par Bertrand Duhaime
La fraternité engendre la solidarité, ce qui favorise la cohésion, mais elle ne peut éliminer l’autonomie et l’indépendance qui favorisent le maintien de l’individualité et l’expression de la différence qui enrichit. Dans ce contexte, afin de respecter le principe de la Liberté, le bien commun ne doit jamais primer sur le bien individuel, ni l’inverse, l’un et l’autre doivent s’harmoniser.
Pour s’accomplir dans l’ordre, l’équilibre et l’harmonie, tout être doit s’investir constamment à la fois dans l’autonomie et l’indépendance et dans la fraternité et la solidarité.
Dans la quête de son individualité, l’être humain doit préserver précieusement sa liberté. À cette fin, tant qu’il le peut, il doit voler de ses propres ailes et s’assumer par lui-même. Mais, comme il est limité dans le temps et l‘espace, ce qui l’entrave au niveau des connaissances, des compétences et des moyens, il doit savoir partager avec les autres et mener avec eux des échanges harmonieux et équitables, ce qui l’appelle à toujours se montrer fraternel et solidaire.
En fait, c’est davantage pour répondre à sa véritable nature que l’être humain doit toujours agir de façon autonome et indépendante tout en restant fraternel et solidaire. En effet, comme nul ne peut offrir ce qu’il ne connaît pas, ne possède pas ou ne porte pas, il doit commencer par le chercher et se le donner à lui-même. Un être ne comprend jamais bien que ce qui est passé à travers ses tripes. Ce n’est qu’après avoir maîtrisé une réalité qu’il peut la partager ou l’échanger convenablement. Mais une fois qu’il a accédé à un trésor, il doit savoir le partager avec ses semblables qui font indissociablement partie de son expérience.
L’autonomie
On définit l’autonomie comme la faculté de se déterminer soi-même dans ses choix et ses actes ou comme le droit de déterminer pour soi les règles auxquelles on veut se soumettre. Dans l’éducation, pour l’enfant en formation, la première forme d’autonomie consiste, pour un enfant, à devenir capable de se conduire en tenant compte des règles fixées par l’environnement social. Mais, avec le temps, elle doit inclure une liberté intérieure, soit une capacité à choisir de son propre chef, sans se laisser dominer par ses tendances, ni se laisser dominer de façon servile par une autorité extérieure. À ce niveau, elle implique la nécessité de se former un système de valeurs qui amène à veiller à son expansion personnelle dans le respect des droits d’autrui. L’autonomie doit impliquer le comportement responsable de chaque membre de la société.
Effectivement, l’autonomie cerne l’aptitude à faire ses propres choix et à poser les actes que l’on veut, comme à déterminer, pour soi, les règles, les normes et les critères auxquels on veut souscrire. Dans ce contexte, elle devient la négation de la domination et le contraire de la dépendance.
Le Bhagavad-Gitâ, un livre de la spiritualité hindoue, dit clairement : «Mieux vaut suivre sa propre loi, soit-elle médiocre, que la loi d’autrui, conçue comme meilleure.» Et la Mère Rose (Alfassa Meera), compagne de Sri Aurobindo Ghose, commente: «On ne veut rien laisser tomber du passé et on est de plus en plus courbé sous le poids d’une accumulation inutile. Vous avez un guide sur un morceau de chemin, mais quand vous avez passé ce morceau de chemin, laissez le chemin, et le guide, et allez plus loin. C’est une chose que les hommes font avec difficulté; quand ils attrapent quelque chose qui les aide, ils s’accrochent, et puis ils ne veulent plus bouger.»
Dans la vie, pour garder sa motivation, se protéger contre l’inertie, il faut toujours dépasser quelque chose, à commencer par soi-même, ce qui n’est possible que si l’on est autonome. Comment un être peut-il exprimer son unicité foncière, ce qui fait de lui sa rareté, ce qui le rend précieux, original, indispensable, s’il refuse les défis de l’autonomie par peur de perdre quelque chose ?
Le véritable chercheur s’investit de façon autonome et il assume les conséquences de ses choix. Il ne tient jamais de propos approbateurs ou désapprobateurs, s’il lui est possible de formuler une question à la place. En aucune circonstance, il ne se prête à une dispute, cherchant toujours à dépasser les apparences pour voir le bien et la beauté en toutes choses. Jamais il ne fait étalage de ses prouesses ni de ses talents. Jamais il n’accepte d’argent en retour d’une tâche accomplie dans la sphère du service amoureux. Jamais il ne cherche à imposer ses idées à autrui, même s’il sait avoir raison et l’autre avoir tort, sachant qu’une loi supérieure veille à harmoniser toute relation de manière à transformer l’erroné en juste. Quelles que soient les difficultés émotionnelles, psychiques, morales qu’une personne traverse, il n’apporte jamais d’aide sans être prié de le faire, ce qui témoignerait d’arrogance. Il ne s’attaque jamais à la foi de qui que ce soit, ne mine jamais la confiance d’une personne envers sa foi, ne transmet aucun principe nouveau pour en remplacer un mauvais tant qu’il n’en a pas reçu la demande.
