par Bertrand Duhaime
On ne peut s’engager dans une démarche évolutive sans comprendre le sens du mot «dualité». Il s’agit d’un mot qui revient constamment dans la documentation spirituelle, mais dont peu de chercheurs comprennent vraiment le sens et les implications. Cette notion n’a cours que dans les plans inférieurs de la Conscience cosmique, car, dans ses plans supérieurs, au-delà du causal, il n’existe que la perception de l’Unité divine immuable et indivisible.
La dualité exprime le contraire apparent de l’Unité. Elle amène à voir le monde dans ses extrêmes, tout en blanc ou tout en noir, comme dans la lutte apparente entre le bien et le mal. En fait, elle désigne le principe qui sépare la Réalité divine en deux éléments apparemment opposés de la polarité, assignant à ces caractères des formes divines séparées. Il s’agit d’une perception arbitraire, et tout à fait illusoire du mental, qui a besoin, pour comprendre, de scinder le Pouvoir divin en deux, en phénomène électromagnétique (électrique et magnétique), pour mieux comprendre l’Univers, donnant l’illusion d’un conflit entre le bien et le mal. Car le mental voit toujours deux extrêmes à chaque réalité, s’évertuant ensuite à tenter de les concilier dans un juste milieu, facteur d’harmonie et d’équilibre.
En effet, pour comprendre ce qui fait le bonheur et la plénitude, le mental a besoin de capter des oppositions ou des différences, dans une relation de sujet à objet ou de cause à effet, qu’il oublie être compatibles et complémentaires dans une Vibration originelle une et unique. Alors, il perçoit des divisions, plutôt que des possibilités d’alliances, d’où il cherche constamment à concilier ou à régler des duels et des conflits, ce qui le valorise et l’affermit dans son présumé savoir et lui rappelle qu’il existe. De là, il fait croire à un sujet qu’il lui faut toujours produire des efforts, se battre, lutter, trimer dur pour parvenir à des résultats satisfaisants, qu’il apprécie, du reste, d’autant plus, les disant ((méritoires)) qu’il a peiné pour y arriver. Alors, il se félicite de son génie de maintenir l’être dans la tension, l’inquiétude, la peur de l’échec, de la faute, de l’erreur ou du péché.
Comme on le sait, la dualité naît du principe des Polarités qui divise le monde en deux aspects polaires. En chacun des êtres, il circule une énergie électromagnétique qui l’attire tantôt davantage vers le négatif tantôt vers le positif. En cela, la vérité s’exprime dans la créativité qui allie les deux courants de l’énergie vitale. Mais, lorsque l’énergie négative domine, un être forme des idées plutôt sombres, parce que, en elle-même, cette énergie détruit. A l’inverse, lorsque l’énergie positive domine, un être forme des idées plutôt claires, parce que, en elle-même, elle construit. Lorsque la Vie détruit quelque chose de rétrograde, un être ressent du déplaisir, parce qu’il a l’impression de perdre quelque chose à quoi il s’était habitué. En revanche, lorsque la Vie construit quelque chose, il éprouve du plaisir, du contentement, de la satisfaction, parce qu’il acquiert ou s’ajoute quelque chose, prend de l’expansion. De là, les êtres incarnés ont dégagé les idées relatives d’Ombre et à de Lumière, du bien et du mal, de forces bonnes et maléfiques, alors que pourtant, tout fait partie du seul et unique spectre de la Création totale..
Dans l’être humain, la dualité se constate d’abord dans la contradiction apparente entre la vie intérieure et la vie extérieure, ses aspirations et ses réalisations, sa raison et son sentiment, son plaisir et son déplaisir. Le conflit, qui s’ensuit dans sa conscience provient de son besoin fondamental d’unité qu’il porte au plus profond de lui. Car, de façon innée, il a besoin de s’appuyer sur une vérité unique, alors qu’il est tenu de se mouvoir et d’agir dans la complexité des conditions d’une vie apparemment multiforme. Alors, il tend à opter pour l’une des deux positions, apparemment antagonistes,, au détriment de l’autre.
