Je me souviendrai toujours de ce reportage sur les ours grizzly en Alaska. Pendant toute une saison le comportement de ces ours a été suivi et filmé, et à un moment, on voit qu’une femelle grizzly habituée du coin se fait monter par un jeune mâle de passage tandis que le caïd dominant du secteur auquel elle était promise, et qui lui faisait des avances sans succès depuis des mois, dormait.
Puis le caïd se réveille, voit le manège, et accourt. Le jeune préfère ne pas demander son reste, mais ce qui est extraordinaire, c’est qu’alors la femelle fait mine de le chasser en le poursuivant, comme si elle n’était pas consentante ! Façon de dire à son futur mari « ne crains rien de ce paltoquet ». La comédie n’est pas qu’humaine.
L’amour physique est vraiment l’école de la solitude. Vous ne voyez pas le rapport ? Cherchez encore. Les animaux n’ont pas un sentiment de solitude encore très développé, en tout cas pas autant que les humains. Ils mentent moins, aussi. Car le mensonge aussi est une école de la solitude. Mais ce sentiment de solitude en développement est là quand même bien entendu. Au sortir du monde végétal, où la solitude est plus que rare, mais déjà un peu plus que chez les minéraux, la prise de conscience de la discontinuité du monde se développe beaucoup, et singulièrement du fait du mode de reproduction qui est en train de changer.
Les cailloux n’ont pas ce problème. Chez les végétaux au contraire, on est obligé de faire appel aux insectes pour faire le travail à votre place, et on promène ses pollens au gré du vent. Comme les végétaux ne peuvent pas se déplacer, attachés à leurs racines, leur sentiment d’unité avec le reste de l’environnement est très grand. Il n’y a pas encore vraiment de discontinuité. On est tous très reliés.
Pourtant les planètes et les particules atomiques (c’est la même chose), elles, n’expérimentent-elles pas déjà depuis longtemps la discontinuité ? Elles sont semble-t-il très éloignées les unes des autres, mais en apparence seulement. Vous pouvez trouver un peu abusif cette façon de se mettre dans la peau d’autres Règnes, et penser que c’est un délire mental, mais pas du tout, au contraire. Rien ne vous empêche de vivre à la place de vos particules ou d’autres choses, car tout est dans votre esprit, vous le savez maintenant. Et il n’y a rien dans aucun élément de l’univers qui ne soit, au moins en germe, dans tous les autres. Et il ne peut y avoir aucune différence de nature entre une partie de l’univers et une autre.
Petit à petit les physiciens quantiques arrivent eux aussi à ces mêmes conclusions. Mais hélas toujours simplement avec le mental et les mathématiques, ce qui est insuffisant pour en tirer les bonnes conséquences. Avec le mental on ne peut se mettre à la place de l’autre car il est fait pour séparer et analyser. Seul le cœur le permet.
Ainsi, même si nous avons l’impression que les planètes sont éloignées les unes des autres, il n’en est rien. Car elles n’ont pas de mental. Elles ne perçoivent pas cette distance illusoire. Ce n’est qu’avec notre mental que nous avons cette impression, et notre mental est lié et déterminé par la nécessité d’une non-continuité dans l’infini, étant entendu que cette discontinuité est « contenue dans la continuité ». Simplement, comme on l’a souvent expliqué dans ces chroniques, la Nécessité de l’infini se heurte à l’impossibilité pour l’infini d’être un « tout », il n’est qu’une tendance, jamais réalisé, et de ce fait, il est d’une part discontinu et d’autre part fractal. « Discontinu » veut dire qu’il n’y a pas d’infini autrement que sous forme de « gouttelettes » d’infini, comme la pluie ne tombe pas d’un seul morceau, autrement dit comme il ne peut y avoir de « nombre infini » mais que cet infini est quand même nécessaire, chaque nombre permettant à l’infini de se réaliser devient à son tour nécessaire. Cela est un condensé de la cause de l’Etre et de l’univers à partir du néant, la seule explication possible et valide. Parce que l’infini est nécessaire et impossible à la fois en tant que tel, alors nous sommes là : une multiplicité d’individus dans toutes les dimensions. Et par ailleurs c’est « fractal » justement parce que chaque individu en contient une infinité potentielle d’autres sous forme d’éléments également distincts les uns des autres. Ainsi les humains sont constitué de tout le monde animal, végétal, minéral et finalement atomique, chaque particule étant elle-même constituée de sous-particules toujours séparées par un grand vide apparent, et ainsi de suite. Tout comme chaque nombre contient une infinité potentielle de fractions. Et dans le sens inverse, les humains, eux, constituent ensemble les cellules d’un être plus grandiose qui les contient aussi tous, mais dont ils ne peuvent avoir conscience, tout comme nos cellules qui ne vivent que pour nous et constituent notre corps n’ont pas conscience de nous.
