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par Bertrand Duhaime

Charles F. Haanel a écrit : «La pensée créatrice exige de l’attention. Le pouvoir de l’attention développe la concentration. La concentration développe le pouvoir spirituel. Et le pouvoir spirituel est la force la plus puissante qui existe.»  Dès qu’on parle de concentration, la majorité des gens pensent à un état de tension de l’être qui est pourtant l’antithèse de cet état de convergence des énergies sur un seul point dans la plus grande relaxation.

Ainsi, il apert que la concentration devient la clé de la puissance personnelle.  En elle-même, elle désigne un état mental mené dans la détente physique où toute l’attention et la compréhension se fixent sur un seul point concret ou abstrait (concept ou image mentale).  La concentration complète implique l’inactivité complète et simultanée de quatre des cinq facultés objectives pour éviter d’éparpiller les énergies, de faire des exagérations et rester dans l’ordre.  Elle consiste à rassembler toute les pensées, les sentiments et les forces de la volonté afin de les diriger vers un centre ou un but.  La concentration constitue une accumulation de forces dans un certain espace pour produire l’effet recherché.  Il s’agit de l’expérience par laquelle un être dirige toute son attention sur les étapes successives de son but, en suivant le fil logique et complet de son déroulement, prévoyant les matériaux utiles et les circonstances nécessaires, afin d’imprimer son plan dans l’Univers correctement et de le vivifier pleinement.  Il s’agit de garder fixement son but en pensée, révisant tout son cycle, pour le mouler ou le conformer à son goût et l’animer.  Mais nul ne peut réaliser son but en pensée sans écarter toute distraction.  La forme la plus élevée de la concentration réside dans la fraternisation des êtres humains dans l’intention précise de réaliser ensemble un idéal élevé.

Quelqu’un a dit : «Avec la concentration, vous allumez un rayon laser plutôt qu’une ampoule électrique.»  En effet, la concentration décrit la faculté de se centrer sur une idée à l’exclusion de toute autre.  Pour parvenir à un résultat, il faut se concentrer sur lui.  Le degré de concentration détermine la vitalité et la rapidité du résultat à venir.  Elle amène directement au résultat choisi.   En principe, l’être humain pourrait créer n’importe quelle réalité en trente-quatre secondes de concentration parfaite.  En se concentrant de façon exclusive sur une réalité, il oriente son mental comme un rayon laser.  Dans cet état, il ne peut être affecté par aucune autre énergie de l’Univers, ce qui assure une parfaite protection et une collaboration complète de toutes les énergies correspondantes à son but.  Aux niveaux supérieurs de la conscience, certaines qualités sont absolument requises, notamment la concentration.  Si le mental s’abandonne à une infinité d’hypothèses en même temps, il met bien du temps à trouver une solution à ses problèmes.  Alors, gardé sous pression, il aboutit plutôt à la dispersion, à la préoccupation, à la surchauffe.  En passant, celui qui croit n’avoir jamais de temps à consacrer à une réalité donne trop de temps aux préoccupations factices de son mental : son intellect s’affaire à trop de choses en même temps le faisant croules sous les obligations fallacieuses.

Tous croient savoir de quoi la concentration retourne, mais la plupart s’en tirent plus souvent avec un mal de tête qu’avec un sentiment d’accomplissement et de plénitude.  On confond trop souvent la concentration avec la crispation nerveuse et la tension mentale, ce qu’elle n’est jamais.  Se concentrer, c’est fixer sa pensée sur une idée, penser à une seule chose, avec ferveur, pendant un moment déterminé, centrer toute son attention sur un seul sujet ou une seule tâche.  Mais cet exercice doit se produire dans la détente et le détachement, ce qui fait toute la différence.  La concentration, c’est l’application de la faculté créatrice de la conscience, ou la transmutation des choses en éléments de pensées, dirigées par un moyen de focalisation, en toute neutralité, vers le point ou le lieu désiré ou vers la manifestation à obtenir.  Voilà une définition ésotériquement exacte, mais plus difficile à comprendre, qui risque de faire régresser dans la compréhension.  Alors, pour reprendre autrement, se concentrer consiste à choisir une idée unique, à en absorber tout son esprit, à un moment donné, à la maintenir dans sa pensée, à l’exclusion de toute autre, et à laisser coopérer toutes ses énergies, pendant ce moment, dans son choix pour en obtenir la réalisation.