Pourtant, la vérité est une, bien que toute médaille présente un avers, un revers et un cordon qui les unit. En regardant l’avers, il oublie le revers et le cordon (le lien qui les unit). L’être humain cherche toujours un point d’appui qui puisse justifier sa manière de penser et d’agir et qui supporte son besoin de sécurité et de stabilité. Mais, aussitôt qu’il profère une vérité, la Vie ne tarde pas à le mettre en présence de ce qu’il n’a pas encore compris à l’intérieur de sa vérité. Pour en sortir, il doit s’élever sur le plan spirituel, le point qui unit tout, fusionnant les opposés apparents. Il doit abandonner la raison pour le cœur. Car la contradiction apparente est une création du cerveau lui-même, puisque, dans l’ordre spirituel, les contraires deviennent compatibles et complémentaires.
C’est ainsi que la dualité naît du conflit entre les aspirations spirituelles et l’attraction matérialisante. D’un côté, la conscience cherche l’unité. Mais, simultanément, l’homme se meut et agit dans une apparente diversité infinie. La Cabbale, un enseignement spirituel de la tradition juive, dit pourtant avec justesse: «Tout dans le Monde a été ordonné en supérieur et en inférieur, en ciel et en terre, en monde d’en haut et en monde d’en bas, en un monde visible et en un monde invisible; il n’y a rien en bas qui n’ait son paradigme en haut, et tout est un.» Pour résumer, Satprem, un grand sage de la culture hindoue, explique: «Tout dualisme est une vision de l’ignorance: partout il n’est que «l’Un innombrable», et les «discordes de Dieu» pour faire grandir le dieu en nous.»
LES INCIDENCES DE LA DUALITE
La dualité est la théorie métaphysique selon laquelle le Cosmos tire son origine d’un Principe double, mâle et femelle. Elle explique que tout provient d’une Source unique qui polarise son Énergie ou son Essence pour produire tous les phénomènes cosmiques : elle engendre un principe positif (activant ou spiritualisant) et un principe négatif (densifiant ou matérialisant). Cette polarisation originelle explique tous les problèmes de la conscience évolutive de l’homme, lui présentant deux pôles d’attraction apparemment opposés, donc en apparente contradiction ou en apparent conflit, comme si chacun cherchait à dominer l’autre : l’un par la domination directe, l’autre par la séduction subtile. Ainsi, il est divisé entre l’Esprit, source de la Sagesse, qui informe par l’intuition, et l’Intelligence, source de la Vérité, qui informe par le mental.
Dans son évolution, l’être humain, qui provient de la Source originelle, provient conséquemment de l’Unité. Mais, pour expérimenter, il doit plonger dans la Dualité, le Monde de la Multiplicité apparente. A la fin de son périple évolutif, après avoir vaincu l’état d’inertie de la Matière, il doit réintégrer l’Unité, pleinement conscient, cette fois, de tout ce qu’il est, de l’étendue infinie de son pouvoir et de tout ce que représente le Cosmos.
La dualité résulte des polarités opposées, compatibles et complémentaires, figurant les extrêmes de la Conscience et de la Matière. Elle donne naissance aux notions extrêmes comme : le blanc et le noir, le bien et le mal, la lumière et l’ombre, l’Esprit et la Matière, l’homme et la femme, le jour et la nuit, le père et la mère, la jeunesse et la vieillesse, le haut et le bas, la gauche et la droite, les deux équinoxes et les deux solstices, le Soleil et la Lune, le flux et le reflux, etc. Elle explique comment il est partagé dans sa quête et son questionnement : ce qui cherche et ce qui est cherché; ce qui désire et ce qui est désiré; l’Esprit et les phénomènes; l’action et l’inaction; être ou ne pas être; etc.
Mais cette dualité cesse dès que l’âme s’élève à ce niveau où elle perçoit ce qu’elle a été, ce qu’elle est et ce qu’elle sera. Parvenu au niveau christique, l’homme s’extrait de la Roue des Renaissances et des illusions du Monde de la Nature, et peut le dominer respectueusement. Il ne lui reste qu’un pas à faire pour entrer dans l’état d’Unité absolue, la Conscience cosmique. Chacun peut y arriver en s’élevant au point neutre, figuré par le Fléau de la Balance, où tout s’équilibre, qui révèle l’Être total.