Chaque homme doit mériter son avancement par son propre travail. Mais il respecte les principes les plus élevés. Il reconnaît qu’il ne fait rien de son propre chef puisqu’il n’est qu’un canal à l’usage du Pouvoir universel de la Source divine. Il accomplit tout dans l’état amoureux et le détachement. Peu importe le degré d’une relation, aucune opinion personnelle ne peut être imposée à un autre par l’exercice de la volonté, de la pensée ou d’une habile persuasion, surtout si un gain personnel de quelque nature est subtilement visé. Plus encore, aucun chercheur ne peut atteindre le sommet de la connaissance et du savoir sans être devenu son propre enseignant, son propre prêtre, son propre maître. Trop souvent, l’encadrement d’une organisation spirituelle ne sert qu’à réduire un esprit exceptionnel et à rassurer un esprit médiocre.
Pour un chercheur, la réussite est sans importance : ce qui compte, c’est d’être et d’expérimenter son pouvoir créatif. Son devoir d’état importe bien davantage que le succès et la réussite. En cela, il garde sa pensée libre, sachant qu’aucune organisation ou qu’aucune religion ne détient tout le bien et toute la connaissance, aucune n’étant supérieure à la Vérité. Tant qu’un être n’a pas accédé à la Vérité unique et universelle, il voit sa vérité changer, se modifier, se transformer. Sur Terre, la vérité d’hier devient la demi-vérité d’aujourd’hui et l’hérésie de demain. De ce fait, aucun être humain ne doit se laisser lier par une forte organisation ou par une autorité centrale autre que Dieu. La Vérité se propage en dehors de toute contrainte, par le cœur, de cœur à cœur, d’âme à âme, d’Esprit à Esprit. Aucune règle ne renferme toute la vérité, aucune parole ne contient toute la vérité.
Alors, un jour, le chercheur doit renoncer à tout ce qu’il a appris, qui ne servait qu’à sécuriser temporairement. Pour lui, l’ultime épreuve, c’est de tout aimer, impersonnellement et inconditionnellement, comme il aime son Maître intérieur.
L’indépendance
On définit l’indépendance comme l’état de ce qui est autonome, qui ne dépend d’aucune autorité, qui s’assume ou se gère par soi-même, qui refuse la sujétion ou la domination, qui n’est solidaire que de ce qu’il comprend bien.
Un être se sait indépendant dans la mesure où il est véritablement libre de toute domination, de tout contrôle exercé par un ou des tiers, voire par un système. Ce sentiment s’acquiert en se débarrassant des pressions frustrantes qui limitent sa liberté.
Un être en quête d’indépendance atteint son but dans la mesure où il sait marquer ses distances avec les idées et les images prédominantes de son milieu. Il doit s’opposer à la culture dominante par la pensée critique de manière à élaborer une contre-pensée qui lui convient et le sert bien. Mais cette tentative ne doit pas mener à adopter un comportement original comme mode d’opposition systématique, ce qui ne contribue qu’à développer un nouvel asservissement. Celui qui veut retrouver son originalité doit se garder d’adopter nouvelle pensée formée d’un agrégat de multiples influences extérieures à lui-même.
C’est au niveau de la famille que s’effectue la première séparation salutaire à l’origine de la construction de l’individu. Alors, il s’agit pour tout individu de s’arracher à un univers protecteur, fait de support, de confort et de bien-être, source de dépendance, pour acquérir son indépendance. Il est certain que la vie est faite de multiples liens et dépendances et que chacun dispose des mêmes informations que les autres détiennent. Pour cette raison, la véritable indépendance d’esprit paraît assez relative.
Cependant, dans la deuxième phase de libération personnelle, celle qu’on pourrait appeler la pré-indépendance, chaque individu réinterprète les informations fondamentales dont il se réapproprie de manière à ce qu’elles correspondent à un choix de vie qu’il a élaboré personnellement. Pour y parvenir, chacun dispose de sa propre stratégie. De même le rythme de la libération, ainsi que l’intensité de la motivation, varient en fonction de la personne. C’est précisément en cela qu’intervient la force de l’indépendance d’esprit, si elle existe. Chacun doit garder le cap qu’il s’est fixé et veiller à ce que son opinion sans ne relève plus que des diverses influences qu’il a subi ou qu’il continue à subir.
