Archange-RaphaelRam LINSSEN

Dans les ultimes profondeurs de son âme, l’homme porte d’obscures mémoires, de puissantes nostalgies qui le poussent irrésistiblement à rechercher un équilibre, un complément idéal capable de combler une lacune béante comme un gouffre. L’homme s’associera à des êtres, il s’associera à des choses, à des idéaux. Il adorera tout ce qui se présente à lui dans la matière et percevant finalement l’impermanence fondamentale des éléments matériels, il poursuivra les créations de l’univers mental.

Et les unes après les autres, les choses de la matière et celles de l’esprit auxquelles il s’associe sont incapables de combler le gouffre insondable de son âme, véritable tonneau des Danaïdes.

Finalement, l’homme se réveille à la façon dont on se délivre des cauchemars empreints d’une acuité trop douloureuse. Il découvre la force obscure qui présidait à toutes ses tentatives d’association. C’est le « moi », le « vieil homme » dont l’instinct de conservation se manifeste par mille avidités, par mille ambitions. Jusqu’à ce moment, l’histoire d’un univers, depuis l’atome jusqu’à l’homme, en passant par l’amibe, était une succession d’associations. Mais dans un éclair soudain, l’homme saisit la ronde infernale dans laquelle l’entraînent ses associations continuelles. Il cesse de s’associer à son milieu, à ses idées. L’amour et l’intelligence se dépouillent de toutes les fausses identifications auxquelles procédaient le mental.

Pour la première fois, depuis qu’un univers est né, nous assistons à la fin du processus d’association signe distinctif de l’amour possessif, pour accéder à un règne nouveau : celui du pur amour libéré de toute avidité dans la sérénité et la paix infinies de l’Etre.

Nous venons d’envisager très sommairement comment certains êtres peuvent accéder de l’amour humain à l’amour divin par la conscience des limitations inhérentes au processus d’association. L’être ainsi libéré ou « intégré » ne s’associe plus à rien. Le désir de s’associer à quelque chose ou à quelqu’un ne peut naître que dans un être psychologiquement incomplet.

L’homme qui a réalisé l’état de Pur Amour est psychologiquement complet. Il a découvert en lui, la réalité profonde de son être. Cette réalité dépasse infiniment les limites de sa personnalité séparée. Devant elle, le masque de la séparativité des êtres et des choses s’effondre. L’Univers entier se transfigure en une indicible lumière. Ceci ne peut être envisagé comme une acquisition intellectuelle. Le Sage considère cet « Etat d’Etre » comme un fait d’expérience intégrale, supra-intellectuelle.

Il retrouve ainsi la joie infinie de la pure essence. Chaque seconde lui apporte la révélation d’une divine féerie qui se poursuit en silence dans le cœur des choses. Il participe au Délice du « Souverain Bien » dont les profondeurs constituent la base cosmique de l’Univers. Eprouvant d’instant en instant, la Pure félicité de l’« Ananda » telle qu’elle se situe dans sa plus haute demeure, infiniment pure, éternellement incandescente, le Sage n’a plus à rechercher les jouissances extérieures que pourraient lui procurer les plaisirs des sens. Ces derniers font figure de travestissements et de dégradations du Souverain Bien. Ainsi que l’exprime le poète indou Kanta Gupta (Vers la Lumière) : « Il existe une joie devant laquelle toutes les autres joies ne sont que souffrances ». Cette Joie est celle que nous accorde la réalisation de l’Amour divin.

EXTRAIT de : L’Amour Humain  A L’Amour Divin de Ram LINSSEN –  Editions ETRE LIBRE 1953 –  
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