Signalons que la dualité n’existe pas en elle-même, mais qu’elle relève d’une distorsion mentale. L’intellect a besoin de se poser deux points de référence extrêmes pour sonder la réalité objective. Ainsi, il perçoit partout deux manifestations possibles du Principe unique. Dans son expérience quotidienne, le jeu de la dualité lui apparaît comme une division ou une opposition, ce qui engendre en lui une ambivalence. Tantôt il souffre et tantôt il ressent du plaisir. De ce paradoxe, il tire la notion d’un bien et d’un mal, notion nécessaire pour former son discernement. Mais il n’existe rien de bien ou de mal en soi. Tout est simplement! C’est dans l’usage qu’on fait d’une chose qu’il y a du bien ou du mal, pas dans la chose elle-même.
Les notions de bien et de mal s’apprécient selon qu’une chose fait du bien ou du tort ou qu’elle aide à évoluer ou entrave son évolution. Mais la chose qui fait du mal à l’un peut ne pas en faire à l’autre. D’où le danger de la généralisation des jugements de valeur, comme cela se produit dans les codes moraux. Selon qu’une chose lui fait du bien ou du mal, lui procure du plaisir ou du déplaisir, lui apporte de la joie ou de la douleur, le satisfait ou pas, l’être humain porte un jugement qu’il cherche à imposer aux autres, ce qu’il a tort de faire. Alors, il compare tout, mélange tout, s’y perd et oublie de chercher à être tout simplement.
Dans la même mesure qu’un être perçoit la dualité, dans la même mesure il s’écarte de l’Esprit qui unit tout. Comme c’est le mental qui divise tout, c’est lui qu’il faut mettre au pas le premier, ramener à son rôle fonctionnel premier, sans quoi on s’expose à s’enfoncer dans la dispersion et la confusion des illusions, incapable d’accéder à l’Unité. Surtout que le mental tourne toute l’attention d’un sujet sur le confort, le bien-être et le plaisir de sa petite personne, se révélant comme le ferment de l’ego, de l’égocentrisme, de l’égotisme, de l’égoïsme et de l’individualisme. Voilà pourquoi on l’appelle, en métaphysique, le Grand Adversaire ou le Diable, car il fomente toujours la séparativité.
En chaque être circule une énergie électromagnétique qui l’attire tantôt davantage vers le négatif tantôt davantage vers le positif. La vérité s’exprime alors dans la créativité qui allie en équilibre les deux courants de l’énergie vitale. Lorsque l’énergie négative domine en lui, un être est porté à former des pensées sombres qui dépriment, alourdissent et détruisent. Il cherche alors son plaisir surtout dans les sens et la matière. Lorsque l’énergie positive domine, il attire des idées claires, dynamiques, parce que cette énergie construit, vitalise, spiritualise. Il cherche alors son plaisir dans la connaissance, l’abstraction, la spiritualité. Mais il peut fuir dans l’Esprit.
Lorsque l’énergie détruit un élément rétrograde, stérile, désuet, en lui, il en éprouve du déplaisir et du chagrin. Tout être est porté à se contracter quand il perd quelque chose. Lorsque l’énergie construit un élément nouveau, fertile, lumineux, il éprouve du plaisir, du contentement, de la satisfaction. Il prend de l’expansion parce qu’il acquiert quelque chose.
Dans la conscience, la dualité se signale surtout par la contradiction apparente entre les influences intuitives et les acquisitions mentales, par l’écartèlement engendré par l’aspiration vers le haut et les pulsions vers le bas, par l’alternance de la vie intérieure et de la vie extérieure, par le passage du désir d’agir à la propension au rêve, par la fluctuation entre le sentiment et la raison. Ainsi se poursuit la quête d’unité dans l’alternance de la peine et de la joie.
