univers_jeu

alain_frank

Alain & Frank

L’univers est un jeu. Mais y a-t-il un joueur ?

 

 

Alain Facélina :   Alors à quoi on joue ?

Frank Hatem : De quoi tu as envie au départ ?

Alain F. : J’aime bien le mot envie. C’est un mot qui met de la vie. De quoi j’avais envie ? C’est vraiment de l’ordre de l’intuition. Ce n’est pas une envie particulière.  J’avais vraiment l’impression qu’il fallait que je te pose des questions.  Comme l’idée ne me semblait pas du tout inintéressante, je te l’ai suggérée.

Frank H. : C,’est à la suite de quoi que tu as eu envie de me poser des questions ?

Alain F. : Quand j’ai assisté à ta conférence à Paris,  il y a eu des choses qui m’ont fait réagir.  Au-delà du contenu, à certains endroits,  je me suis dit : « Tiens,  je ne suis pas d’accord avec lui ».  C’était une forme de réaction immédiate sur certains points. Et puis juste après, je me suis rendu compte qu’il fallait que je dépasse  ce pour quoi je n’étais pas d’accord. Il y avait effectivement cette magnifique énergie de ton positionnement et le mien pouvait  être différent. Les étoiles ne sont pas proches, elles fusionnent toutes seules.  Il y a une distance, et du coup j’ai trouvé cela très intéressant de voir une étoile de plus près.

Dans ce que tu écris, je retrouvais des choses, des lois d’harmonisation que moi aussi je ressens. Je dis « que je ressens », parce que c’est difficile d’exprimer avec des mots, par rapport à la relation humaine. C’est comme si ce que j’avais ressenti, c’est que nous avions tous deux, à l’intérieur de nous, accès à une espèce de loi d’harmonie, mais avec un regard différent. Comme l’oeil droit et l’oeil gauche servent à mettre du relief, je pense que c’est de là qu’est née intuitivement ma remarque.  En me disant : « peut-être que la rencontre, techniquement, peut nous permettre de dépasser nos propres points de vue individuels pour nous permettre d’accéder encore à autre chose ».

Frank H. : Et comment tu définirais cette différence de regard ?

 

Alain F. : Je ne la définirai pas, parce que dans le mot « définir » il y a le mot « finir ». Je préfère « infini ».

 

Frank H. : Comment « infinirais-tu » cette différence de regard ?

 

Alain F. : Bien joué ! Bonne réaction !

 

J’ai l’impression que, n’étant pas dans ton regard, mais vu de l’extérieur (pour « extérieur » tu mettras tous les guillemets qui vont bien, bien sûr), ton regard est un regard sur les mécanismes fondateurs de notre « multivers », de notre univers. C’est-à-dire que c’est quelque chose comme une espèce de germe. C’est comme si tu avais un regard sur les règles de base.

 

Frank H. : Oui, oui ! Il y a des chances. Mais encore ?

Alain F. : En ce qui me concerne, mon regard est plutôt à l’autre bout.

Frank H. : À l’autre bout du germe ?

Alain F. : Voilà, à l’autre bout du germe,  à l’harmonie résultante, à l’expression, au flamboiement, de ce que le germe exprime à travers les relations, à travers ce qu’est devenu l’humain. C’est comme si toi tu avais, d’un côté,  la relation entre la conscience et la matière de manière très précise, et que moi, je me positionnais plutôt sur cette nouvelle conscience (nouvelle pour moi dans ma perception) qui est la capacité, en train de se mettre en place, d’être à la fois dans une conscience individuelle et une conscience collective.

Frank H. : D’accord ! Moi je suis la graine et toi tu es la fleur.

 

Alain F. : Oui, voilà !

 

Frank H. : Et au bout du compte, tu t’es dit que tu étais d’accord ou pas ? Tu n’es toujours pas d’accord ?

 

Alain F. : La question d’être d’accord ou pas d’accord me semble complètement hors sujet.

C’était une réaction instantanée à telle ou telle formulation, que j’ai d’ailleurs complètement oubliée. Je pense que j’ai vécu ces moments de désaccord pour bien prendre conscience de la justesse de ton positionnement, de ton énergie et de l’expression de ton énergie, pour que je mesure la distance, mais très respectueusement.

 

C’est pour cela que je te dis qu’il n’y a pas de question d’être d’accord ou pas d’accord. Sans compter que l’expression que tu peux avoir dans un contexte, par rapport à l’auditoire qui est là, est peut-être remplie de cadeaux pour les gens, pour telle ou tel, à un instant donné, qui pris hors contexte n’ont pas lieu d’être.

 

Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant l’expression à un instant donné que de voir où est le contenu. Qu’est-ce que tu cherches vraiment à exprimer ? Qui es-tu réellement en tant qu’expression particulière de la vie ?

 

Frank H. : Donc, en fait, le message est secondaire.

 

Alain F. : Oui, tout à fait.

 

Frank H. : En fait, tu t’en fous complètement de ce que je dis. Mais tu as trouvé, quand même, que dans ce que je disais il y avait le germe de cette harmonie présente ou à venir… la cause ou le moyen peut-être. Qu’y avait-il donc là ?

 

Alain F. : Il y a déjà une connaissance ou reconnaissance des mécanismes qui d’habitude nous sont cachés, Acte 1.

 

Acte 2, il y a une tentative courageuse, ô combien, de vouloir partager cette vision.

