mykerinos

par Bertrand Duhaime

En principe, la perfection devrait désigner la réunion de toutes les qualités portées à leur degré le plus élevé.  État de ce qui atteint un degré si sublime qu’il ne peut plus être amélioré ou état d’achèvement complet dans l’excellence.  Réalité qui présente toutes les qualités ou attributs propres à son genre.  En spiritualité, la perfection désigne la réalisation de la totalité des attributs divins.  Dans le contingent, elle ne consiste pas à ne jamais faire d’erreur, mais à ne jamais faire consciemment d’erreur.

Il va sans dire, la perfection représente une notion que la plupart des gens jugent très abstraite.  Elle n’est souvent considérée que comme un objectif irréalisable duquel chacun doit se rapprocher.  Il est plus ou moins convenu que celle-ci n’existe pas, tout du moins sur Terre.  Mais que sait-on de la perfection?  Rares ont été les recherches sérieuses relatives à ce sujet.  Sous prétexte que ce monde est, dans l’ensemble, le berceau de l’imperfection, toute perfection y serait inexistante.  C’est évidemment faux!  Cela démontre simplement qu’on se fait une fausse idée de la perfection.  Et cette image erronée empêche de la reconnaître et de s’y perdre, pour se retrouver pleinement.

Beaucoup diront naïvement que la perfection se reconnaît au moindre coup d’œil, car la perfection crève les yeux, c’est l’évidence même.  Car la perfection serait tellement différente du reste, tellement remarquable, qu’elle se reconnaîtrait immédiatement comme telle, et à l’unanimité.  Mais de telles affirmations sont autant de préjugés sans fondement.  Pour avoir une réelle idée de ce qu’est la perfection, il faut tout d’abord savoir la définir.

En effet, la perfection existe sur tous les plans du développement d’un être en expansion, mais la perfection d’une étape ou d’un état n’a rien à voir avec celle l’œuvre achevée.  La perfection est donc un phénomène bien réel, et très peu connu, et elle ne correspond en rien à l’idéal que l’on s’en fait communément.  Bien que pour être considéré comme parfait, un être doive détenir toutes les qualités et que des qualités, celles-ci développées au maximum et dans un autre plan, selon les sujets, le mot «perfection» prend des aspects multiples et des acceptions diverses.

Pour commencer, on doit comprendre que la Perfection, qui exprime l’état le plus sublime de Dieu, en tant qu’Absolu, ou le plus achevé d’un être particulier, ne peut se mettre en mots.  Tout ce qu’on peut en dire, c’est qu’il s’agit d’un état d’absorption complet dans la Conscience cosmique, une connaissance parfaite de Dieu, la fusion totale dans l’Être-Un, la réintégration dans l’Infini, au terme d’une longue expérience qui va de l’Alpha (Point d’origine) à l’Omega (Point de réintégration).  Ce qui s’explique mieux, ce sont les moyens de parvenir à cet état grandiose.  Or, il suffit d’aimer d’amour, de reconnaître sa condition éternelle de serviteur de Dieu, d’agir pour lui sans aucune autre attente, de tout mettre en œuvre pour se connaître en activant toutes ses potentialités, de voir à ranimer en soi la conscience, d’investir tous ses moyens et ses énergies pour y parvenir.

Mais on a tort de concevoir la perfection comme un but, alors que c’est, pour ainsi dire, une voie spirituelle, mieux dit, un parcours «évolutif», une découverte constante.  À trop miser sur la Perfection ultime, un être ne parvient plus à concevoir sa perfection du moment.  Car c’est bien le cas, à chaque instant, tout être est parfait.  Et nul ne peut développer une perfection plus grande qu’en acquérant des connaissances nouvelles glanées au fil des expériences personnelles sur la Terre.  L’âme humaine aime la nouveauté, ce qui lui permet d’ajouter des cordes à son arc, en explorant toutes sortes de situations, afin d’accroître la conscience du sujet qu’elle anime.  La perfection ultime s’atteint par étapes dans cette reconnaissance profonde que tout est déjà parfait à chaque instant, que tout évolue vers un plus grand achèvement, que tout ouvre davantage la conscience à ce qui est déjà.

En elle-même, la perfection désigne une fin, un terme, un arrêt, un état statique d’accomplissement.  Il s’agit d’un état où il n’y a plus rien à faire, à apprendre, à découvrir.  C’est une illusion du mental qui cherche à éviter l’effort ou refuse de suivre le mouvement éternel.  Dans l’Éternité, la fin d’un terme ou d’un cycle évoque toujours le début d’un autre terme ou cycle.  À l’inverse, ce qui est parfait ne peut être amélioré.