L’être humain cherche à s’appuyer solidement sur la Vérité absolue, mais il doit si longtemps se contenter de vérités partielles et relatives, qu’il finit par voir chanceler, puis tomber les unes après les autres. Dans l’immédiat, comme il ne peut faire qu’un choix, dans une alternative, obligé de privilégier une position plutôt qu’une autre, il souffre de faire un mauvais choix, souffrance amplifiée par sa frustration de ne pouvoir connaître ce qui se serait passé s’il avait opté pour l’autre choix. Car, dans un choix, on se condamne toujours à ignorer les conséquences du choix qu’on n’a pas pu faire.
L’être humain en quête d’Unité, se meut toujours dans la Multiplicité apparente, voulant tout vivre, car c’est ainsi qu’il pense pouvoir avancer, en augmentant sa connaissance, plutôt que son Savoir. A ce jeu, il oublie d’être, toujours occupé à agir, à ressentir, à jouir, à faire, à produire, à performer. Satprem a dit : Tout dualisme est une vision de l’Ignorance; partout il n’est que l’un innombrable, et les discordes de Dieu pour faire grandir le dieu en nous.
Quand à la «Cabale», elle assure : «Tout dans le Monde a été ordonné en supérieur et en inférieur, en Ciel et en Terre, en monde d’en haut et en monde d’en bas, en un monde visible et en un monde invisible; il n’y a rien en haut qui n’ait son paradigme en bas, et tout est un.» N’est-ce pas très limpide?
On définit la dualité comme le résultat de l’opposition apparente de l‘esprit logique et de l’intuition. Ce conflit permet de s’acheminer vers l’unité en vérifiant ce qui ressort de la partie humaine, qui conçoit l’histoire de la vie d’une façon arbitraire, souvent à partir d’hypothèses forgées et imposées, et de la partie spirituelle, qui cherche plutôt à comprendre le tableau d’ensemble d’une situation. Elle permet à l’homme de se donner une expérience de première main sur la façon dont la majeure partie de la population fonctionne et une connaissance directe des obstacles à contourner pour s’unir aux autres.
Il faut comprendre que certains êtres avancent parce qu’ils accèdent sans trop de difficulté à leur intuition, à partir de leur plan dense, auquel ils peuvent référer en toute confiance, pouvant constamment dépasser leur esprit logique. Avec le temps, ils deviennent très impatients avec les autres membres de l’Humanité, plutôt intellectuels. Tout leur étant facile, ils ne peuvent pas comprendre les autres, et deviennent impérieux et diviseurs. On apprend à sortir de la dualité en observant comment son esprit oscille entre l’esprit logique et l’intuition à partir des émotions qui surgissent de son être.
La dualité est une perception arbitraire du mental qui a besoin de scinder le Pouvoir divin en deux, en phénomène électromagnétique, donc en énergie électrique et en énergie magnétique, pour comprendre l’Univers. Pour comprendre, le mental a besoin de capter des oppositions, des différences, qu’il oublie être compatibles et complémentaires, dans la perspective d’une Vibration une et unique. Alors, il perçoit plus sûrement les divisions apparentes que les alliances possibles et il cherche à régler des duels et des conflits, ce qui le revalorise et l’affermit, lui rappelle qu’il existe.
Omraam Michael Aïvanhov a dit : «Dieu a donné l’inertie à la Matière et l’impulsion à l’Esprit et l’homme est placé entre les deux. Il est extérieurement enveloppé de matière, mais intérieurement il est plongé dans l’océan de l’Esprit. Il reçoit donc leur double influence : c’est tantôt Dieu qui se meut à travers lui, et tantôt la matière qui veut l’engloutir et le ramener vers le chaos primordial.» Voilà, ce contexte est nécessaire à l’homme pour lui permettre d’exercer le libre arbitre qui mène à la Sagesse.
