Ces voyages sont porteurs d’une telle lumière, d’une telle densité d’amour qu’ils charrient dans l’immensité de leurs océans des vagues ou toute prétention, ou toute volition s’échouent inéluctablement. Même les plus puissantes armées du monde finissent par désarmer de violence, et mettent genoux à terre pour les saluer…

Parfois c’est la femme qui esquisse ce voyage tant il est de beauté et de grâce révélée au travers d’un simple geste ou d’une posture qui devient chemin vers Dieu. Mais que cela soit perçu au travers de la femme ou des fresques stellaires ployant d’offrandes sur la terre, l’incitation est la même.

C’est un voyage intérieur qui a pris son naissance dans la Source originelle de toutes choses afin d’y retourner. Durant ce long périple, des éclaircies de grâce s’ouvrent dans l’instant présent. Elles s’écoulent comme un fleuve d’abondance et nous abreuvent d’éternité.

Et il y a là quelque chose de l’ordre du pur émerveillement…

*

Féru de simplicité et délaissant les impasses du pouvoir, il y a dans la profondeur de nos cœurs un enfant qui ne peut que témoigner de la beauté du monde et de la vie. Lorsque le mental fait silence, cet enfant perçoit au-delà des apparences, les signes de notre propre éternité. Cet enfant voyage avec nous. Certains l’ignorent, d’autres le reconnaissent. Certains ne cessent de tenter de le définir, d’autres l’accompagnent en silence pour l’offrir au monde…

*

L’enfant : J’ai assisté, par ce matin de grand froid, à une chorégraphie grandeur nature. A l’aube naissante, sur le fleuve encore habillé de fumerolles liquides et vaporeuses, le monde exprime dans la fraîcheur du levant son immensité de perfection.

Le soleil n’est pas encore visible à l’horizon mais une clarté se tient déjà là. Le frémissement du monde est visible. La vie baigne dans une lumière semblant provenir d’elle-même.

L’astre solaire s’éveille à l’horizon. Habillé de braises rougeoyantes, il s’élève lentement dans l’azur en s’habillant d’une couleur or. Son reflet traverse le fleuve et s’étire jusqu’à mes pieds comme une invitation à mon propre principe solaire qui est d’éclairer…

Quelques oiseaux traversent cet espace liquide. Ils prennent leur envol et s’élancent de légèreté pour signer cette fresque géante d’une présence aérienne.

Chaque chose est parfaitement à sa place. Chaque mouvement est juste et s’inscrit dans le rythme et la mesure d’une intelligence créatrice de vie.

Surgissant de nulle part, une péniche traverse le brouillard. Sur sa proue on peut lire : Arianne.

 

C’est le fil d’Arianne de la vie qui a parlé en cet instant. Affranchi de toutes croyances, il déjoue le labyrinthe du mental qui livré à lui-même ne fait que de se perdre dans son propre conditionnement.

A cet instant, tout est renouveau.

En ce renouveau se tient une promesse : l’union de deux humanités qui fusionnent de silence dans un acte immobile de pure présence.

Qu’il est de choses extraordinaires dans l’or de l’ordinaire…

*

C’est à présent une étoffe de sérénité qui habille le monde et je ne suis plus que contemplation derrière les paupières de la vie. Le regard se pose sur les bambous qui ploient sous la neige.

L’azur est silencieux. Le ciel alourdi de nuages se penche sur la terre. Quelque chose d’indicible émerge de pureté.

Le monde se fissure… Les enfants des étoiles sont restés longtemps sur une faille béante, creusant et cherchant dans la terre les signes de la lumière. Mais il n’y a plus à chercher maintenant…

Les bruits du monde ont soudainement cessé, remplacés par une qualité de silence qui habille toutes choses d’une grâce si soudaine que le monde tangue, comme ivre d’amour et de présence…

Il y a une musique de silence coulant du ciel et se répandant sur le visage du monde. Elle nourrit les terres intérieures que nous avons cultivées d’amour et de patience. Ces terres commencent à germer sous le regard ébahi et curieux de notre propre présence à nous-mêmes.

Les oiseaux ne s’effrayent plus au passage de l’homme.

Il y a quelque chose de précieux, une reconnaissance de la vie au-delà des formes et des apparences, une qualité de vie qui consume les scories de la séparation et enfante une humanité nouvelle.

Une lumière est bien là et se tient dans l’espace de notre conscience. C’est une lumière que je ne connais pas mais que je reconnais. Elle traverse tous les murs de la séparation. Je ne sais d’où, ni pourquoi, et cela importe peu. Elle est de plus en plus présente. Elle vibre de présence…

J’ignore ce qui sourde à la fois de partout et de nulle part, mais cela résonne comme une promesse après l’éclair du renouveau frappant le dôme de la servitude…

 

Fraternellement,

Alain