Enfin, l’indépendance totale, la vraie, celle qui exprime la liberté ultime de l’individu, passe par l’accession à l’indépendance d’esprit. Celui qui cherche à s’affranchir doit savoir dire non aux détracteurs, aux personnes qui tentent de le décourager dans ses choix ou de l’influencer d’une manière ou d’une autre. Il doit savoir affirmer son individualité et les désirs personnels qui la fondent. Il doit choisir ses propres moyens qui le conduisent à un but de sorte qu’il ne perde pas de vue son objectif.
Une fois qu’un être a acquis la motivation d’accéder à l’indépendance, il ne lui reste plus qu’à l’élaborer intérieurement de manière à acquérir la véritable sensation d’indépendance personnelle. À cette étape, le désir d’être pleinement soi surpasse les autres formes d’indépendance. Qu’importe si son choix de vie ne se conforme pas aux normes sociales communément admises, il s’exprime avec sincérité, il fait des choix qui relèvent de sa volonté personnelle. Il s’établit dans la vie en toute indépendance d’esprit!
La quête de l’indépendance doit viser à retrouver son originalité propre et son intégrité personnelle. Elle doit amener à devenir pleinement soi-même à sa manière et à s’assumer le plus entièrement qu’il est possible. Toutefois, dans sa démarche de libération, le chercheur doit éviter de confondre l’indépendance avec l’isolement, la séparation, le cloisonnement, le sectarisme, le repli sur lui-même.
Qui recherche l’indépendance dans la seule intention de se démarquer des autres et de s’isoler du reste du monde, parce qu’il se sent complet, parfait, nanti d’une mission singulière, s’égare, s’écartant du chemin de l’évolution de l’humanité. Il se retarde dans son expansion et il retarde l’arrivée du genre humain à son terme ultime de perfection.
La vue de l’esprit, qui fait miroiter l’illusion d’une indépendance individuelle, ne le faisant agir en complet désaccord avec les forces constructives et unifiantes de l’Univers, ne peut que provoquer des ravages dans la conscience. L’indépendance perd tout son sens si elle incline vers l’idée exclusive de profit, de propriété personnelle, de valeur supérieure, d’égoïsme. La liberté qu’elle confère passe par la soumission à un certain ordre qui dépasse l’entendement de tous les êtres, mais qui unit dans la Sagesse intelligente qui manifeste toutes choses.
Pour tout dire, l’indépendance ne doit jamais nier l’interdépendance des êtres qui découle du liens des âmes.
La fraternité
On définit d’abord la fraternité comme le lien de parenté entre des frères et des sœurs. Dans la sphère de l’humanisme, il décrit les liens qui existent entre les êtres humains considérés comme membres d’une seule et même famille. Dans un sens élargi, il précise le lien particulier qui établit des rapports fraternels. Il peut désigner les compagnons d’une même confrérie ou certaines communautés religieuses. Mais fondamentalement, la fraternité exprime l’idée suprême qui consiste à ressentir et à développer le lien profond qui rattache tout individu à ses semblables, dans la dynamique de l’Évolution cosmique, par l’amour et les nécessités de la survie.
La fraternité permet de comprendre que l’autre est aussi une partie issue de la même Source unique, qu’il provient du même Père divin et de la même Mère céleste. Cette compréhension permet de le considérer comme un membre à part entière de sa famille à part entière. Dans sa compréhension, il devient un frère ou une sœur de cœur émané de la même Lumière primordiale. Dès lors, autrui prend une autre importance que celle d’un étranger ou d’un ennemi. C’est toujours ainsi que les Maîtres, issus de la Chaîne évolutive, considèrent tous les êtres humains en incarnation. Ils les considèrent avec amour et respect, d’où leur priorité devient de les servir au mieux. Ils œuvrent en se fondant sur la notion d’un échange égalitaire et d’un amour impersonnel et inconditionnel. Ils considèrent tout homme et toute femme comme des êtres également importants. Et ils démontrent, par leur attitude et leur comportement que chaque être incarné détient une grande valeur, d’où il devient absurde d’établir des préférences ou des privilèges à partir des notions de valeur, de couleur, de race, de taille, de philosophie, de religion ou de spiritualité. S’il existe autant de conflits sur la Terre, c’est que nombre d’êtres humains ont oublié ce concept de la fraternité universelle des êtres pensants.