UNE LECTURE SUR LA DUALITÉ
«Si la nature recèle bien des délices, il est une chose, lorsqu’elle survient, qui ne cesse de m’émerveiller. Il s’agit de l’arc-en-ciel! Au-delà de la beauté même de ses couleurs, ce qui me surprend peut être le plus c’est la relative rareté de son apparition. Car pour qu’il apparaisse à nos yeux, l’équilibre entre la pluie, ni trop fine ni trop forte, et le soleil, ni trop faible ni trop éblouissant, est purement subtil. Par ailleurs, s’il n’est pas question d’arc en ciel en l’absence de soleil, il en est de même en l’absence de pluie. Le divin prisme ne peut s’offrir à nous que lorsque pluie et soleil, d’une certaine façon, sont à l’unisson. Comme beaucoup d’entre nous, j’aurais tendance à me ravir d’un soleil à son zénith, omniprésent dans le bleu azur, comme j’aurais tendance à éprouver une certaine morosité lorsque la pluie installe au dessus de nos têtes un plafond gris.
Pourtant, lorsque dame nature réunit tous les ingrédients nécessaires à l’apparition de l’arc en ciel, ne pourrait-on pas y voir, là, un sens profond des choses ? Ne pourrait-on pas y voir un message destiné aux hommes ?
Un message des cieux qui, peut-être, nous confieraient qu’entre pluie et soleil, qu’entre ravissement et morosité, il existe un équilibre touchant à la perfection et qui conduit à l’harmonie…
Se peut-il que ce qui se trouve en haut se retrouve aussi en bas ? Se peut-il que le message délivré par l’arc en ciel, au dessus de nos têtes, existe également ici bas, sous nos pieds ? Je ne crois pas, pour ma part, que la nature soit avare d’indices, de messages, mais au contraire qu’elle en est généreuse.
Dans cette optique, il me plait à penser qu’ici bas, notre être, dans la dualité de sa part de ténèbres et de lumière, est comparable à la pluie et au soleil. Une question évidente, chargée de sens, découle alors de cette comparaison.
Peut-on, de la dualité de notre être, faire jaillir un arc en ciel ?? Chaque homme peut-il, sur la terre, réaliser et toucher du doigt ce qui est pour lui hors de portée dans le ciel ? N’est-ce d’ailleurs pas là le message de l’arc en ciel, s’adressant à l’humanité toute entière puisqu’il est visible par tous, et qui inviterait chaque homme à réaliser ici bas ce qui est possible la haut ?
Que tout ceci est porteur d’espérance…
Porteur d’espérance puisque chacun d’entre nous aurait en lui une carte au trésor où le trésor serait synonyme, tout comme l’arc en ciel, d’équilibre et d’harmonie. Synonyme, en somme, de bonheur… Car c’est bien de cette dualité entre nos ténèbres et notre lumière que peut jaillir en nos cœurs notre véritable bonheur, tout comme l’arc en ciel jaillit de l’alchimie entre pluie et soleil. Mais comment faire ? Là est la question de tous les hommes. Car la quête du bonheur est le graal recherché par tous, quelque soit la couleur de sa peau, quelque soit sa religion et sa culture.
Comment l’homme peut-il alors, de ses ténèbres comparables à la pluie qui le rend morose, et de sa lumière comparable au soleil qui le ravit, faire jaillir l’arc en ciel en son cœur ?
Tentons d’y répondre.
Je laisserai de côté, non pas par mépris, tous ceux qui, et ils sont malheureusement nombreux, n’ont pas seulement conscience de cette incontournable dualité en eux. Je m’attacherai plutôt à ceux qui, en quête de vérité, à la recherche d’un sens à donner à leur existence, ont prit conscience de cette notion de ténèbres et de lumière inhérente à l’être. Car cette prise de conscience est le point de départ nécessaire à l’élévation de l’esprit, à l’éveil à soi-même. Mais cette prise de conscience, bien souvent, n’est pas suffisante à la concrétisation de notre bonheur. En effet, il ne suffit pas de savoir que notre essence est ténèbres et lumière. Il nous faut aussi la connaître ! Et pour la connaître il faut évidemment qu’elle puisse vivre en nous… Là est un premier écueil à notre bonheur. En effet, et d’après mon expérience, nombre d’entre nous, dans le noble but d’être quelqu’un de bien, d’être quelqu’un de bon, refreinent, étouffent, annihilent, la partie sombre de leur être.
