Les Onterviews (interviews ontologiques) de lecteurs
avec Frank HATEM DSD
BUVEZ LE SOLEIL comme chantait Etienne Lauth,
pour COMMUNIQUER AVEC L’ADULTE
Frank : Bonjour Damien. Merci d’être venu. C’est quoi ton but à toi ? Ta raison de vivre ?
Damien : Bonjour Frank. En fait j’aurai du mal à le définir, je cherche une façon de vivre qui me convienne. Naturelle, communautaire. Où il y ait une vraie communication entre les gens sans effort.
F. : C’est normal d’avoir envie de changer ce monde. Et qu’est-ce qui t’en empêche ? Avec l’énergie lumineuse que tu as, tu dois avoir plein d’amis qui ont la même aspiration.
D. : J’ai déjà vécu comme cela à une époque. Les uns sur les autres dans un petit espace. C’était génial, j’adorais ça. Peut-être que si je suis venu dimanche c’est pour retrouver un peu cette ambiance de fête et d’amitié. Mais ensuite chacun retourne chez soi.
F. : Je crois qu’on est nombreux à avoir envie de vivre dans l’authenticité et le partage, mais chacun croit qu’il est tout seul, et s’il tente de prendre quelqu’un dans ses bras, ou lui parle de choses trop intimes, ou décide de vivre vegan ou dans les bois, il a peur de passer pour un fou ou un marginal.
D. : C’est cela. Il y a peu de personnes avec qui on peut s’autoriser à être soi-même.
F. : Ca peut même être dangereux, en tout cas ça demande beaucoup d’énergie et de conviction pour résister à la pression du monde concurrentiel. Alors qu’en fait, beaucoup de gens sont comme toi mais n’osent pas l’affirmer parce qu’ils se croient tout seuls. D’ailleurs tout est fait pour que les gens se méfient les uns des autres. Diviser pour régner. L’autre jour quelqu’un me disait qu’il va quitter Paris où il vit depuis quarante ans, car il trouve que la communication entre les gens y est de plus en plus difficile, de plus en plus artificielle, de plus en plus express.
D. : Oui, et j’en connais, ils sont très gentils et pour cela ont du mal à supporter l’existence. Alors ils se réfugient dans l’alcool ou autres.
F. : Pourtant avec un ami comme toi ils devraient se sentir portés vers plus de positivité. Tu dois leur susciter l’envie de communiquer. Ils doivent se sentir « autorisés ».
D. : Mais j’ai seulement 31 ans et je ne vais plus aussi bien qu’avant. J’ai nettement moins d’énergie, moins de facilité à aller au-devant des gens, même si je donne toujours l’impression d’être plein de force et d’enthousiasme. Et puis j’ai toujours un peu mal à l’épaule droite et ça me perturbe beaucoup. Personne n’a réussi à trouver ce qu’il faut faire ni d’où ça vient. En plus ça se déplace.
F. : C’est vrai que derrière ton charisme, on sent une certaine mélancolie dans ton regard. Tu as perdu confiance en quelque chose peut-être ?
D. : C’est possible.
F. : En tes parents ? En toi-même ? En ta bonne étoile ?
D. : Oui, peut-être. En tout cas il y a quelques années, j’ai été très perturbé quand ma copine m’a quitté. Ca a été une grande claque dans la figure. Peut-être que c’est depuis cela que j’ai perdu ma force.
F. : Tu as perdu cet être intermédiaire qui te permettait de communiquer et qui servait de sas et de support dans ta relation au monde. Si tu as investi dans cette relation tout ton besoin d’unité avec le monde, peut-être tu t’es dit après cet échec que même ça c’était trop difficile et finalement hors de portée. Parce que la personne qu’on aime, c’est un intermédiaire entre soi et le reste du monde. Quelqu’un de pas trop différent mais de pas trop identique. Ca peut être trop direct de passer de soi au reste du monde sans ce sas émotionnel. Mais par rapport à tes parents, à ta famille, tu as aussi eu ce sentiment de séparation ou d’abandon ?