Dans l’ordre humain, la fraternité universelle constitue une réalité ontologique. Tous les êtres humains font partie de la même espèce, ils sont tous liés les uns aux autres du fait qu’ils descendent du même couple originel. Tout être humain est issu de la Source d’Amour, de Vérité et de Sagesse. Ils sont tous issus de la double polarité originelle qui a formé un noyau qui s’est, par la suite, multiplié à l’infini. Aujourd’hui, les êtres humains ne reconnaissent plus cette filiation originelle parce qu’ils se croient complètement séparés des autres, ce que semble prouver leurs différences de formes, de tailles, d’âge, de couleur. Cette apparente division semble se confirmer par les divers points de vue philosophiques, religieux, politiques, économiques, sociaux, ce qui va jusque dans les choix des loisirs. Il suffit qu’un être humain préfère un autre sport que son voisin pour commencer à s’opposer à lui. C’est que l’être humain oublie de comprendre la fraternité à un niveau supérieur. S’il le peut, s’il en détient les moyens et la compétence réelle, chaque être humain devrait pourvoir aider n’importe quel de ses semblables. Il devrait se garder d’élever des cloisons, d’abandonner un autre être dans un endroit clos, comme il devrait refuser qu’un être humain, quel qu’il soit, limite la liberté d’un autre être humain et qu’il l’enferme. Même s’ils ont suivi un parcours évolutif différent, tous les êtres humains devraient s’aider les uns les autres par amour de leur espèce, par amour de leur filiation commune, par amour de leur Créateur commun, par amour de tout ce qui est.
Un être humain devrait pouvoir en aimer un autre même s’il n’est pas d’accord avec ses actes, ses pensées, son point de vue, son idéologie, ses us et coutumes. Et il le peut d’autant plus facilement qu’il procède par la voie du cœur plutôt que par la voie de la raison. Le cœur aide à reconnaître et à accepter l’autre comme un frère ou une sœur d’expérimentation. Seule la fraternité fondée sur l’amour inconditionnel peut assurer la paix dans le monde, car l’amour vrai aide à accepter les divergences et les différences apparentes. L’amour pur, qui incline vers le service mutuel, amène à percevoir les diverses spécificités comme un enrichissement, non comme une menace. Celui qui fixe sa vision dans le cœur se ressent solidaire des autres êtres humains et il agit en conséquence.
Tout chercheur loyal doit chercher à comprendre son rapport au monde. Il gagne à chercher l’harmonie avec la communauté des hommes au lieu de se méfier d’autrui et de l’idée d’intégration sociale. Ainsi, il ne cherche jamais à s’associer uniquement à ceux qui pensent comme lui et à s’écarter du chemin de la communauté avec les autres, cherchant à fonder une coterie fondée sur les intérêts personnels et égoïstes. Il ne tente jamais d’exploiter les autres en tirant un profit d’eux dans l’intention de s’insinuer dans les bonnes grâces de ceux qui pensent et agissent comme lui. En association avec d’autres êtres humains, il s’emploie à instaurer une ère d’abondance et de bien-être pour l’ensemble de la communauté.
Dans la communauté, l’être fraternel cherche la place qui correspond à sa réalité afin d’exercer au mieux ses talents. Car la vraie communauté avec les hommes doit s’établir sur le fondement d’un intérêt cosmique, non égoïste. Dans une collectivité, celui qui veut tente d’imposer sa volonté à tout prix n’unit pas, il divise. Celui qui s’implique dans une communauté ne peut y mener son travail à bien que s’il fait preuve de renoncement pour laisser de côté ses intérêts trop personnels. Fondamentalement, il doit chercher à favoriser l’entraide et la générosité du cœur. Il veille à servir au mieux la collectivité à laquelle il a choisi de s’identifier, se satisfaisant que les autres soient assemblés, ne cherchant pas forcément à se placer à leur tête. Il lui importe que le chef de la communauté soit un être de sagesse.
L’être fraternel se fonde lui-même sur la foi dans le bien et le désir d’élévation spirituelle. Lésé, il ne cherche pas à se faire justice lui-même sachant que, par là, il pourrait mettre en péril toute l’organisation sociale. Il n’essaie jamais de donner plus que ce qu’il peut effectivement donner, car il affaiblirait sa propre position sans pour autant durablement aider les autres. Il préfère rester à l’écoute des gens qui l’entourent et il se comporte en conformité avec le temps.