Pour bien se concentrer, il faut commencer par se centrer, par faire une mise au point intérieure.  En fait, il ne faut pas essayer de se concentrer, il faut choisir de se concentrer, de fixer son attention sur une pensée unique, et laisser la chose se faire d’elle-même.  Le choix devient la volonté douce de se concentrer sur telle idée.  Ensuite, on laisse son Guide intime répondre à cette demande de ne retenir qu’une seule pensée précise et de la nourrir d’énergie.  C’est seulement dans cette attitude que le Moi intérieur peut posséder la pensée ou l’idée retenue, la vivre, la sentir dans toute sa vitalité, dans toute sa force vivante.  Cette pensée ou cette idée doit donc se libérer du mental objectif une fois circonscrite.  Il paraît qu’un bon moyen de parvenir à se concentrer, c’est de développer en soi la puissance du OM qui dissout toutes les pensées parasites qui s’opposent à l’évolution.  Ce son conduit peu à peu à la fusion en Dieu.  Un autre excellent moyen, c’est de suivre son mouvement respiratoire (inspiration-expiration) avec le son «SO-HUM», «So» à l’inspiration et «Hum» à l’expiration.  Et, au moment même de se concentrer, un bon moyen de se détacher des pensées indésirables, c’est, au lieu de lutter avec elles, de leur donner, en imagination, des ailes et de les voir s’envoler, une à une, vers d’autres centres magnétiques qui leur ressemblent.  Sinon, on les convoque au tribunal de son jugement pour les vider de leur énergie, leur accordant toute l’attention qu’elles requièrent.

La véritable maîtrise ne consiste pas à sortir victorieux d’une bataille, mais à vivre en paix et en harmonie, de vivre de façon constructive.  La condition mentale nécessaire à toute concentration, c’est donc l’entière passivité, la neutralité, l’abandon, le détachement complet.  Devient maître celui qui laisse ses désirs lancinants se dissoudre dans la Lumière de ses facultés supérieures, non celui qui s’oppose à eux.  Devient maître celui qui se sert des facultés créatrices de sa conscience pour atteindre les résultats qu’il désire sans s’occuper des faiblesses inhérentes à sa nature inférieure, soit aux tendances et aux habitudes personnelles qui peuvent faire obstacle à son projet.  Attention, la concentration ne consiste pas simplement dans la focalisation de son attention sur une pensée ou une idée puisque la volonté même d’atteindre un but crée, des entraves par la tension qu’elle engendre.  La concentration consiste d’abord à imager, à visualiser, à créer une image mentale, toute intérieure, de ce que l’on veut obtenir.  Le penseur organise lentement ses idées jusqu’à ce qu’elles se fixent dans le Moi intérieur, puis il les laisse se concrétiser par la suite.  Dans l’acte créatif, pendant qu’il organise ses idées, il doit les vivre, les voir, sentir la réalité désirée avec toute la vitalité lité et la force d’une chose vivante et réelle.  Et il doit les accepter comme déjà réalisées, dans l’ici maintenant, le seul moyen de les voir se concrétiser, progressivement, à travers le temps et l’espace.

Toute personne qui pourrait se concentrer sur une pensée ou une idée claires, nettes, précises, à l’exclusion de toute autre, pendant trente-quatre secondes, verrait, au bout de ce délai, la chose ou la situation souhaitées se produire devant ses yeux.  Voilà la clef: pour qu’une expérience de manifestation soit couronnée de succès, il faut que les pensées et les désirs quittent le mental pour s’imprimer dans le Moi intérieur (ou dans la Substance cosmique).  Tout effort pour amener la volonté à agir et tout désir inquiet de réussir enchaînent l’image mentale dans les limites physiques, l’emprisonnent dans l’aspect objectif de la conscience.  Et, après avoir visualisé une réalité désirée,-il faut purement et simplement l’oublier, la laisser agir à son insu, la laisser aller parcourir son circuit cosmique pour se nourrir d’énergie de manifestation.  Y repenser, c’est déterrer ses semences et les exposer à la lumière crue de l’intellect, risquer de s’inquiéter sur le délai d’accomplissement ou de douter tout simplement de sa réalisation.