D. : Une des choses dont je me souviens quand j’étais petit c’est de m’être retrouvé tout seul isolé dans un grand local qui me paraissait immense, d’un seul coup séparé de mes parents, de mon frère. J’étais complètement perdu. C’était à l’hôpital. C’est la première chose et la plus dure dont je me souviens.
Je me souviens qu’on m’a dit que j’avais écrit ou dessiné plein de choses sur les murs. Je n’ai pas le souvenir que c’était moi. J’écrivais, j’écrivais.
On m’avait emmené aux urgences. J’avais trois ans, j’ai eu une pneumonie et j’ai failli mourir. Personne n’a jamais compris pourquoi j’ai eu cela. On m’a mis sous perfusion. J’avais 42 degrés de fièvre et j’avais l’impression de bouillir de l’intérieur. Je me souviens, à un moment, j’ai eu l’impression de flotter au-dessus de mon corps, et il y avait une grande dame blanche lumineuse à côté de moi qui ne disait rien. Une apparition. Bon, après quelque temps les traitements ont eu raison de cette fièvre insupportable. Et j’ai retrouvé ma famille. Mais ça m’a marqué tout ça.
F. : Je comprends ton problème par rapport à ce besoin de fusion. La dame était là en silence juste pour manifester sa présence, pour que tu aies confiance, te faire sentir que tout était dans l’ordre. Elle savait sans doute que tu te sentais abandonné mais qu’il fallait passer par là. Cette pneumonie, c’est évidemment toi-même qui as tenté de partir comme cela. Si tu as voulu mourir, c’est parce que tu découvrais que la vie incarnée rend la communication difficile, la fusion impossible. C’est souvent le cas chez les enfants, parce qu’à trois ans le mental se structure, et la mémoire devient mentale, au lieu d’être corporelle et donc inconsciente, ce qu’elle est en général avant trois ans. A trois ans tu as pris conscience du monde qui t’entoure et de la difficulté de fusion alors qu’avant tu vivais dans la fusion. Tu as pris conscience de la séparation entre toi et les autres. Comme beaucoup, cela a suscité en toi une nostalgie du temps où tu n’étais pas incarné, où tu te sentais beaucoup plus dans l’unité. Tu t’es dit « c’est trop dur d’être séparé. Comme tu es quelqu’un qui es extrêmement relié à cet au-delà, tu as du mal à vivre le monde matériel. D’autres au contraire sont contents d’y être et n’ont que faire du spirituel. C’est ici leur monde. Mais dans les milieux spirituels, beaucoup de gens ont du mal à s’incarner et à communiquer parce que pour eux la reliance n’est jamais suffisante.
Ce qui est significatif, c’est que tu disais dans un grand sourire que tu avais adoré vivre à plusieurs les uns sur les autres. Ce rire montre que c’est pour toi la priorité. Ta passion. C’est ce besoin de fusion qui te fait chercher cette vie communautaire. Mais est-elle de ce monde ? N’est-ce par chercher à retourner dans l’autre monde ? L’au-delà où il n’y a pas de séparation ?
D. : Oui, ça me parle.
F. : Donc tu n’es pas pas totalement adulte pour le moment et tes aspirations ne sont pas encore vraiment mûres. Ce sont des désirs de retour au passé, pas un vrai mouvement vers l’avant et l’évolution. On n’est adulte que quand on accepte totalement l’incarnation. Donc la séparation. Car le monde est discontinu dans le relatif. Il est continu dans l’au-delà qu’est notre inconscient qui est plus proche de l’absolu. Et on a souvent la nostalgie de cette fusion, de cette unité, quand on arrive dans la séparation. Comme quand on s’éveille d’un rêve et qu’il faut recommencer à gérer. Mais il faut s’y habituer. Ce n’est pas la fusion ici.