À un autre niveau, la grande compréhension, fondement de la compassion profonde entre les races, ne peut découler d’une approche intellectuelle sur la diversité humaine, mais sur la connaissance de la seule unité des êtres humains, en tant qu’espèce, et de leur parenté identique avec Dieu. En effet, en essence, la fraternité désigne l’expression fondamentale de l’Idéal suprême qui consiste à ressentir et à développer le lien profond qui rattache tout individu à ses semblables, dans une dynamique d’évolution cosmique, par l’amour et le service mutuels. En cela, il ne doit y avoir ni grand ni petit, ni riche ni pauvre, ni élu ni damné, in inclus ni rejeté, car, à un niveau supérieur, tous travaillent ensemble et dans le même But unique. Dans cette dynamique, chacun a beau suivre son propre chemin, jouer son propre rôle fonctionnel, il est appelé à échanger sans cesse avec les autres. De ce fait, nul ne peut chercher uniquement son avantage et son profit, ce qui reviendrait à mettre son âme en esclavage.
En fait, tous les êtres humains ne font qu’un dans la Conscience de Dieu, tous révèrent le même Père divin et la même Mère céleste et tous dépendent les uns des autres. Tous les êtres humains sont unis, comme autant de cellules d’un même corps, par un lien qui fait de tous de vrais frères et sœurs. Ce que l’un possède, peut faire et créer, doit servir au bien des autres. L’existence de chacun dépend donc de ce que font tous les autres. Un être humain seul ne vivrait pas longtemps sur une île déserte: il perdrait le moral et la motivation. Chacun est le gardien de son frère. À moins que chacun ne contribue à combler les besoins légitimes des autres, la vie personnelle est un gaspillage, il ne fait pas son devoir. Mais il faut savoir à qui donner, quoi donner, comment et quand le donner.
Au niveau ontologique, l’individualité, dont l’égocentrique se glorifie sans cesse, n’est qu’un leurre. Chacun fait partie intégrante de l’humanité et de la civilisation terrestre. L’être qui se concentre uniquement sur lui-même ne bâtit et n’œuvre que pour lui seul et il retarde son progrès et son propre accomplissement. Chacun doit travailler à éliminer son moi enflé et revendicateur, car le bien particulier doit s’harmoniser avec le bien commun. C’est en éliminant l’égoïsme qu’un être peut s’élever dans la Conscience christique, où tous peuvent se percevoir comme des frères et des sœurs dans l’Âme unique.
Le principe de la fraternité humaine repose sur le fait que l’espèce humaine, au-dessus de tous les êtres vivants de sa planète, est capable de définir sa nature personnelle, d’examiner sa propre existence et de concevoir sa relation avec tout ce qui est. L’être humain détient cette faculté de pouvoir rechercher les causes des phénomènes. Cet attribut, qui découle de l’Intelligence supérieure, lui attribue son pouvoir d’être conscient de lui-même. Tous les êtres humains se perçoivent comme des frères et des sœurs lorsqu’ils font usage des fonctions et des attributs supérieurs dont ils ont été dotés. C’est donc par sa conduite, en tant qu’être humain, que chacun établit son droit à la fraternité humaine.
Le terme de fraternité humaine évoque, pour chaque individu, une invitation à sortir de sa vie purement individualiste pour entrer dans la Vie cosmique, la Grande Vie. C’est le sentiment qui émane de la Conscience egoïque, de la Monade divine, qui révèle que l’être humain doit vraiment s’occuper de ses semblables puisqu’il participe, avec eux, de la même conscience de groupe. L’être humain ne doit plus vivre seulement pour les intérêts du soi séparé, mais se rendre compte qu’il doit s’adapter aux conditions de son prochain. Il doit comprendre que le progrès, la satisfaction, la sérénité et la prospérité ne peuvent s’exprimer, pour lui, que s’il tient compte des autres. Pour l’être humain, tout existe par rapport aux autres êtres humains. Il doit savoir donner, partager, échanger, pas seulement prendre!
Tous les êtres humains sont issus de la même Source divine. Ils sont frères et des sœurs et les héritiers conjoints, tous égaux en dignité et en potentiel, en termes de pouvoir, de force et d’intelligence innés. Vivre en fraternité, c’est considérer tous les êtres comme ses frères et ses sœurs. Tous dépendent les uns des autres, qu’ils en soient conscient ou pas. Chaque être constitue une cellule du grand Corps cosmique. Chacun est, de ce fait, solidaire des autres. Mais vivre la fraternité n’invite pas à développer avec tous un degré d’intimité qui confine à la familiarité. Chacun est libre dans son univers, dans son espace psychique, et il a droit à ses secrets, à sa privauté, à son schème et à son rythme évolutifs particuliers. La fraternité ne force pas davantage à respecter les conventions purement sociales ou à vivre tous ses loisirs en commun. La fraternité n’exclut pas les divergences d’opinion.