Toute connaissance provient de l’attention et de la concentration.  Mais on aurait tort de croire que la concentration est une faculté innée.  Elle se développe par la pratique.  Il faut accepter de l’appliquer, au début, sans résultat apparent, pour cueillir un jour les fruits de sa réalisation.  La concentration favorise l’activité de l’esprit.  Cependant, elle ne s’obtient pas de force.  Pour la développer, on aura intérêt à d’abord se trouver un stimulant de nature à inciter à cet exercice.  La curiosité constitue, en ce sens, un puissant levier de l’intérêt, donc, ultimement, de la concentration.  Inutile de l’appliquer à des sujets préoccupants: c’est sans résultat.  Commençons par l’appliquer à des sujets nouveaux, presque frivoles, en tout cas qui nous enthousiasment.  Se concentrer, ce n’est pas se tendre, forcer les choses, c’est s’absorber dans un sujet et s’y abandonner pour ne devenir qu’un avec lui.  Voilà comment on construit ses forces mentales tout en apprenant du même coup.  N’allons pas croire que la concentration augmentera l’intelligence.  Elle ne peut que permettre de se servir de l’intelligence que l’on a, au mieux, prédisposant tout l’organisme à agir dans le sens requis.

Sans recherche, on ne peut rien découvrir.  Toutefois, dans les dispositions désagréables, la recherche devient fastidieuse.  La curiosité, elle, soutient l’enthousiasme.  La concentration l’affermit en l’entraînant dans des découvertes plus complètes.  Elle permet d’approfondir les choses et de saisir en elles des éléments qui échappaient dans la dispersion.  Autre révélation de la concentration, elle permet de trouver des solutions pertinentes à nombre de problèmes quotidiens, causes d’angoisse et de frustration.  Ralentissant le rythme de la pensée, elle nous permet de considérer les événements avec plus d’objectivité.  Tout regard objectif permet de mieux percevoir le lien entre une situation et le reste de l’Univers, lien qui nous aide à comprendre le sens évolutif de la vie et à nous y engager de façon plus constructive.  La concentration favorise toujours l’adaptation et une conception mesurée, fondements de l’équilibre.  Elle entretient la jeunesse, reliant à la vitalité cosmique, cette faculté de s’absorber pleinement dans l’ici et maintenant et d’anticiper des lendemains remplis de merveilles.  La curiosité favorise la concentration, avons-nous dit.  Eh bien, pour sa part, la concentration accroît la curiosité mentale.

Du reste, la concentration sur des pensées non seulement constructives, mais enthousiastes, permet de reposer les facultés mentales.  Pour se concentrer sur une pensée, il faut l’isoler de toutes les autres, s’arrêter sur un point unique.  Pour passer à une idée nouvelle, il faut libérer la première dans la déconcentration.  Tout cela pour dire que l’hésitation entre deux pensées draine une énergie précieuse et survolte le cerveau.  N’est-ce pas le drame que vivent plusieurs de ne rien obtenir parce qu’ils ne savent pas se brancher?  Dans se doutes, chacun est porté à demander une réalité pour lui superposer une alternative, une solution de rechange.  On demande telle chose précise, mais on ajoute que si on n’en est pas digne ou méritant, si sa réalisation reste impossible, si on n’y croit pas suffisamment, si on ne se sent pas digne, si on ne la mérite-pas, si elle est impossible, si c’est trop beau pour soi, on se contentera de telle autre, ce qui revient à s’évaluer au rabais et à fuasser le processus.  Le Moi intérieur, qui détient bel et bien pour soi le Savoir et du Pouvoir, mais pas la faculté de choix ni le vouloir, ne pouvant choisir pour soi, ne peut donner de réponse ni produire de manifestation.

C’est par la concentration qu’un être parviendra à corriger les faiblesses de sa conscience objective.  On remarquera par exemple que certains sont incapables de travailler si quelqu’un les observe.  Ils se laissent déconcentrer en cherchant à savoir ce que l’observateur pense et en se demandant s’il est en train de les juger.  Ils sortent du centre, de leur centre, pour s’absorber dans ce qui entre en conflit en eux.  L’intelligence est largement tributaire du milieu dont elle devient l’esclave.  Certains portent trop d’attention à l’interprétation défavorable que l’on fait de leur comportement, des critiques injustes que l’on formule à leur endroit par manque de compréhension, d’une éducation fort moralisatrice, dogmatique, culpabilisante.  Voilà qui explique largement le vent de nervosité, de dépression et la gamme des incidents qui balaient la planète: une conscience endommagée, blessée par le milieu.  On se laisse déranger.