Bref. Tout cela est expliqué dans une autre chronique et dans « Et l’Univers Fut » (voir site hatem.com), avec le schéma de la « Pyramide de l’Evolution ».
Revenons-en à notre apparence de discontinuité : la particule est la première apparence de séparation, alors qu’en fait aucune particule n’a le sentiment d’être séparée d’une autre. Cette séparation n’est ressentie que vue de l’extérieur, mais pour la particule elle-même, elle a simplement l’impression que là où JE me situe, se trouve la plus forte concentration de l’énergie, et qu’ailleurs cette énergie est de plus en plus ténue au fur et à mesure que je m’éloigne de mon centre. A aucun moment il n’y a interruption de l’énergie, jamais séparation. En fait, c’est mon secteur d’influence, mon territoire (comme pour l’ours grizzly), sur lequel j’ai de moins en moins prise au fur et à mesure que je le perçois au loin.
Mais il n’y a pas réellement de discontinuité, car l’énergie est en fait partout. A aucun moment il n’y a rupture d’énergie entre deux particules. Car en réalité il n’y a pas, et il n’y a jamais eu deux particules. Il n’y a que de l’énergie, SOI. Tout cela est détaillé dans « Et l’Univers Fut » (ici c’est un peu indigeste car trop rapide, mais ça vaut la peine d’approfondir), et c’est cette relation dualiste qui engendre l’apparence des deux polarités en relation. Une ici, une au loin. Si l’autre n’était pas perçue comme « au loin », cette relation paradoxale ne pourrait pas se manifester, il y aurait fusion des deux pôles et finalement infinité effective et donc finie, ce qui est absurde.
Donc ce qui compte pour la conscience c’est l’impression que l’autre est au loin. La femelle grizzly par exemple. La particule autour de laquelle on va tourner pendant des millénaires (pour le grizzly c’est seulement quelques semaines avant d’arriver à ses fins), sans jamais pouvoir fusionner vraiment (le grizzly non plus ne pourra jamais fusionner vraiment, c’est pourquoi il faudra qu’il recommence sa quête à chaque saison.
Donc en réalité les particules et les planètes tournent les unes autour des autres mais n’ont pas véritablement un sentiment de solitude par rapport à l’autre, leur identification au centre est un sentiment d’inséparabilité avec l’autre polarité même si elle est perçue à des millions de kilomètres. Elles sont tout entières relation. Pas individus en relation.
A partir de cet état énergétique, toute l’évolution va faire que ce sentiment de solitude et de séparation va être de plus en plus accentué, jusqu’à l’homme (et la femme) pour qui il est maximum. Ensuite c’est le chemin inverse qui commence en beaucoup plus rapide, à partir du nirvâna spirituel humain.
On a déjà souvent évoqué cette réalité : nous avons l’impression d’être en relation les uns avec les autres, en réalité nous sommes chacun la relation dans sa totalité, et l’autre est une illusion d’extériorité indispensable pour que cette sensation consciente soit.
On expliquait dans la chronique de la semaine dernière que tout l’art de l’amour se situe dans la gestion de cette relation en tant que seul responsable, et surtout pas en considérant que l’autre existe et aurait une responsabilité quelconque dans cette relation.
Tout cela pour que vous compreniez que les minéraux et les végétaux n’ont pas encore de sentiment de solitude, et que cela commence avec les animaux très évolués. Et plus on est évolué plus on est susceptible de souffrir de solitude, en particulier les humains, jusqu’à ce que cette solitude paraisse insupportable et que la seule solution soit l’évolution spirituelle au lieu de la recherche de partenaires extérieurs.