La fraternité se résume au sens aigu de la solidarité qui unit tous les êtres humains dans la Conscience de Dieu. Tous les êtres humains dépendent les uns des autres, qu’ils le sachent, qu’ils le veulent ou non. L’Humanité forme un tout dont l’équilibre dépend aussi bien du fonctionnement harmonieux de l’ensemble que de la vitalité de chaque élément. Depuis l’aube des temps, l’être humain a senti le besoin de vivre en communauté pour se protéger des éléments naturels et des animaux sauvages.
En cela, à juste titre, on peut considérer la famille comme la première cellule de la société, car c’est le noyau au sein duquel les enfants apprennent à vivre ensemble et à se connaître. Devenus adultes, ils auront à prendre soin de ceux qui ont dirigé leurs premiers pas dans la vie et de ceux qu’ils mettent au monde et à les aider. Le processus d’évolution a ensuite poussé les familles à se réunir pour formes des clans ou des tribus dans lesquelles ils ont planté les germes de la civilisation. De ce fait a résulté la nécessité de s’associer à d’autres pour survivre. Alors, on assigna des tâches à des individus ou à des groupes différents en tenant compte de leurs aptitudes et de leur inclination.
En se multipliant, les clans en vinrent à lutter entre eux, stimulés par la concurrence et les conflits, s’affrontant entre autre pour asseoir leur suprématie. À l’intérieur des groupes antagoniste, il fallait, dans ces moments critiques, dépasser les conflits personnels pour défendre les intérêts collectifs, ce qui les raffermissait. Avec le temps, les assises de la société se consolidèrent par l’organisation de gouvernements qui promulguèrent des lois afin de régir les rapports humains et de favoriser son idéal.
À notre époque, l’Humanité n’a pas beaucoup dépassé la mentalité des membres de clans et de tribus, car les nations se font encore la guerre pour des intérêts égoïstes comme la suprématie, la possession de biens et de territoires et la renommée internationale. Elles fondent leur solidarité sur des liens naturels et sur les rapports humains qui se limitent d’abord à elles, sans les élargir correctement à toute l’Humanité. Pour chacune d’elles, ceux qui viennent ailleurs sont facilement considérés comme des étrangers méritant peu de considération ou comme des adversaires potentiels dont il faut se protéger.
À l’intérieur même des peuples, la solidarité ne signifie pas grand-chose. Cette carence découle de l’égoïsme forcené engendré par les intérêts personnels et un matérialisme desséchant. Individualiste, chacun ne pense qu’à lui-même, bafoue les droits les plus élémentaires d’autrui, se reconnaissant plus de droits que de devoirs, cherchant à exploiter plus qu’à aider, à prendre pour soi qu’à donner. Ainsi s’est créé et se perpétue le déséquilibre que connaît le monde actuel.
Seule une véritable fraternité, fondée sur la solidarité, l’amour et le service désintéressé peuvent sauver le monde. Cette fraternité doit s’exercer dans le respect mutuel, le respecte de l’intimité, l’acceptation de certaines limites raisonnables. Voilà comment on peut garantir, dans une communauté, des rapports harmonieux. Car, par exemple, la fraternité ne peut impliquer une trop grande familiarité, témoignant d’un manque de compréhension ou d’un laisser-aller regrettable.
L’incompréhension peut également provenir d’une connaissance limitée de ce qu’implique le sens de l’entraide et du partage, autant dans l’aide à recevoir que dans celle qui est à offrir. Toute forme d’aide doit être apportée selon les limites de la compétence personnelle et de l’effort évolutif que celui qui reçoit doit produire de lui-même. Quant à celui qui demande de l’aide, il recevra uniquement ce qui échappe à sa mesure ou à ses capacités, devant, pour le reste, puiser dans les merveilleuses facultés qu’il possède. Sur le Sentier évolutif, il y a des épreuves qui doivent se vivre seul, ce qui ne désavoue en rien la fraternité.
La fraternité ne s’embarrasse pas non plus de certaines conventions sociales, n’obligeant en rien d’organiser des rencontres amicales, des fêtes ou des loisirs en commun. Les moments qu’on y passe ensemble peuvent apprendre à mieux se connaître, mais ils sont insuffisants pour développer la véritable fraternité. Ces aspects importants et nécessaires de la vie peuvent se vivre ailleurs dans la société.