L’unité c’est le but, et c’est inconscient. C’est le cerveau droit. Le conscient, lui, est discontinu, il est au service de ce but comme l’univers particulaire (constitué d’atomes spatio-temporels) permet le néant irréel de l’instant. Le seul moyen d’accepter de vivre l’incarnation quand on est nostalgique de la non-incarnation, c’est de comprendre qu’on ne quitte jamais ce monde spirituel, mais qu’il disparaît face au vacarme du conscient. Ce conscient où on semble séparé (en fait on ne l’est pas puisque ce n’est que de l’énergie sans limites) qui n’est qu’un sous-produit de l’inconscient. Ce qui est créateur est inconscient. Ce qui est créateur est source d’amour, mais l’amour c’est une fois qu’il est conscient qu’il est réel. Il faut la matière et la séparation pour pouvoir manifester l’amour. La fusion n’est pas l’amour. On n’est conscient de l’amour qu’une fois qu’il y a la conscience et on trouve qu’on est en recherche de quelque chose qu’on a quitté. L’unité. C’est pour cela qu’il y a nostalgie et difficulté à s’incarner, qui empêche tant de gens de vivre et de faire ce qu’ils ont à faire. Du coup on se croit perdu dans un monde qu’on ne comprend pas. Et on se sent seul.
D. : Oui, cette impression d’incompréhension ou d’exil…
F. : Et ce qui se passe parfois, c’est que comme on est très attaché à cette unité, cette paix, cette non séparation et qu’on se trouve dans un monde de conflits, de guerres, de souffrances, on se sent investi de la mission de réunir tout ça, de faire taire la violence, de sauver le monde. Mais on n’y arrive pas car il n’y a pas moyen de communiquer cela au monde. Les gens semblent trop séparatistes.
D. : Du coup on a l’impression de devoir tout faire tout seul. C’est un peu cela dont j’ai l’impression.
F. : Alors que ce n’est pas vrai, car beaucoup, beaucoup de gens ont cette même impression et voudraient changer la vie mais ressentent cette impossibilité de communiquer assez pour le faire. Mais le problème ne se pose pas ainsi. Chacun est un « colibri » qui doit accepter de ne jouer que son petit rôle, comme les autres, et est là pour faire sa part et rien de plus, et c’est en reconnaissant qu’on a besoin les uns des autres, donc en mettant son ego au service du but collectif, qu’on joue son rôle et qu’on est adulte.
D. : Mais pour cela il faut voir la communauté de volonté de tous ces gens, non ?
F. : Il faut la deviner. Faire confiance qu’on est tous un même cœur avec le même but. Sinon, effectivement on se croit perdu dans un monde hostile. Et ce qui va faire la différence entre celui qui désespère et celui qui ne manquera jamais d’énergie pour continuer sa mission même sans voir les résultats, c’est l’identification soit à l’ego, soit au Soi.
Evidemment, s’en remettre à la volonté des autres, faire confiance qu’au fond chacun a la même aspiration profonde, ce n’est pas agréable pour l’ego (si on se prend pour l’ego) qui a l’impression d’être seul à comprendre. Alors la seule issue c’est de s’identifier à ce Soi, qui est collectif, et alors le fait que l’ego soit un instrument d’une volonté commune n’est plus difficile à accepter. On devient inspiré, et l’ego devient un outil, un serviteur. On l’aime cet ego, on fait ce qu’on peut pour le rendre heureux, mais c’est normal de l’user au service du Tout. Et quand il disparaîtra ce n’est pas grave. On en créera un autre. C’est cela être adulte. Accepter d’être le Père de Damien, et pas Damien. C’est pour cela qu’on a un père au début, et puis on le perd. Au début, on voit à l’extérieur ce qu’on n’accepte pas, mais un jour ou l’autre il faut s’accepter. Certains, pour s’y obliger, perdent leur père de bonne heure. D’autres pas. Mais dans tous les cas, de même que le Soleil qu’on doit vivre à l’intérieur de nous, on le croit derrière les carreaux, on le déifie, en attendant de s’unir à lui, car il est dedans, de même on naît créature, petit enfant, entouré de ses parents, et petit à petit, on s’aperçoit que le créateur c’est soi, et les parents ne sont plus là. Un jour le Soleil c’est notre cœur.
C’est cela être adulte. En fait être vraiment adulte c’est être un éveillé. Se reconnaître seul parce qu’il n’y a qu’une seule source d’amour : soi.