Souvent on me dit que les végétaux etc. vivent l’amour idéal, que l’amour est bien plus grand chez un chien que chez un humain, et que donc il n’y a pas de raison que l’évolution continue vers l’humain si le but est l’amour infini. Mais pas du tout, puisque à aucun moment dans l’évolution qui nous précède, le sentiment de séparation n’a été complet. Tant que ce sentiment de séparation et donc de solitude n’est pas complet, l’amour ne joue pas encore son véritable rôle qui est de construire un sentiment de conscience d’unité absolue dans une apparence de séparation absolue. Auparavant, avant l’humain, la conscience d’unité est une espèce d’inconscience. L’amour va de soi. Il n’est pas un choix. Et l’amour ne joue son rôle cosmique que s’il est un choix, c’est-à-dire si on est capable de faire le mal, et l’homme est le mieux placé pour cela.
Il y a un point crucial à atteindre dans l’évolution créatrice, évolution qui manifeste la dualité dont on a déjà parlé (cette dualité du zéro et de l’infini ayant pour objectif l’unité du zéro et de l’infini), c’est qu’il faut vraiment et totalement s’identifier au zéro, au centre, pour que cette unité ait un sens et joue son rôle. Car tant qu’on est dans le flou de la fusion, comme un bébé avec sa mère, le zéro n’est pas accompli. Et il n’est d’ailleurs toujours pas accompli dans l’humain animal, l’humain normal, celui qui n’a pas atteint sa réalisation spirituelle. C’est pourquoi les Alchimistes disent que l’humain est un MEDIATEUR. C’est lui le point d’inversion de l’évolution universelle, et cette inversion se situe au centre du « Jardin d’Eden » : c’est le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Tant que l’individu n’a pas conscience de sa séparation totale avec « Dieu », il ne peut s’y unir en conscience. Lorsqu’il a conscience de cette séparation, il s’identifie à l’ego, ce qui n’est pas encore le cas des animaux ni des humains sans mental (il en existe), l’ego humain étant le moyen de maintenir cette séparation avec les autres.
C’est au niveau de l’ego que se situe le choix du « bien » ou du « mal ». On ne peut séparer le thème du bien et du mal de la sexualité et de la spiritualité. C’est intimement lié.
L’ego choisit ce qui lui semble « bien » et rejette ce qui lui semble « mal » POUR LUI. C’est une première étape mais cette étape n’est pas le propre de l’ego, car c’est aussi le cas des êtres qui nous précèdent dans l’évolution. Ce qui est le propre de l’ego humain (c’est rare chez les animaux mais cela existe aussi) c’est que ce choix se fait en relation avec un but spirituel devenu conscient : l’attention à l’autre, la compassion. Ainsi naît la notion du bien et du mal : face à une décision égotique, je sais très bien si je tiens compte de l’autre ou pas. Si je suis en train de renier un sentiment encore confus que l’autre est moi, ou au contraire si je suis en train de décider en en tenant compte. Evidemment ce n’est jamais formulé ainsi, c’est juste pour qu’on comprenne ce qui se passe dans notre esprit à chaque décision.
Le bien et le mal n’a de sens qu’au niveau de ces décisions, EN FONCTION DE MA CONSCIENCE D’UNITE ENTRE MOI ET AUTRUI. Plus j’ai conscience de cette unité, plus le fait de prendre des décisions qui ne tiennent pas compte de lui est MAL. Et plus j’agis avec compassion plus c’est bien. Le bien et le mal n’ont rien à voir avec l’objectivité des choses extérieures. Rien ne peut être jugé bien ou mal à l’extérieur. C’est uniquement personnel, par rapport à une décision en relation avec le niveau d’amour de la personne concernée. On se renie ou on ne se renie pas d’un point de vue empathique. C’est pour cela que le Karma est spécifiquement humain.
Le bien et le mal sont uniquement une question d’attitude et de comportement. Ce ne sont pas des notions objectives. Dans les Règnes qui précèdent l’homme, on croit que c’est objectif, on intègre ou on repousse. L’humain-animal est encore dans cette attitude. Il croit qu’il y a des choses bien et des choses mal, mais ce n’est qu’un réflexe d’auto-défense par rapport à une fusion physique avec l’extérieur que l’impossibilité de l’infini interdit.
En tant que médiateur, à force de s’être confronté ainsi à un extérieur illusoire, l’homme parvient à une véritable inversion du processus. Il passe de l’animal au spirituel. Le bien et le mal ne sont plus des attributs du monde et de ses parties, c’est la qualification de mes décisions par rapport à moi-même, c’est-à-dire de ma gestion de la relation au monde, relation que je suis.