À l’époque actuelle, on aura bien de la difficulté à éliminer les sources de distraction comme le bruit, la pollution, l’agressivité ambiante, mais on pourrait facilement dissoudre les distractions plus subtiles et plus dévastatrices comme les souvenirs malheureux, gonflés par les émotions, par la culpabilité qui ressort des reproches, des critiques et des insultes qu’on a reçus.  Cependant, plus on apprendra à se concentrer, mieux on se dégagera de ces émotions délétères.  Évidemment, plus on se concentre sur un geste qu’on pose ou sur une pensée qui passe à travers soi, plus ils deviennent magnétiques et personnels du fait que l’intelligence et la sensibilité se mettent de la partie.  Pour réussir dans la vie, il faut mener une vie-concentrée.  Au lieu de rêvasser, de se projeter dans le passé ou l’avenir, de tenir un compte indu des propos qui sont adressés, on aurait intérêt à consacrer à ses besoins et à ses désirs tous les moments de loisir, tous les moments qui ne sont pas consacrés à répondre aux besoins immédiats et primaires de l’existence.

Chacun devrait fuir les tentations et les plaisirs des événements imprévus pour penser plus profondément et plus constamment à ce qu’il souhaite se réaliser dans notre vie.  Cela exige un effort, précisé par l’activité mentale requise, cela requiert du temps, car pour soi, tout s’accomplit présentement dans le temps et l’espace; cela veut dire de l’action, car la concentration reste inefficace dans le repos ou le sommeil des facultés.  Mais cela exige d’abord de la foi et de la confiance.  Plus important encore, c’est le principe de l’alchimie mentale qu’il faut comprendre et mettre en œuvre.  Par alchimie mentale, il faut comprendre la conception mentale à allier à la création en imagination.  En concevant ce qui est bon et constructif, l’être humain peut le créer mentalement grâce aux processus alchimiques de l’esprit, accordés avec les processus alchimiques du Cosmos.  Le résultat de cet accord, c’est que la chose créée se manifestera tôt ou tard, grâce aux processus créateurs qui agissent à l’intérieur de sa conscience et de son être.  L’être humain doit fignoler ses moules mentaux.  Il doit le faire jour après jour, heure après heure, chaque fois qu’il en a le temps.  Il doit reprendre ses moules pour achever leur impression, non parce qu’il en doute, non pour les retenir dans sa sphère d’attraction, mais pour les rendre vivants, essentiels, vibrants dans sa conscience.  Pour créer, ces moules doivent devenir si réels qu’ils doivent devenir comme omniprésents.  Plus, ils doivent devenir si efficaces, qu’ils doivent modifier, imprégner et influencer ses pensées, ses comportements, ses actes, toute sa vie.  Voilà qui s’appelle mener une vie créatrice, parce qu’inventive et concentrée.  C’est se créer mentalement un univers rare, original, personnel, et le traîner partout avec soi, dans sa pensée, sous tous ses aspects de formes, de couleurs, de dimensions, de poids, de sensibilité, de puissance.

Après conception, parfaite à tous les points de vue, il faut accorder à ses moules-pensées une durée de gestation convenable, compris dans son déroulement logique et naturel de développement, pour qu’ils trouvent une forme vivante et vibrante comme expression finale.  Pour l’instant, l’homme doit compter avec le temps.  Et c’est fort heureux! S’il fallait que ses conceptions éphémères et futiles, que tous ses monstres mentaux prennent forme instantanément et paradent autour de lui, ils l’asserviraient en un jour, remplissant le monde d’une agitation désordonnée, fruit de tant de croyances erronées.  Ne se réalisent que les images qui ont fait l’objet d’une synthèse soigneuse, développées dans le creuset du laboratoire mental de la Conscience divine en l’homme.  Dans la création, toute hâte et toute impatience conduisent à l’échec.  La réalisation souhaitée doit être assemblée peu à peu, morceau par morceau, élément par élément, selon la forme visualisée.  Et, après chaque ajout, à chaque étape du développement, elle doit être examinée, mise à l’épreuve, expérimentée, pour voir si quelque élément n’aurait pas été omis ou négligé, si quelque point d’ajustement, quelques liaisons des morceaux et des éléments n’auraient pas été mal exécutés.