L’ego, Damien ou Frank, qui ne sont pas notre réalité authentique mais un rôle provisoire, est un petit enfant à qui il faut donner de l’amour. Il en réclame tout le temps. Si je me crois cet ego, je reste un petit enfant qui n’en a jamais assez. Mais je ne remplis pas mon rôle. Et je suis perdu dans le monde. Se réaliser c’est ne plus être celui qui réclame mais celui qui donne. L’enfant est toujours là, mais comme je suis devenu le Soleil, c’est l’enfant que j’observe comme si c’était un objet extérieur et que je réchauffe. Le monde est changé alors car ce qu’un homme a fait, un autre homme peut le faire, et c’est cet exemple que nous devons tous donner. Inutile de chercher à changer les choses. Si je deviens ce que je suis au lieu de me croire le petit enfant de trois ans qui a besoin de fusion, automatiquement je vis une autre dimension, et je me retrouve en compagnie de mes frères. Et cette mélancolie disparaît. Il n’y a pas d’autre solution.
De toute façon on devient toujours ce que l’on est. Tôt ou tard. On ne peut pas y échapper. Mais cela prend le nombre de vies qu’il faut. A nous de savoir si on veut vraiment ou si on préfère avoir peur. La chenille deviendra papillon qu’elle le veuille ou non. Il vaut mieux qu’elle le veuille au lieu d’en avoir peur. Elle le voudra si elle comprend qui elle est vraiment, ce que c’est que l’univers. Si elle préfère rester dans l’illusion et l’ignorance, si elle préfère rester un petit enfant qui attend la béquée de l’univers au lieu d’être le pouvoyeur de lumière de cet univers, ce sera toujours douloureux.
Tu es le pourvoyeur de lumière de ton univers. Le Soleil que tu vois dehors, c’est toi demain. Arrête de le rejeter, c’est toi qui l’abandonne, pas lui qui t’abandonne.
Aujourd’hui ta rupture avec ta copine a ramené à la surface ce sentiment d’exil. Tu transportes avec toi à travers tes âges ce sentiment que la tâche de réunification est trop immense, que tu ne pourras jamais faire face et réaliser tout ce qu’il y a à faire. Tout ce qu’il faut changer. Tout ce qu’il faut aimer. Tu le savais déjà quand tu avais trois ans : comment pourrais-tu jamais être assez grand pour être infini ? C’est pour cela que tu écrivais sur tous les murs. Pour essayer de faire que ce monde étranger et immense devienne un peu toi. Par intuition métaphysique tu voulais que cet univers s’unisse à toi mais tu ne savais pas comment faire, tu as posé ta marque sur tout ce qui t’entourait.
A l’époque, parce que tu t’es dit que ce monde n’était pas possible pour toi, que tu t’étais trompé de planète, tu as préféré mourir. Aujourd’hui tu es adulte, tu es plus solide, alors tu ne tentes pas de te suicider avec une pneumonie, mais tu ne sais pas encore où est ta vie.
C’est pour tout cela que tu as mal à l’épaule. Tu pensais être sur le bon chemin pour réaliser l’amour dans le monde, mais subitement la tâche s’est rappelée à toi comme étant insurmontable au seul Damien. Et tu as l’impression d’être seul pour faire tout ça parce qu’il n’y a personne avec qui communiquer suffisamment pour que ce monde réponde à ton attente. Occuper tout l’espace alors que tu ne peux plus t’approprier en amour les murs de l’univers qui t’entoure. Tu n’as pas renoncé, tu es encore là, bien présent et très actif, mais quelque part tu n’y crois plus totalement. Si tu n’as plus autant d’énergie c’est parce que tu te dis « à quoi bon ? ».
Souvent, symboliquement d’après le « Décodage biologique », les tendinites à l’épaule (mais ce n’est peut-être pas une tendinite, c’est même sûrement autre chose) proviennent du fait qu’on se sent incapable d’assumer certaines responsabilités. Quand la tâche est insurmontable, qu’on ne peut pas assumer, souvent on se fait des tendinites à l’épaule ou quelque chose comme cela. On a « les ailes coupées ». Cela m’est arrivé une fois. Impossible de bouger mon épaule parce que je faisais un travail trop dispersé, tout en urgences, et trop difficile pour moi. Il n’y avait donc pas d’autre solution immédiate que de quitter ce travail. Et mon épaule est alors redevenue normale très vite.