Je peux avoir des comportements et des attitudes qui sont bien ou qui sont mal en fonction de mon niveau d’amour (je préfère cette expression à l’expression « niveau de conscience » car la conscience, pour garder ce vocable dans le sens du « fait d’être conscient » et ne pas confondre avec « conscience morale », est une donnée totale et définitive qui n’évolue pas). Il y a des choses que je fais qui sont bien, d’autres qui sont mal.
La question ne se pose pas pour le grizzly. Lorsqu’il attrape un phoque, ce n’est ni bien ni mal. C’est naturel. Mais si moi, Frank, j’attrape un phoque pour le tuer, c’est mal. Car j’ai le choix et une capacité d’empathie. Et rien ne m’y oblige présentement.
L’humain est donc le lieu de l’inversion entre le monde animal et le monde spirituel, passage de l’Emotionnel au Causal avec un bref passage par le Mental, qu’on appelle le Règne humain mais qui n’en est pas vraiment un.
Cette inversion est le commencement de l’évolution. La vraie. Auparavant, on n’a fait que reconnaître petit à petit qu’on n’est pas infini, que l’infini n’est pas réalisable. En en prenant conscience, on a changé de corps successivement, on est passé par tous les Règnes de la nature, avec le minéral qui est loin d’être séparé, le végétal qui est encore très fusionnel, et l’animal qui se demande ce qu’il lui arrive depuis qu’il n’a plus de racines et peut gambader. Tout à découvrir. Jusqu’à être dans la position de vraiment manifester qu’on est séparé de l’autre : c’est l’humain. Avec un mental bien solide qui maintient cette séparation au maximum, au point d’être capable de faire souffrir l’autre volontairement, de vouloir avoir toujours raison, et d’inventer des instruments de pouvoir toujours plus élaborés. Le fusionnel a disparu lorsqu’on est devenu un peu adulte (car chaque naissance fait repasser par toutes les phases acquises).
Alors commencent les choses un peu sérieuses, après quelques milliards d’années de patience.
L’animal a petit à petit expérimenté la solitude. Au début c’est loin d’être flagrant, mais grâce à sa sexualité, la façon animale de faire l’unité avec l’extérieur amène à des moments de réflexion, et on a vu que même les animaux sont capables de mensonges (charmants dans leur cas) ce qui les conduit droit à un sentiment de solitude très développé.
La sexualité, répétons-le, est la façon pour le zéro de chercher à s’unir à l’infini dans le cas de l’animal autonome, tandis que pour les végétaux, la façon « éthérique » de chercher l’unité est la chimie et les échanges minéraux, qu’on retrouve dans le processus alimentaire et digestif chez les animaux – une forme d’intégration et d’amour comme une autre. Et pour les minéraux c’est ce qu’on appelle la « gravitation » – aucun choix, aucune autonome. Tant qu’on n’est pas autonome sexuellement, on n’est pas beaucoup poussé à la réflexion, au regard sur soi. C’est la complexité de la sexualité qui développe l’intelligence chez les animaux et dont nous héritons).
Quand l’animal a vraiment suffisamment souffert de toutes les expériences liées à la recherche (et donc au manque) du partenaire sexuel, avec toutes les stratégies que cela oblige à développer, il acquiert un certain égoïsme et une certaine conscience de soi.
Tout d’ailleurs, dans l’univers, est lié à une certaine forme de sexualité, disons à la résolution de la dualité. On a compris que tout est la dualité attraction/répulsion, le « yang » et le « yin », au mâle et à la femelle, cette dualité est première, issue de la Nécessité du Néant (ou de l’infini), et il n’y a que cela jusqu’à la fin des temps. Donc tout est régi par l’annulation de cette dualité, donc la recherche d’union avec le pôle opposé.
C’est frappant. Il n’y a pratiquement pas de comportements dans la nature qui ne soit lié à la sexualité. Ni chez les végétaux ni chez les animaux. Pendant longtemps on a cru que les immenses excroissances osseuses que les dinosaures avaient sur la tête ou ailleurs (probablement très colorées) servaient à se battre et à l’emporter sur les adversaires. Pas du tout. C’est comme les belles plumes et les crêtes des oiseaux. Bien sûr ça a toujours un rôle de protection, mais avant tout cela a pour but de SEDUIRE. Plaire aux femelles. Donner l’impression qu’on est le plus fort.