La concentration sur un souhait ressemble à la construction d’une maison de briques.  De même qu’on édifie telle maison en montant les murs, brique par brique, de même chaque partie de son souhait doit être mentalement visualisé jusqu’à ce qu’il soit prêt à jaillir dans son état définitif et à surgir dans la conscience de son créateur comme un fait qui existe réellement et qu’il vit ou lui échoit.  On devrait se consacrer surtout à se créer des instruments utiles, d’usage pratique, qui apportent profit, bienfait et bénéfice.  Et on devrait envisager les dangers qui découleraient de leur mauvais emploi pour s’en prémunir.  Les choses qu’on demande se manifestent plus rapidement si on sait les concevoir comme utiles aux autres, comme bénéfiques pour l’Humanité entière, n’entraînant nul sacrifice et nul ennui pour les autres.  Voilà le sens de l’affirmation: «Que cette demande me parvienne, bonne pour moi et pour tous concernés.»  En toute humilité, le créateur d’une chose doit tenir compte de ses obligations envers Dieu et de son union avec son Royaume.

L’être vraiment spirituel ne manque jamais d’associer Dieu et tous les êtres du Cosmos à tous ses plans et désirs.  Car il y a une différence entre disposer de l’aide de Dieu et l’exiger.  On peut compter sur l’aide cosmique dans la mesure de sa dignité, de sa sincérité, de sa loyauté, de sa fidélité constante aux idéaux cosmiques.  Toutefois, on ne peut rien en exiger, ce qui exclurait immédiatement toute prise en considération de ses vœux et de ses désirs de quémandeur ou de petit maître despotique.  Voilà le sens du respect dont parlait le Maître Jésus.  Ce respect se manifeste d’abord par l’hommage à Dieu et une gratitude bien ressentie visant le bien anticipé.  Ce respect consiste encore à demander que tout bien qui nous échoie consolide ses liens avec Dieu et affermisse dans l’exécution de sa volonté, contribue à la manifestation de ses plans.  Un vrai mystique ne demande jamais l’aide de Dieu, qu’il faut percevoir comme un genre de tribunal d’appel, pour une affaire ou un projet dont il connaît les moyens et la solution.  Il n’invoque Dieu que dans les moments où il est incapable d’affronter une situation particulière, que la situation est telle qu’elle échappe à sa compétence immédiate, qu’elle est d’une nature si générale et si complexe qu’elle inclut trop de problèmes et de questions pour qu’un seul esprit suffise pour les dominer.

Enfin, puisque les voies de Dieu sont insondables, qu’il est de notre ressort de faire des choix, mais non de leur répondre, on devrait éviter l’imposture d’indiquer au Ciel la manière de réaliser ses désirs et ses plans.  On gagnerait plutôt à se confier dans l’Intelligence et dans la Sagesse éternelles, douées de ressources illimitées, plus conscientes que soi des avenues pour réaliser ses vœux.  Nulle manifestation ne peut se produire sans la concentration parce qu’elle découle d’une visualisation, donc de la formation d’images dans un état qui peut les rendre magnétiques.  Les images que nous formons doivent mettre l’accent sur le but final que nous avons à la pensée.  La concentration est un art particulier qui fait croire à certains que des sujets accomplissent des miracles.  C’est dans la concentration qu’on peut obtenir la coopération des plus grandes forces du Monde et du Cosmos.  Il faut d’abord préciser son but, se former une idée très claire de la raison pour laquelle on désire entrer dans cet état de concentration.  Il faut choisir un but clair, net et précis.

La concentration doit porter sur un seul sujet, une seule chose, une seule cause, un seul résultat, une seule intention.  Il faut focaliser ses pouvoirs mentaux comme la lumière à travers une loupe se dirige sur un point précis.  Il faut ensuite considérer son motif, son mobile.  On ne peut pas obtenir une réalité qui ne servirait qu’à soi-même: les Forces cosmiques visent, de par leur nature, à combler toute l’Humanité, réprimant toute requête purement égoïste ou individualiste.  En fait, ce qui se produit, c’est qu’une telle demande ne possède pas assez d’énergie pour quitter le champ énergétique de son auteur.  Troisièmement, le demandeur doit être redevable d’une réponse affirmative.  L’homme propose, mais Dieu dispose.  Nul ne peut changer les Lois universelles ou concevoir des plans qui s’opposeraient à l’harmonie de la Nature.  Ainsi, demander pour les autres constitue souvent une ingérence dont la Justice immanente peut se passer.  Aussi faut-il se savoir honnêtement et sincèrement en droit de demander ce que l’on souhaite.  Quatrièmement, toute demande doit passer par une communion avec l’Intelligence cosmique.  On y arrive en immobilisant son mental, après la visualisation, en cessant d’analyser, de percevoir qui on est, où l’on est, pourquoi on y est, ce qu’on y fait, en somme, d’oublier presque totalement son existence.  On se fond dans la pensée vivante sur laquelle on s’était concentré.  Alors, on oublie l’objet de son vœu entièrement pour lui permettre de s’irradier de sa propre pensée et de commencer à se manifester.