Dans ton cas, vu ton idéal, ta mission est métaphysique et universelle, et donc à peu près irréalisable par une seule personne. Tu n’es pas seul dans ce cas. Et là, pas question de démissionner. Tu es coincé sur la planète. Et évidemment, si on a ce sentiment d’impuissance face au monde à changer, c’est parce qu’on se sent seul responsable de la tâche à accomplir, alors qu’on est des milliards pour le faire et qu’en fait chacun fait ce qu’il peut dans ce sens, même si on ne le sait pas. Et là se trouve le point crucial qu’il faut comprendre pour guérir et qu’on ne répètera jamais assez : si on se croit tout seul responsable, c’est parce qu’on s’identifie à l’ego. C’est normal de s’identifier à l’ego puisque la conscience ne peut être consciente qu’en se limitant. En se donnant une forme. Mais cela ne veut pas dire qu’on soit l’ego. On est la conscience et elle n’a pas spécialement les limites de Damien ou de Frank. Elle a toutes les limites. Elle est identifiée à Damien, elle l’est aussi à Frank et à Tartempion. Et tout le monde. Partout. C’est la même conscience, et donc le même but (voir chroniques précédentes) qui nous anime tous, la même source d’amour qui vibre en chacun de nous. Le Soi. Il est unique. Nous ne sommes pas plusieurs esprits ayant conscience d’un univers mais UN SEUL ESPRIT AYANT CONSCIENCE DE PLUSIEURS UNIVERS. Tous ces univers individuels, c’est la même conscience qui les vit, et c’est l’ensemble que nous SOMMES. Que JE SUIS en tant que JE SUIS. Rien à voir avec Frank qui n’en est qu’une cellule. Et donc il faut laisser cette délégation à chacun, à chaque personnalité qui fait ce qu’elle peut, comme chaque cellule fait ce qu’elle a à faire. Si chaque cellule se disait : « il faut que je fasse vivre Frank, c’est ma responsabilité à moi toute seule », elle démissionnerait. Alors qu’elle est effectivement indispensable à Frank. Mais qu’elle n’est pas seule.
C’est ce que disent les Chrétiens lorsqu’ils s’en remettent à Jésus : « Seigneur, prends ce fardeau, car je n’ai pas les épaules pour le porter ». Si Jésus est venu pour « porter tous les péchés du monde », c’est pour que nous cessions de culpabiliser pour notre impuissance individuelle. C’est collectivement que nous sommes tout-puissants. La « Règle du Nous » comme disait Alain Facélina l’autre jour. Cela dit, ce Christ n’est qu’un symbole que nous contemplons en attendant de Le voir à l’intérieur de nous, puisqu’Il nous invitait à « faire de plus grandes œuvres encore ». Le « Christ solaire » c’est une vision à laquelle nous sommes appelés à nous identifier pour qu’en nous « Il grandisse » et que « notre ego diminue ». Ce qui semble extérieur, il faut le reconnaître intérieur. C’est comme cela qu’on se libère de l’exil de l’incarnation. Il n’y a pas d’autre moyen.
En fait, si malgré les apparences d’une personne très équilibrée et pleine d’assurance, tu n’es pas complètement adulte, c’est normal en fait. Faut pas se juger. Peu de gens sont vraiment adultes avant un âge avancé. Mais je veux dire par là que tu n’es pas encore complètement incarné. Etre incarné, c’est assumer totalement la séparation du monde relatif. C’est ne pas avoir la nostalgie de la fusion dans laquelle on était en tant que mort, et qu’on reste encore quelque temps après être né, favorisé par papa-maman qui servent de coquille à l’œuf.