La plupart de ces excroissances osseuses spectaculaires étaient trop fragiles pour servir d’armes. La préoccupation première, ce n’est pas de lutter contre les concurrents. Cela est important, mais la préoccupation première c’est de séduire la femelle. Idem chez les hommes préhistoriques. Accessoirement, pour séduire, il faut être capable d’éliminer les concurrents, ou au moins en donner l’impression.
Une belle voiture rapide peut aider.
La séduction est le compromis entre le fait de devoir s’unir, et l’impossibilité d’y aller directement et immédiatement. Ce mouvement est absolument universel.
Mais comme on ignore généralement la cause des choses, et qu’on observe que la sexualité est quasiment la première préoccupation et aboutit souvent à la reproduction, on a imaginé que la reproduction était la cause de la sexualité. La justification. Et donc que le sexe sert à se reproduire. Mais est-ce si sûr ? Deux questions à se poser :
– D’où provient cette volonté de se reproduire ?
– Est-ce que j’ai jamais fait l’amour dans le but de me reproduire ?
Non, bien sûr, personne, sauf dans des circonstances très particulières, ne fait l’amour dans le but de se reproduire. Et bien souvent si on peut éviter, on évite.
On peut toujours penser que le but est et reste inconscient, et que pour cela les hormones nous manipulent. Admettons.
Ce n’est pas totalement faux, mais ce n’est pas totalement vrai non plus. En fait la réponse est dans la première question : le fait de se reproduire est-il une nécessité fondamentale ? Il faudrait pour cela qu’il y ait une nécessité de vivre, et si c’était le cas, il serait plus simple d’être éternel physiquement.
Non. Ce n’est pas le besoin de se reproduire qui est la cause de la sexualité. C’est au contraire la sexualité qui est la cause de la reproduction. Car la sexualité (en tout cas son essence) est première, avant qu’il n’y ait vie. C’est tout à fait clair. La vie est une conséquence de la sexualité, de la dualité universelle, du fait que le néant, faute de pouvoir être, est une nécessité, comme l’infini est un potentiel qui se réalise progressivement. Et c’est cette dualité nécessité/possibilité, ou infini/zéro, c’est lié, qui ne peut pas se manifester autrement que dans la discontinuité. Et donc dans la discontinuité des individus, et aussi de la vie elle-même. C’est-à-dire qu’on vit et qu’on meurt, et non qu’on vit éternellement, c’est impossible. Rien, pas même une particule atomique, n’est véritablement éternelle.
C’est pourquoi les étoiles ont des phases, qu’on observe, de naine blanche ou de super-nova. Mais il reste toujours quelque chose. Le germe de toute chose c’est la Nécessité profonde qui anime notre évolution.
Cette nécessité qui nous dualise nous pousse ensuite à rejoindre le partenaire sous une forme ou sous une autre pour fusionner. Mais c’est un leurre, il n’y a jamais fusion. La dualité engendre des corps délimités qui s’opposent à toute fusion, même dans l’étreinte la plus brûlante.
C’est cette impossibilité de la fusion qui entretient la discontinuité, et donc qui oblige à la reproduction lorsqu’on a usé ses batteries. L’objectif reste, et on sait qu’on va devoir continuer la quête ailleurs et autrement. CAR CE SONT TOUJOURS LES MEMES QUI REVIENNENT. La sexualité sert effectivement à SE reproduire soi-même pour continuer sa quête. Pas à fournir des individus à un but qui serait la profusion de la vie. Ce n’est pas un but.
Les parents ne meurent pas parce que les enfants naissent, c’est toujours soi qui fait en sorte de revenir continuer sa quête d’unité en se fabriquant un nouveau corps tout neuf qui permette d’aller plus loin dans l’expérience.
On sait que grosso modo, toutes les quatre générations, ce sont les mêmes âmes qui s’incarnent. Façon de parler bien sûr qui n’est pas de nature métaphysique, mais c’est une façon de comprendre ce qu’on veut dire. « Je me reproduis » n’est pas un vain mot. C’est bien MOI que je reproduis, en utilisant un enfant à qui je dois apprendre à faire des enfants, AFIN QU’AU BOUT DU COMPTE JE PUISSE RENAITRE et chercher à nouveau l’unité.
Afin de poursuivre ma réalisation spirituelle. C’est moi, mon évolution, qui est en cause, il n’y a aucune nécessité ni de vie ni de reproduction, c’est juste la seule façon d’aller vers le but quand on n’arrive pas à être infini. La sexualité est donc le moyen de la spiritualité, DEFINITIVEMENT. En tout cas un moyen.