La concentration comprend une double nature: sa phase positive est celle de l’action; sa phase négative, celle de la réceptivité.  Qu’est-ce à dire? En se concentrant, il faut d’abord visualiser l’objet, la chose ou la situation qui est le motif de la concentration.  Pour ce faire, on recourt au raisonnement, gardant toute sa conscience objective en éveil.  En traçant ce tableau mental, phase indispensable, on peut s’imaginer entendre les sons ou percevoir les couleurs qui contribuent à former cette image mentale.  Autrement dit, on s’efforce de créer une ambiance de réalité.  À ce stade, il faut maintenir dans sa conscience l’image, la chose, la situation (voire le message) que l’on a engendré.  Il faut ensuite libérer cette énergie dans sa conscience, en la chassant presque de sa pensée, tout au moins en l’oubliant, en ne lui accordant plus la moindre attention.  Ainsi présentée, la technique de la concentration créatrice peut apparaître rébarbative à certains, ce qu’elle n’est nullement.  On a simplement multiplié les ingrédients de la créativité pour prémunir contre tout investissement stérile d’énergie, comme pour identifier toutes les erreurs possibles de technique.  Car la concentration requiert vraiment un exercice mental, celui d’écarter les distractions et d’agir dans le calme et la détente, mais sa maîtrise conduit aux plus grands bonheurs, aux plus sublimes accomplissements!

Se concentrer revient à fixer son mental sur un point unique,  à tout ramener au centre (au cœur), dans le calme parfait de la pensée, sans agitation du corps.  Se concentrer requiert de porter toute son attention vers une seule pensée, en s’isolant des impressions extérieures, pour forcer l’attention, vaincre l’indifférence, dominer ses forces, dans la détente complète.  Se concentrer invite à ramener ses forces dispersées à leur centre, à rassembler ses énergies vers un seul but précis, pour les multiplier.  La concentration intérieure agit un peu comme une loupe qui ramène tous les rayons solaires en un seul point, parvenant à mettre le feu à de la paille ou à une feuille de papier.  Cet exercice augmente la conscience et la possibilité de découverte dans tous les mondes (subjectif et objectif).  Elle s’emploie à rassembler l’attention et à la diriger vers l’observation et la définition d’une condition, d’un objet, d’un principe, d’un sujet, d’une pensée.  La concentration aide à orienter le mental inférieur vers le mental supérieur et à les faire fusionner, inhibant l’intellect de sa tendance naturelle à construire des formes-pensées multiples.  Elle habitue un être à maintenir dans sa pensée la chose qu’il veut reproduire ou étudier et elle seule, à conformer à sa vision toutes ses idées, ses pensées, ses paroles, son ressentir et ses actes.  Elle opère un centrage de toutes ses forces sur l’essentiel.  En développant progressivement sa faculté de demeurer autour d’un centre ou d’un sujet choisi, il parvient à éliminer de son esprit tout ce qui entre en conflit avec eux, ce que l’on appelle, simplement, les distractions.