L’être humain a été créé parfait, à l’image et à la ressemblance de Dieu.  De ce fait, atteindre la perfection signifie, pour lui, se souvenir pleinement de ce qu’il est déjà.  À trop chercher la perfection, un être vit dans la tension et l’angoisse, il s’isole, il se condamne à l’échec.  Le but de la vie n’est pas de devenir parfait, mais d’apprendre à être pleinement, de rester perpétuellement vivant ou vibrant, de rester en mouvement.  Dans la quête de perfection, c’est le mental qui cherche à s’accorder des vacances prolongées.  Mais, dans les faits, la perfection ne consiste pas à collectionner les vertus, mais à s’accomplir dans la Lumière.  Elle se conquiert non pas à coups de lance comme un trésor matériel, mais par l’intériorisation, une transformation radicale de l’esprit et du cœur.  Hélas, la société exige la perfection à partir des critères qu’elle a fixés, ce qui lui permet de couvrir de honte et de dénigrer celui qui ne parvient pas à se conformer à ses mœurs.

D’un point de vue réaliste, ce monde est un lieu de densité et de dualité, un monde de labeur, de limitations, de douleurs et de souffrances, où il est difficile de concevoir la perfection.  De ce fait, on a besoin d’un point de vue transcendant pour la comprendre.  La perfection, si elle existe, c’est la vision du processus global de l’Évolution qui permet de se voir soi-même et le monde avec un cœur ouvert pour percevoir que toutes les joies et les peines ont un sens, que tout arrive dans un ordre parfait et prépare un Grand But ultime.  Cette idée de processus évolutif est particulièrement utile aux perfectionnistes et aux idéalistes qui développent leur obsession jusqu’à la manie du détail.  Du point de vue réaliste, il n’y a rein de parfait ni de correct dans les douleurs et les souffrances du monde, mais, quelque part, il existe une justice invisible, immanente, voilée dans la Causalité.  On ne peut le comprendre qu’en sautant dans l’inconnu, au-delà du corps, de l’entendement, de sa vie, de son drame, de sa conscience sociale, pour embrasser tout ce qui est.  Mais on n’en garde pas moins l’impression que le Tout reste aussi indifférent au drame de l’être humain que l’être humain à celui de la fourmi.

pyramide-de-Perfection

Pourtant, si on accepte une perfection ultime, on peut au moins, malgré les apparences et la peur qu’elles engendrent, trouve une certaine sérénité ne pensant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.  Voilà qui peut même stimuler à amener plus de vérité, de bonté et de beauté dans le monde, à devenir plus responsable, à trouver de meilleures réponses aux dilemmes quotidiens.  Car on ne peut soulager la souffrance d’autrui tant qu’on n’a pas apaisé les siennes.  Il y a une perfection même dans un processus de tâtonnement et de croissance, car l’Évolution répond à des lois.  On peut en tirer l’intime conviction en observant que les leçons que l’on tire chaque jour de ses expériences surviennent toujours au bon moment, au bon endroit et de la meilleure manière en regard des moyens détenus et du degré de compréhension atteint.  La foi parfaite reconnaît que l’entendement ne peut savoir, comprendre ni deviner ce qui est ou ce qui n’est pas pour le plus grand bien.  Tout est simplement en mouvement et en changement constant.

En spiritualité, la pyramide dans le cercle exprime la Perfection divine.

cercle-et-carré

***

À vrai dire, il y a la perfection du moment, la Perfection qui représente l’état individuel de celui qui s’est redécouvert un Être divin parfait ou qui a réintégré la Vérité totale — à moins que, comme les entités sans destin évolutif de la Hiérarchie de support de la Création, il s’agisse de l’état d’un rayonnement habituel intangible —  et la Perfection des Perfections, qui désigne l’Absolu.  En cela, la perfection du moment consiste à rester ouvert et attentif aux milliers de possibilités que la vie place devant soi en acceptant d’intégrer de nouvelles connaissances par l’expérience, sans juger en termes de bien et de mal.  Elle implique la compréhension du fait qu’on est toujours au bon endroit et au bon moment pour faire une prise de conscience utile à son évolution.  Alors, il suffit de rester présent à soi peu importe le choix qu’on fait pour en évaluer les conséquences pour soi.  Vivant dans le présent, on vibre de la perfection d’étudier ce qui se passe au meilleur de ses moyens et de sa compréhension.  La Perfection finale évoque l’Entrée dans la Vérité absolue ou la Réalisation en Dieu.  La Perfection passive, reliée à la Mère divine, désigne la constellation du Cancer.  Dans la Tradition, la même expression, illustrée par deux traits horizontaux, réfère à l’individualité, à la discontinuité, au dédoublement, qui engendre la Multiplicité, à l’Idéal tel qu’un sujet particulier le perçoit.  De ce fait, le seul fait de concevoir la Perfection divine amène à s’en détacher.  Elle indique la Porte de la Réintégration des Êtres.  Quant à la Grande Perfection réfère au complet développement de l’Univers.  Dans le Bouddhisme, les six perfections désignent le don, l’éthique (morale), la patience, l’effort, la concentration et la sagesse.  Enfin, la Voie de la Perfection désigne le Sentier évolutif et elle consiste à retrouver en soi la conscience de Dieu.

© 2013-14 Bertrand Duhaime (Douraganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur le site www.lavoie-voixdessages.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.