On s’incarne à reculon quand on veut ramener avec soi dans le monde matériel l’unité et la solidarité qu’on ressent dans le monde subtil. Il est naturel d’être sur Terre pour rendre subtile la matière « grossière » et apporter l’harmonie là où il y avait la division. C’est notre mission. Et la plupart des écologistes ou des spiritualistes sont dans ce cas. Mais même si c’est légitime de vouloir revivre cette unité, ce n’est pas en tentant d’échapper aux conflits ou à la séparation qu’on peut y arriver. C’est au contraire en acceptant pleinement cette division de fait. La relativité, la dualité, c’est la séparation. Il faut s’en réjouir d’abord. La reconnaître. C’est elle qu’il faut aimer. L’unité ne peut pas être aimée. On ne peut faire évoluer les choses que si on les accepte totalement. On ne peut être créateur de son avenir que si on reconnaît son passé comme sa propre création. Si on s’en plaint, si on le pleure, si on le regrette, si on le juge, c’est cuit. Dans ce cas, on ne peut être créateur, on ne s’incarne pas car le vrai « incarné » est un grand créateur dans la vie. Si on ne s’incarne pas, on joue au pur esprit ou au pur amour qui ne touche pas à la « saleté » du monde, et finalement on ne vit pas. Et on n’apporte rien à personne.
Etre adulte c’est ne plus être un enfant, n’est-ce pas ? Si je ne suis plus un enfant c’est que je suis parent. C’est l’un ou l’autre. Dans la Trinité métaphysique, il y a le Père, le Fils, l’Esprit. Le Père est créateur, le Fils est créature, et l’Esprit est le processus qui sépare le Fils du Père (sans « fils », pas de « père »), et qui ensuite fait que le Fils devient le Père (sinon le Fils ne sert à rien). Cette dualité Soi/moi est la dualité magnétique répulsive et attractive. Nous sommes cela. Nous ne sommes ni le Père ni le Fils, nous sommes conscience qui sépare (répulsion créatrice et inconsciente) et amour (attraction rédemptrice et consciente) qui réunit. Mais cela se manifeste concrètement par ce changement d’identification : le Fils est l’ego, le Père est le Soi, et l’Esprit est le passage de l’un à l’autre, la RELATION. Lorsque je suis conscient, c’est que je suis le Fils. A moi de devenir le Père. Je ne peux pas être le Père consciemment effectivement, de façon absolue, mais je m’en rapproche de plus en plus, consciemment je DEVIENS Père. Je ne peux pas être Père-créateur conscient parce que je n’ai conscience qu’une fois que je suis dans la séparation. On ne peut avoir conscience dans l’unité. Il faut donc d’abord avoir créé le Fils pour qu’il y ait conscience, et la conscience, pour cela, s’identifie toujours au Fils, à l’ego. On ressent une nostalgie diffuse d’un « état », « état » inexistant qui est en fait une cause dont on est issu, mais ce n’est pas une conscience créatrice présente. La conscience est dualiste, une fois la création réalisée.
Ainsi, personne n’est conscient de créer son univers, bien que chacun sait qu’il est le créateur de son univers (en tout cas les lecteurs de la Presse Galactique le savent). Chacun est conscient par contre de vouloir « retourner au Père » et de faire tout ce qu’il peut pour cela. Chacun a pour objectif de « réaliser Dieu ». C’est ce que nous faisons tous ensemble, chaque ego étant un instrument de l’infini.
D. : Vivre de la façon dont j’ai envie, c’est donc ne pas chercher à changer ce monde, mais me changer moi-même ? Mais je ne peux pas renoncer à changer le monde.
F. : Le problème n’est pas de renoncer à changer le monde. Le problème est de continuer à agir dans le sens auquel on aspire, manifester l’amour, mais à son niveau, où on peut, sans se comparer aux autres et sans se comparer à un démiurge capable de tout changer à lui tout seul. Donc sans trouver la tâche insurmontable car si je suis le But universel, donc le Soi, je délègue chaque tâche à des ego différents, mais n’ai pas besoin d’en être conscient. Je fais confiance. Il n’y a que le But, donc tout est parfait à chaque instant, et à chaque instant je joue mon rôle.
D. : En m’appuyant sur la dualité, je ne suis pas complice de la dualité ?
F. : Il n’y a qu’en m’appuyant sur cette conscience dualiste que je peux construire une unité réelle, une harmonie. L’unité ne peut que s’appuyer sur la dualité. C’est pour cela qu’il y a la dualité. La refuser c’est refuser d’être créateur, donc refuser d’être le Soi. Donc renoncer à aimer ce qui est le pire de tout. En tant qu’ego, séparé des autres, il est impossible d’aimer vraiment, il n’est possible que de réclamer et recevoir de l’amour. C’est l’enfant en nous. En tant que Soi, c’est l’inverse. Je ne peux qu’aimer. Inconditionnellement. Mais en aucun cas je ne peux recevoir d’amour car je suis la source.
