Un article de Jérémy Ansohttp://www.dur-a-avaler.com/

vaccin-grippe-infarctus-influenza-antigrippal

Une nouvelle intéressante et intrigante se propage actuellement dans la sphère médicale et médiatique, celle du caractère protecteur contre les attaques cardiaques du banal vaccin contre la grippe.

Le Point titre « Moins d’infarctus chez les adultes vaccinés contre la grippe » dans un article paru le 26 août.

Carevox.fr, une plateforme d’information sur la santé, s’enquille d’un article du même bois :

Le vaccin contre la grippe efficace contre le risque d’infarctus

Finalement, et pour ne citer que ce dernier exemple, Le Nouvel Observateur parachève la discussion autour du vaccin antigrippal et des crises cardiaques avec un titre très encourageant

45% risque d’infarctus en moins avec le vaccin

C’est le chiffre inédit de cette étude publiée par une équipe de l’école de santé publique de l’Université de Sydney en Australie. Près de 600 patients ont permis aux chercheurs de cette université de démontrer une association positive entre le vaccin antigrippal et la fréquence des infarctus du myocarde.

Dans la discussion de cette étude, les auteurs considèrent que leurs résultats vont dans le sens « d’une vaccination des jeunes adultes » avec des effets « potentiellement important sur les maladies cardiaques ischémiques ».

Les résultats et les conclusions des chercheurs paraissent tellement incroyable, que je me suis procuré l’étude en question. Je peux vous assurer que j’avais rarement vu une étude d’aussi mauvaise qualité, avec des biais majeurs dans la méthode et dans l’interprétation des résultats, et même avec des conflits d’intérêts digne d’un roman de science-fiction.

Une étude aussi étrange qu’incompréhensible

Nous n’allons pas épiloguer longuement sur les biais de cette étude. Je vous propose une lecture, point par point, des biais et des limites majeures du papier de nos chercheurs australiens.

1er Point : Une étude rétrospective apporte le plus bas niveau de preuve

Pour faire simple, il existe en science médicale différentes études qui permettent de répondre à des questions différentes et qui apportent une puissance de preuve différente. Par exemple, les études de cas clinique, randomisées, en double-aveugle contre un placébo apportent le meilleur niveau de preuve en la matière.

Ce genre d’études correspond au « gold standard » selon les anglo-saxons. A l’opposé, nous retrouvons les études rétrospectives –comme celle de nos chercheurs australiens – qui apportent un niveau de preuve beaucoup moins puissant avec des conditions très particulières d’utilisations.

Les études rétrospectives sont plus faciles à mettre en place ; elles nécessitent moins de participants ; et elles permettent d’établir des associations entre plusieurs variables. Bien entendu, ces études doivent répondre à certains critères pour être valables sur la scène médicale.

2ème Point : Des groupes « cas-témoin » fortement différent

L’une des faiblesses majeures de cette étude se porte sur le biais de sélection, le choix des participants qui intègrent le groupe « malade » ou « cas » ou bien le groupe « témoin » ou « contrôle ».

Ces deux groupes ne doivent se différencier que sur un seul et unique critère, la présence de la maladie étudiée. Dans notre cas, c’est bien la présence ou l’absence d’un infarctus aigu du myocarde (AMI en anglais).

Or, les deux groupes présentent de nombreuses différences significatives qui perturbent profondément l’analyse des résultats et donc dans l’interprétation des données.

Nous noterons les points suivants :

  • Les participants du groupe contrôle étaient 2 fois plus vaccinés contre la grippe (alors que l’on étudie l’effet de la vaccination !)
  • Les participants du groupe contrôle étaient plus âgés (75% au-delà de 65 ans) que les personnes malades (36% au-delà de 65 ans)
  • Les participants atteints d’AMI comprenaient pratiquement 3 fois plus de fumeurs que ceux du groupe contrôle
  • 8 personnes sur 10 étaient des hommes dans le groupe « malade », tandis que le ratio était d’un homme pour une femme dans le groupe contrôle
  • Les participants du groupe « témoin » avaient plus de problème de mobilité et de « douleurs » que le groupe « malade »
  • Finalement, le groupe « malade » avait plus de participants que le groupe « contrôle » avec un taux de cholestérol élevé

Dans la mesure où le choix des participants est essentiel dans la suite de l’étude, avec des groupes les plus proches possible, l’étude ci-présente démontre sa faiblesse majeure dans ce domaine.