C’est à tort qu’on suggère dans les dictionnaires, dans les traités d’hygiène mentale ou dans les livres de psychologie, que la concentration exige un effort ou une tension.  L’effort ou la tension inhibent les facultés créatrices au lieu de les renforcer.  Se concentrer, c’est organiser ses pensées autour d’un seul point ou thème, dans la détente.  La concentration ne requiert aucun autre effort que de fixer sa pensée sur un point unique et de l’y maintenir.  Dans un premier temps, l’esprit doit organiser ses pensées; dans un deuxième temps, il doit les libérer dans la neutralité et là passivité.  Le sujet ne doit faire aucun effort pour repousser les distractions.  Il ne faut pas s’opposer au «mal», ce qui évite de lui donner de l’emprise.  Si les distractions viennent, on les laisse passer, sans leur porter attention, comme si on leur donnait des ailes pour s’enfuir et s’écarter de soi.  C’est dans la concentration que s’exprime le pouvoir créateur.  C’est la seule clef capable d’ouvrir le coffre aux trésors de la conscience.  Sans la concentration, on ne peut réussir dans aucune direction, dans aucune démarche, matérielle ou spirituelle.  Satprem a dit un jour: «Nous ne sommes prisonniers que de nous-mêmes; le monde attend tout large à nos portes, si seulement nous consentons à tirer l’écran de nos petites constructions.  A cette capacité d’élargissement de la conscience doit, naturellement, se joindre une capacité de concentration, en sorte que la conscience élargie puisse se fixer, immobile et silencieuse, sur l’objet considéré et devenir cet objet.  Mais concentration ou élargissement sont des corollaires spontanés du silence intérieur.  Dans le silence intérieur, la conscience voit.»  La concentration vient dans l’immobilisation totale du dehors et du dedans.

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Pour sa part, Sivanandâ rappelait l’exemple donné plus haut en disant: «Lorsque les rayons du soleil sont rassemblés à travers une lentille, ils sont si puissants qu’ils peuvent enflammer une mèche de coton.  De même, lorsque les rayons dispersés de l’esprit sont concentrés, on peut faire des merveilles et percer les secrets de la Nature avec le puissant projecteur de l’esprit.»  En effet, la concentration décuple les forces.  Le niveau de lumière que rayonne un être correspond au niveau de son activité orientée et alignée sur un but évolutif.  L’âtre qui s’active sans but disperse sa lumière et dissipe son énergie vitale.  Au contraire, il trouve un surcroît d’efficacité en coordonnant la centralisation de son temps et en concentrant ses énergies sur un but unique et valable.  Un être devient d’autant efficace qu’il pense constamment à ce qu’il veut et qu’il en imprègne toute sa conscience.  Notre Maître, Janakanandâ, expliquait: «Par la concentration, un être apprend à faire le tri parmi ses pensées et à faire ‘un choix avant d’avoir recours à un mode de communication.  Pour ainsi dire, il choisit l’émission qu’il désire voir et il tourne ensuite le bouton sur le bon canal ou sur la bonne fréquence…La concentration est le meilleur moyen de pallier les défauts de la conscience.  Par exemple, nombre de personnes sont incapables de s’adonner à une tâche lorsque d’autres les observent alors qu’elles s’en tirent à merveille lorsqu’elles sont seules.  Elles sont incapables de se concentrer parce qu’elles sont trop occupées à se demander ce que l’observateur pense de leur façon de s’y prendre.  La personne qui a développé la concentration sous toutes ses formes peut garder sa conscience sur le point qu’elle juge important sans se laisser déranger.  Elle est capable de garder son attention autour d’un centre plutôt que sur ce qui entre en conflit avec lui.»

Ce même Maître disait ailleurs: «Sachant que les facultés mentales ont besoin de repos, un bon moyen de reposer les facultés fatiguées, c’est de les concentrer sur des pensées créatives.  Par l’art de la concentration, nous permettons à notre système mental de se refroidir et de se régénérer.  Les blocages d’énergie se dissipent de sorte qu’aucune partie du corps ne reste survoltée.  Pour se concentrer sur une chose, il faut isoler les autres pensées qui nous assaillent en nous arrêtant sur un point.  On ne peut passer à une idée nouvelle sans se déconcentrer de l’idée qu’on entretient.  Hésiter à choisir entre deux pensées draine une énergie précieuse tout en rendant la détente impossible.»  Nul ne peut apprendre sans se faire attentif à ce qu’il étudie, sans se concentrer sur sa matière.  Nul ne peut connaître sans passer par la concentration.  La pensée doit s’arrêter’ sur le sujet étudié si on veut l’absorber.  Mais il ne faut pas croire que la concentration se transmet par l’hérédité.  C’est une faculté, mieux, une activité des facultés mentales qui se développe par l’exercice.  Cette activité s’affine avec la répétition.  Au début, on doit accepter de s’y adonner sans résultat apparent pour obtenir un jour les fruits des ses exercices répétés.  Alors, l’esprit, qui était inactif, rouillé, se met à opérer et il engendre des merveilles.

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