Pour être amour il faut engendrer la dualité. C’est le paradoxe de « Dieu ». Ne pas aimer sa créature c’est ne pas être Soi. Et c’est ne pas s’incarner vraiment.
La solution est toujours d’abord dans la distinction en soi de la créature et du créateur, de l’ego et du Soi. Tant que je confonds et que je reste « moi » tout en voulant changer le monde, je suis impuissant. Si j’y parviens, c’est parce que je cesse d’être « moi » pour devenir « Lui ». Je considère enfin que mon ego est un instrument parmi d’autres au service du But universel que SOI est.
D. : Moi ce qui m’a fait perdre mon énergie c’est que si je n’ai plus cette communication, ce partage, si je suis seul, je n’arrive plus à être motivé pour quelque chose.
F. : Justement, c’est cela devenir adulte : accepter d’être SEUL. Le Créateur est seul. « Dieu » est seul. Est-ce qu’il pleure ? Toutes les expériences importantes de l’existence sont celles qui nous confrontent à la solitude pour qu’on s’y habitue : naître, mourir, être malade, aimer, décider, lutter, créer, tout cela se vit seul, absolument seul, et petit à petit, de vie en vie, on finit par ne plus avoir peur de cette solitude.
D. : Aimer, ça se vit seul ?
F. : Bien sûr, rien ne confronte plus à la solitude que l’amour ! Ca secoue émotionnellement parce que l’ego en nous a besoin d’être aimé, et l’ego n’est pas seul, il n’a aucune raison d’être seul, ce n’est pas bon pour lui, et comme le Soi veut son bonheur, il lui donne des partenaires, et les lui retire de temps en temps pour qu’il comprenne sa dépendance enfantine. L’amour est discontinu. Comme le monde. Comme la vie. C’est le Soi qui est continu : la discontinuité est continue.
A la longue l’amour n’est plus un besoin d’être aimé. C’est d’ailleurs là que les occasions se multiplient, car plus on a besoin de l’autre, plus il fuit, et rien n’est plus attirant que le non-attachement.
Evidemment, plus je deviens ce que je suis, plus je suis seul. Il n’y a qu’un seul « Soi ». Ce n’est pas triste pour lui, il a vocation à être infini. Il ne peut pas y avoir plusieurs infinis. Des infinis « ceci » ou « cela » peut-être, mais ce sont des vues du mental. L’Infini vrai, c’est en toutes dimensions, ce n’est pas « quelque chose », et c’est donc le Néant. Ce n’est pas délimité par des qualités. « Dieu » n’est pas délimité. Il n’est qu’un but et le reste. C’est en cela qu’il est la source d’énergie créatrice de toute chose. Seul le but est créateur. Et quand on n’a plus d’énergie, c’est qu’on a perdu son but.
Il suffit de le retrouver. Et pour le voir, il faut y croire. On voit ce à quoi l’on croit. Et pour croire, il faut que le mental comprenne. Et pour cela il lui faut la Métaphysique. Sinon il se rebelle et met des bâtons dans nos roues spirituelles.
Le problème, c’est quand le but paraît insurmontable à l’ego, alors on y renonce d’avance, et on se réfugie dans le petit enfant. Victime d’un univers hostile. Mais c’est la nature du But d’être insurmontable ! S’il était possible d’atteindre l’infini, d’écrire sur tous les murs de l’univers, cela serait déjà réalisé, depuis le temps ! Par définition le but est inaccessible puisque c’est un but ! S’il était accessible, il serait déjà atteint, ce ne serait pas du tout un but. Or ce qui est effectif, c’est nous, le discontinu, le relatif, l’illusion, pas l’infini. L’évolution vers le But. Donc l’imperfection.