Une autre idée fausse réside dans le fait que la fraternité doit impliquer un degré de perfection qui puisse abolir les divergences d’opinion. Les opinions doivent parfois diverger pour trouver le juste milieu. Et, l’enseignement étant destiné à des êtres peccables, on peut rencontrer des êtres de mauvaise conduite et de bonne moralité partout. Il faut s’y faire. Le rôle de la lumière consiste à abolir progressivement les ténèbres. Ce qui importe, c’est de veiller à ce que le choc des idées reste au niveau des cerveaux, non des individus. À chacun de servir d’exemple au lieu de tout exiger des autres.
L’un des traits typiques de la nature humaine, c’est de voir plus facilement les défauts des autres que les siens et d’exiger une sanction différence pour ceux des autres que pour les siens. Il s’agit de la règle du deux poids et deux mesures dictée par l’ego. Sur la voie de l’étude de soi, on apprend que l’on possède en soi tous les défauts que l’on trouve chez autrui et qu’on se juge soi-même en jugeant les autres. Mais on ne réussit à le comprendre que si on reste bien sur ses gardes en scrutant sa conduite et ses motivations avec impartialité, objectivité, sincérité.
L’orgueil, la vanité, les préjugés, les jugements téméraires représentent autant de freins à la fraternité. Ils représentent des obstacles à la réalisation de la paix sur la Terre. Et encore plus l’égoïsme et le manque de cohérence. Quand on réalise le pouvoir de la pensée, on comprend également comment les moindres pensées de colère, de jalousie et d’envie peuvent être néfastes sur un esprit superficiel et peu réfléchi. Elles perpétuent dans le monde un état de tension, de crainte et de méfiance qui ne fait que retarder son évolution.
Placé devant l’idéal qui est proposé et auquel on aspire de tout son être, on peut douter de l’efficacité de ses efforts fraternels pour sauver le monde, tellement il est replié sur lui-même, nombriliste, tumultueux, vicieux, haineux, intolérant, matérialiste, enclin à la recherche du plaisir, du pouvoir, de l’argent, de la renommée. À prime abord, le mal, qu’on dit apparent, semble l’emporter. Et les efforts humanitaires peuvent être moins désintéressés qu’on les croit. À juste titre, on peut se demander dans quelle mesure son idéal de fraternité peut se réaliser, combien de temps il faudra encore à l’Humanité pour s’éveiller et prendre le Sentier du retour à la conscience. Alors, on peut désespérer, se décourager.
Étant un point vivant, un tel questionnement devient normal chez l’être éveillé à la spiritualité. Alors, il peut se concentrer sur lui-même pour mieux chercher à comprendre le sens de sa démarche évolutive, avec les voies et les moyens qui sont à sa disposition pour contribuer, à sa mesure, à ramener la lumière dans le monde. Voilà une réaction de solidarité. Car dans sa quête pour accéder à une plus grande lumière, il est appelé à remonter aux sources idéales pour mieux appréhender ce concept qui reste, pour plusieurs, dérisoire et utopique.
Toutefois, il n’y a qu’une Âme qui imprègne l’Univers et tous les êtres avec laquelle l’âme personnelle de l’être humain est toujours en contact, comme avec toutes les autres âmes. L’Âme n’a jamais été séparée de la Source cosmique, elle n’est donc pas indépendante. Voila qui signifie que tous les êtres humains forment une unité par le lien qui existe entre tous les êtres. C’est ce qui fonde le sens de la fraternité humaine.
Dès lors, celui qui dit aimer Dieu sans aimer son prochain se fourvoie sur sa propre nature et il se créée des obstacles évolutifs. Tous font partie intégrante de Dieu et en chacun vibre le même rayonnement divin. Oublier les autres, les mépriser, leur faire du tort revient à transgresser les Lois cosmiques, surtout la loi de l’Amour. Voilà pourquoi la fraternité ne peut se concevoir sans certaines vertus fondamentales. Elle impose d’abord la tolérance pour accepter les autres tels qu’ils sont et éviter de les condamner sans tenter de les comprendre. Nul ne peut prétendre que les êtres humains sont ses frères et ses sœurs et les juger, penser du mal d’eux. Le faire, c’est se mépriser et se rabaisser soi-même. Nul ne peut davantage penser impunément qu’il est meilleur qu’eux ou qu’il est plus évolué que les autres, ce qui constitue une faute d’orgueil.
Il paraît difficile de réaliser l’idéal de la fraternité, fondé sur l’amour, le rendant universel. Ce sera une œuvre de longue haleine. On peut y contribuer en développant en soi les qualités nécessaires et en répandant un amour de service autour de soi, donnant l’exemple de la solidarité. Et, puisque ses pensées ne sont pas limitées par le temps et l’espace, on peut émettre des pensées d’amour sur toute la surface de la Terre. Ainsi, on prépare l’Ère nouvelle, l’Ère de l’Unité. Si personne ne s’y met dès maintenant, l’Humanité n’y arrivera jamais.