Les auteurs indiquent eux-mêmes dans la discussion des résultats les faiblesses de leur protocole qui est « non randomisé » (les personnes ne sont pas choisies aléatoirement) et « différent » d’un groupe à l’autre.

3ème point : Les facteurs de confusion sont totalement ignorés

Les auteurs « pensent qu’ils ont inclus tous les principaux facteurs de confusions dans leur modèle ». Alors que l’équipe de nutrition de l’école de santé publique de Harvard s’attèle à récolter des montagnes de données pour limiter ces facteurs (avec par exemple la qualité de l’alimentation, le nombre de calories, la consommation d’alcool, la fréquence des repas, les caractéristiques du sommeil, l’activité physique, le tabagisme, etc.) notre équipe australienne n’a récupérer que les facteurs suivants :

  • Le tabagisme
  • L’état de santé (diabète, hypertension, hypercholestérolémie) auto-évalué par les participants
  • Tous les problèmes en liens avec la mobilité, les soins personnels, les activités physiques, les douleurs (aussi vague que ce mot qui sort de la publication) et l’anxiété
  • Le sexe
  • L’âge

En somme, il manque la plupart des facteurs de confusions majeurs comme la qualité de l’alimentation, la qualité du sommeil, la consommation exacte d’alcool, le nombre de calories et bien d’autres.

En plus, et pour couronner le tout, ces données (mêmes médicales) sont renseignées par les participants eux-mêmes avec tous les biais que cela comporte.

4ème Point : Les sponsors de l’étude commercialisent les vaccins

C’est la cerise sur le gâteau de ce billet. Le sponsor officiel de l’étude est le laboratoire pharmaceutique international GlaxoSmithKline (GSK).

D’autre part, dans la section des conflits d’intérêts, 3 chercheurs (dont les deux premiers auteurs) ont reçu des fonds et/ou le soutien pour des études médicales à l’initiative des plus grands groupes pharmaceutiques du monde.

Merck, GSK, Sanofi Pasteur et Pfizer font partie de cette étude, qui je vous le rappelle place très haut les qualités du vaccin contre la grippe, avec des propriétés anti-infarctus notamment.

Une vaste blague ?

Sur le net, en français et en anglais, je n’ai trouvé qu’un seul article qui a torpillé cette étude (sans argumenter toutefois). Tous les autres médias ont recraché cette soupe immonde qui nous sort tout droit des bureaux de l’industrie pharmaceutique pour redorer le blason d’un vaccin à refaire tous les ans.

Cependant, il ne faut pas se tromper avec cette étude. Elle n’apport pas la moindre preuve qu’une vaccination contre la grippe protègerait contre les crises cardiaques, même aigues.

Cette étude est bâtie d’avance pour démontrer l’effet positif du vaccin sur la fréquence des AMI. L’étude n’est pas randomisée, les groupes étudiés ne sont pas homogènes et trop peu nombreux, les facteurs de confusions (quand ils sont récoltés) sont recueillis de la pire des manières.

Cette étude est encore une fois un bel exemple des limites du travail scientifique en collaboration avec l’industrie. Un résultat à ignorer purement et simplement.


Notes et références

  1. Letrilliart, L. (1998). Les enquêtes cas-témoins: quand, comment. Sang Thromb Vaiss, 10, 116-22.
  2. Faculté de médecine Pierre et Marie Cury. Chapitre 15 -Méthodologie des études épidémiologiques
  3. MacIntyre, C. R., A. E. Heywood, et al. (2013). « Ischaemic heart disease, influenza and influenza vaccination: a prospective case control study. » Heart.

Source: http://www.dur-a-avaler.com/