Même Gandhi, un des plus grands humains que la Terre ait portés, bien qu’ayant assumé sa solitude créatrice ô combien, n’a pas changé le monde totalement et définitivement. Mais d’autres feront encore mieux. Toi peut-être.
C’est cela qu’on accepte quand on devient vraiment adulte, ce qui est rarement le cas : la relativité, l’acceptation de jouer un rôle pour les autres, en collaboration avec tous les autres. Car en général, comme l’ego s’approprie les qualités divines, il veut coûte que coûte atteindre lui-même le but, lui tout seul, et pas les autres. Il veut posséder son père et sa mère. Posséder le monde. Paranoïa qui coûte très cher en souffrance aux uns et aux autres et à la planète. Mais Gandhi le disait aussi : « c’est la souffrance de leurs victimes qui fera tomber tous les tyrans ». Le but est une œuvre collective. Chaque ego en constitue une brique et chacun est indispensable. Ce n’est pas facile à accepter tant qu’on croit qu’il n’y a que l’ego et donc qu’on s’y accroche. On a peur de le perdre. C’est là que peut se trouver l’acte de foi : croire en l’inconscient. En notre réalité créatrice inconsciente et universelle qui est bien plus « nous » que notre ego qui est une minuscule partie de nous.
C’est cela la vie que tu veux vivre. Collaborer à un but commun. En ayant la vision que ce but transcende les âges, les siècles et les planètes, et donc sans se soucier du résultat qui est déjà acquis et n’appartient à personne. C’est la seule fusion possible. Il n’y aura jamais de fusion des corps. Jamais d’unité dans la relativité : la seule unité c’est toi qui acceptes la relativité comme étant absolue. L’unité transcende la dualité, dans l’invisible, et ce n’est ni la voir ni la vivre qui est notre réalisation : c’est y croire. Et continuer de vivre le relatif où chacun joue sa petite part, illuminé par cette vision qui donne son sens à toute chose, nonobstant mille échecs et mille déceptions. Sinon la vie ne vaut pas la peine d’être vécue.
Donc la solution est toujours la même : distinguer l’ego et le Soi. Laisser l’ego vivre, tout comme un Père, le Soi, laisse liberté à son fils de grandir en tombant mille fois. Ne pas se prendre pour l’ego, perdu dans un monde d’incompréhension, obligé d’assumer toutes les tâches du monde parce que, intuitivement, on sait que quelque part on est seul et tout-puissant. L’ego n’est ni seul ni tout-puissant, mais comme la conscience s’identifie à lui, et qu’elle est seule et toute-puissante, il y a confusion. La guérison consiste à sortir de cette confusion, et « discriminer » les deux, comme dirait le Swami Vivekânanda. La lumière ne vient-elle pas de la différence de potentiel ?
D. : Je sens déjà mon énergie qui revient. Tu as trouvé l’interrupteur.
F. : La flamme dans tes yeux est redevenue normale.
D. : On m’a souvent pris pour un illuminé. Ou un allumé. Je ne suis pas seul dans ce cas. Je crains que ce ne soit pas fini, à présent.
F. : Si quelqu’un te dit que tu es un allumé, tu fais comme Michel Rheins : tu lui réponds : « et vous, vous êtes allumé aussi ? ». Il répondra bien sûr « non ». « Donc vous êtes éteint. C’est l’un ou l’autre ».
D. : Ah ! Ah ! LOL ! Mais je ne suis probablement pas tout à fait prêt pour assumer d’être un illuminé, je me sentirais trop séparé des autres. Je ne suis pas sûr de pouvoir assumer tout ça.
F. : Mais la communication se fait bien plus dans le subtil que dans le mondain ! « Soyez dans le monde, ne soyez pas DU monde » disait encore notre ami Jésus. Tu n’es pas un illuminé. Tu es un illuminant. Ce n’est donc pas tout ou rien. C’est une progression. Et une joie d’être UN avec l’autre, même si l’autre l’ignore. Donc seul.
De toute façon, si tu étais tout à fait réalisé, que ferais-tu donc là ? Et si tu étais trop loin de cette réalisation, tu ne serais pas là non plus. On est tous à deux doigts de la réalisation. Aime ta dualité. C’est cela l’unité.
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