Tant qu’il y aura une nécessité d’évolution spirituelle, je devrai me reproduire, faute d’être éternel. Pendant un temps, cela passe par la sexualité.
Les biologistes et les zoologues se demandent bien le sens de tout cela. Des animaux qui naissent et grandissent avec juste pour préoccupation de trouver le partenaire le plus apte à produire le meilleurs enfant possible, afin que celui-là puisse à son tour engendrer ! Cela paraît vraiment absurde. Pourquoi ne pas tout arrêter ?
Comme disait le grand métaphysicien (ou humoriste, ce doit être la même chose) Pierre DESPROGES : « heureusement qu’il y a des professeurs pour enseigner aux enfants tout ce qu’il y a besoin de savoir pour devenir professeur ». C’est un peu le même serpent qui se mordrait la queue. Nos excuses à ceux qui y verraient un jeu de mot.
Si l’on prend la reproduction (ou la vie) pour un but, rien n’a de sens. La vie n’est pas un but, c’est un moyen. Encore faut-il comprendre le but pour s’en convaincre.
En tout cas aujourd’hui vous savez ce qui vous pousse à courir le guilledou. Je me demande par quelle perversité vous préférez lire cette chronique plutôt que téléphoner tout de suite à votre copine !
Non, je ne me le demande pas. Votre but n’est pas l’union physique. Cela n’est qu’un pis-aller faute de mieux. Pendant des milliards d’années apparentes, la recherche de l’infini ne peut se faire que physiquement, puisque la conscience consiste à croire que l’infini est extérieur et qu’on est limité.
Donc c’est extérieurement qu’on cherche l’amour.
Petit à petit, à force d’expérimenter cet extérieur, à travers tous les Règnes, on finit par se trouver totalement seul, vraiment seul au milieu d’un cinéma auquel on ne parvient jamais à s’unir vraiment.
C’est là, vous disais-je, que commence le travail.
Alors réjouissez-vous si vous vous sentez seul. Pendant un temps vous allez encore tenter de tromper cette solitude en cherchant partout de l’agitation, des âmes-sœurs ou des âmes-frères, et c’est bien normal, et vous utiliserez nos conseils de la semaine passée pour faire que votre ego soit accepté et aimé par son environnement (j’ai oublié la semaine dernière de préciser que quand on dit « je plais », c’est impropre. C’est l’ego qui a vocation à plaire et qu’il faut aider à être aimé, mais pas « Je » qui est le Soi cherchant la félicité de l’ego. Par exemple, si je dis « je plais », quelque chose va m’empêcher d’y croire. Par contre si je dis « Frank plait », plus rien ne me retient, rien que pour lui faire plaisir).
Il y aura toujours un ego, et l’ego a toujours droit au bonheur. Pas de problème avec ça. Mais précisément, grâce à lui, par le fait de chercher à faire son bonheur, vous allez vous identifier non pas à l’ego mais au Soi, à la RELATION elle-même (le Soi est une relation évolutive, pas un état, on ne le dira jamais assez), et déjà vous vous apercevez que la solitude n’est plus un problème. Jamais vous n’avez été aussi seul car il n’y a que soi, la relation, et l’autre n’y est pour rien, mais jamais cette solitude ne vous aura paru aussi légère. En fait vous êtes déjà le Tout, vous êtes déjà l’autre, tous les autres, et l’amour que vous conceviez conditionnel est de plus en plus universel.
Vous n’y pouvez rien. A force de chercher l’amour, vous trouverez « Dieu ».
Certains ont pu croire, un temps, qu’il fallait choisir entre sexualité et spiritualité, mais le mental n’a rien à décider là-dedans. Il n’y a pas d’expérience physique qui ne soit une expérience spirituelle. Tôt ou tard, quoi qu’on fasse, on comprend que l’amour matériel est toujours un futur inaccessible. « L’amour physique est sans issue » disait Gainsbourg. Et il ne manquait pas d’expérience.
L’amour c’est toujours dedans, même si les preuves sont dehors.
Mais pour qu’il soit dedans il ne faut pas que notre corps reste celui de notre ego. C’est un leurre, une absurdité, et une souffrance.
Notre corps c’est l’univers.
Voilà l’homme de plomb devenu or.
Hors.