La solidarité
On définit la solidarité comme le sentiment d’appartenance à une collectivité qui engendre un lien de dépendance mutuelle ou une interdépendance d’intérêts imposant des responsabilités et des obligations réciproques, notamment celle de ne pas desservir les autres et de leur porter aide et assistance dans l’urgence. Elle mène à poser une action bienfaisante à laquelle on se sent tenu à l’endroit des autres hommes qui luttent pour la survie ou œuvrent à l’amélioration de la vie de l’espèce. En spiritualité, fait que les êtres sont unis par le «fil du collier», l’énergie vitale ou le cordon de la vie, l’énergie constructive de l’Esprit divin, l’énergie équilibrante de l’âme. Il exprime tout le contraire de l’individualisme.
La solidarité se fonde sur le fait que, pour qu’une société existe, il faut que ses membres éprouvent le désir mutuel de s’entraider. Ce fait amène à mettre au premier plan des préoccupations collectives le développement des qualités essentielles de l’être humain en affirmant la dignité et la valeur de tous les individus de l’espèce et en s’appuyant sur des valeurs universelles. À un autre niveau, la solidarité se fonde sur le fait que Dieu est Un et que Tout est Un en Dieu. Ainsi, chaque homme participe d’une même Essence divine et d’une même Âme cosmique, comme cellule d’un même Corps universel. Pour cette raison, sur le Sentier de la Lumière, nul ne peut s’isoler ou se considérer comme une île. Pour atteindre certains niveaux de conscience, il faudra attendre ou revenir aider les retardataires. L’homme n’atteindra jamais la Cime cosmique qu’en aidant les autres à l’atteindre. Le but de toute évolution, c’est de réaliser que le Tout ne fait qu’Un.
Aïvanhov a dit: «Si on compare avec l’immense quantité de ceux qui travaillent pour la destruction et forment des montagnes de difficultés et d’obscurité, à peine trouvera-t-on une poignée d’hommes qui comprennent qu’il faut s’unir pour travailler à écarter toutes les maladies, toutes les guerres, tous les malheurs. Et ces quelques hommes ne sont pas de taille à lutter contre l’influence nocive des autres. J’ai toujours dit que la quantité est très importante: la quantité de ceux qui sont bons, purs, éclairés et capables de participer à la formation d’une fraternité universelle dont les décisions pèseront dans la balance du monde. Mais au lieu de comprendre et de s’unir pour tout transformer, au lieu de participer à cette œuvre formidable, la majorité des humains restent là, individualistes, séparés, isolés, et ils ne travaillent que pour leur propre intérêt.»
Il faut bien comprendre que, pour qu’une société existe, il faut que ses membres éprouvent de la solidarité les uns envers les autres. Dans cette tache, il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Pourtant, il suffirait d’un dixième d’un pour cent de l’humanité pour illuminer la planète parce que les forces du bien se récoltent, d’abord, au centuple, par elles-mêmes, puis par mille et plus en traversant la pensée des autres êtres qui œuvrent au bien. Mais il faut toujours douter, suspecter, craindre d’être manipulé.
La séparativité, qui consiste à diviser les êtres ou à les isoler, au lieu de les unir, est le jeu subtil de l’intellect, mû par le Grand Adversaire, son maître. L’intellect est régi par Kamaël, le Maître de la Lumière noire, la Force cosmique de la matérialisation, donc de l’Obscuration de l’Esprit. Oui, il s’agit bel et bien d’un Elohim, mais de celui de la contraction et de la densité. On ne peut en équilibrer la puissance qu’en se reliant à Michaël, l’Archange de la Lumière.
En évoluant ou en s’élevant, chaque être facilite la progression de ceux qui lui sont rattachés, l’accompagnent ou le suivent, car tous les êtres font partie de l’Âme universelle, souvent appelée la Communion des Saints (dans les religions) ou la Sainte Assemblée (dans les ordres mystiques). Par ses actes, ses pensés, ses paroles et ses sentiments, à son insu, chaque être influence un grand nombre de personnes. Ainsi, en connexion avec l’Intelligence cosmique ou le Mental universel, il ouvre de nouvelles portes à l’Humanité. Chacun rend service aux autres chaque fois qu’il rayonne la Lumière divine et qu’il émet des pensées plus élevées, parce que plus vraies, plus amoureuses et plus sages.
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