Si l’on compare notre dualité faite de ténèbres et de lumière à un pavé mosaïque composé de carreaux noirs et de carreaux blancs, certains pourront toujours penser qu’il est possible d’arpenter à cloche pied ou à pieds joints les seuls carreaux blancs de ce pavé mosaïque. D’autres, au prix d’un effort digne du plus grand équilibriste, essaieront, sur la tranche des pieds, de suivre la jointure, la ligne médiane qui sépare les carreaux. Avec le risque de chuter d’un côté ou de l’autre, et en priant que cela soit du meilleur côté.
Ces manières de procéder sont-elles source d’équilibre et d’harmonie ? Je ne le crois pas ! La voix du bonheur ne se calcule pas à cloche pied ou à pied joint, ou sur le fil du rasoir. Pour tout dire, la calculer, c’est déjà faire fausse route… S’il y a autant de carreaux noirs que de carreaux blancs, s’ils sont tous de la même taille, et puisque nous avons deux pieds, c’est un pied de chaque côté qu’il nous faut avancer dans l’existence. C’est ainsi seulement que l’arc en ciel jaillira en nos cœurs, comme, dans le ciel, le prisme jaillit entre pluie et soleil.
Ainsi, s’il nous faut mettre avec joie, je n’en doute pas, un pied dans la lumière, il nous faut aussi accepter de mettre un pied dans les ténèbres. Je peux comprendre certaines réticences à cette logique. En effet, il serait sans doute irresponsable de dire au pédophile : « Monsieur, pour en terminer avec tous vos maux, il vous faut laisser vivre votre partie ténébreuse !! ». Mais n’est-ce pas faire fausse route que de raisonner ainsi ? Car il me semble, concernant le pédophile, que son réel souci se situerait plutôt dans son incapacité à laisser vivre sa partie lumineuse. Effectivement, si certains refreinent leurs ténèbres de toutes leurs forces, d’autres, telles des brebis égarées, n’envisagent même pas la moindre parcelle d’humanisme dans leur cœur.
Comment alors peut-on laisser vivre sa partie ténébreuse dans le but de trouver l’équilibre et l’harmonie dans sa vie ? Je crois simplement, plutôt que de l’étouffer, la renier ou la combattre sans cesse, qu’il faudrait lui laisser un espace de liberté, un champ d’expression. Car il n’y a, à mon sens, aucun doute là-dessus : en étouffant constamment nos ténèbres, ce que l’on n’aime pas chez nous, l’espoir d’arc en ciel, l’espoir de bonheur, est vain… Si le bonheur se refuse au pédophile qui arpente sans relâche les noirceurs de son âme, il y a autant de chance que ce bonheur se refuse aussi à celui qui ne se veut que lumineux. Ceci me semble être d’une logique implacable. En effet, puisque nous sommes faits d’ombre et de lumière, étouffer notre ombre revient à étouffer une partie de notre être. Qui peut raisonnablement penser que le bonheur est possible en ne laissant vivre qu’une partie de notre essence ? Donner un espace de liberté à nos ténèbres devient alors incontournable, et il reste alors à chacun de trouver comment !
Parce que la lumière ne se mesure qu’à la connaissance des ténèbres…
Ne trouvez-vous pas magique le message que l’arc en ciel délivre à notre être ?
Il nous dit de quoi nous sommes faits, à part égale de ténèbres et de lumière. Il nous dit aussi qu’il ne sert à rien d’anéantir l’un au profit de l’autre, puisque nous sommes faits de l’un et de l’autre. Mais il nous dit aussi qu’à la connaissance de chacun, qu’à l’épreuve de cette dualité en nous-mêmes, l’homme peut élever son esprit et toucher à la vraie lumière, celle, peut-être, de Dieu.
Dieu, rien que cela ?
Oui, pourquoi pas, puisque l’homme réalise alors en bas ce qui est possible en haut…»
Note : Merci à qui pourra me rappeler l’auteur et l’origine de ce dernier texte, des références que j’ai oubliées ou perdues au cours des années.
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