 

Et en plus, ce qui est étonnant et stupéfiant pour moi, quand je ressors mon côté relationnel, c’est qu’il y a une espèce de lignée qui se manifeste. Quand j’entends ou que je lis, par exemple, le terme « physique hatémienne», je me dis qu’il y a un fils, un père et pourquoi pas un grand-père, un arrière-grand-père.  J’aimerais,bien en savoir plus. Et là, je parle au masculin, car on pourrait parler des mères, des grands-mères, des épouses et des conjointes.

 

Frank H. : Rude travail !

 

Alain F. : Parce que je pense que, dans ta manière de raconter ta famille, tu pourrais aussi « trahir », entre guillemets, non seulement l’origine, mais aussi certains aspects qui peuvent éclairer ton mode d’expression actuelle.

 

Frank H. : De toute façon nos ancêtres, c’est nous !

 

Alain F. : C’est sûr que nous en sommes la meilleure expression actuellement.

 

Frank H. : C’est secondaire… enfin, c’est secondaire, mais je ne serais pas là sinon, j’ai eu un arrière-grand-père ou arrière-arrière-grand-père, je ne sais plus exactement, qui était Grand Rabbin de Jérusalem. C’est-à-dire le pape du judaïsme. On dit que ce sont les mêmes qui reviennent toutes les quatre générations…

 

Alain F. : Tout à fait par hasard…

 

Frank H. : Et c’est vrai qu’il n’est certainement pas pour rien dans mon intérêt pour la Métaphysique. Par ailleurs le grand père était musicien. Comme moi, comme mon père. La musique ne peut être étrangère à la contemplation du Soi.

 

Alain F. : Je ne regrette pas la question, la réponse me semble flamboyante.

 

Frank H. : C’est un fait, j’ai étudié un peu la Kabbale à une époque, parce que j’en avais entendu parler et j’ai lu des commentaires aussi, même des commentaires très reconnus. Je me disais : « mais ils se trompent, ils n’ont rien compris ». Et quand je la lisais, c’était comme si j’avais l’impression de l’avoir écrite. Je me disais « c’est ça que cela veut dire, ce n’est pas ce que ces exégètes, eux croient que cela veut dire » (bien qu’il y a des commentaires remarquables et passionnant). J’étais toujours troublé de ce sentiment. Comme si je prenais un bouquin et que j’avais écrit ce bouquin, pas tout, mais certains trucs, comme si je savais très bien pourquoi je l’avais écrit et qu’ils n’avaient pas compris ce que je voulais dire.

 

Nous sommes nos ancêtres.

 

Mon père est là, si tu veux le voir tu pourras le voir. Rien à voir avec les ancêtres.

 

Alain F. : J’ai des preuves, il existe !

 

Frank H. : Tu n’avais pas de choses à me demander ? Tu n’avais pas envie de me poser des questions ?

 

Alain F. : Déjà, j’ai commencé. Je peux te poser d’autres questions, si tu veux.

 

Frank H. : Moi, je ne sais pas quoi dire. Je préfère répondre.

 

Alain F. : Tu ne sais pas quoi dire ? Ce n’est pas grave, cela va venir.

 

Je vais rebondir sur ce que tu viens de dire par rapport à la kabbale justement. Tu disais « c’est comme si j’avais écrit certains passages ».

 

Frank H. : D’autres personnes ont la même impression. D’ailleurs j’ai des lecteurs qui disent la même chose de mes livre : comme s’ils avaient écrit ceci ou cela. Ou comme si je mettais des mots sur ce qu’ils avaient toujours pensé. Nous sommes Un.

 

Alain F. : La Kabbale est aussi une tentative d’expliquer les règles universelles

 

Frank H. : Ah, complètement ! C’est vraiment le même esprit et dans la même tournure d’esprit. C’est le même genre d’abstraction. Le même genre de désir à la base, le même tempérament, je trouve.

 

Alain F. : La même « nécessité » !

 

Alors ce que j’aimerais bien, justement, puisque tu disais que tu avais l’impression de l’avoir écrite que tu me dises ce que tu voulais dire en écrivant la Kabbale ?

 

Frank H. : Eh bien, c’est très simple. Déjà l’univers est un jeu. Enfin, il faut bien reconnaître que d’un premier abord, la Kabbale dit quand même à la base « l’univers est un jeu » puisque tout est exprimé dans le Tarot. Tout est dans le tarot. Le Tarot est un jeu. C’est la même chose chez les Chinois, d’ailleurs, puisque tout est aussi dans le Yi-King qui est aussi un jeu. C’est sympa, non ?

 

Alain F. : Serais-tu un grand joueur ?

 

Frank H. : Contraint et forcé comme tout le monde.

 

Alain F. : Il y a des gens qui prétendent ne pas aimer jouer.

 

Frank H. : Il y a des moments où l’on est content de jouer. Il y a des moments où l’on prend les choses au sérieux.

 

Moi, je trouve que c’est un truc qui a échappé à tout le monde cela, que la Kabbale dit avant tout « l’univers est un jeu ». Cela ne crève pas les yeux quand on l’aborde avec un esprit de recherche plutôt qu’en étant à l’écoute. Cela paraît très compliqué, très sérieux, très magique, très des tas de choses. D’après Abraham, tout n’est que le déroulement de l’alphabet, tout l’univers n’est qu’une écriture. Cette Loi a été exprimée par le Sefer Yetsirah qui est incompréhensible pour tout le monde. Ce Sefer Yetsirah paraît la chose la plus inaccessible et absconse de la kabbale, et pourtant tout le monde l’étudie. Mais en fait c’est la forme qui compte. Les lettres. A partir du IOD. C’est la Création.

 

C’est la même chose dans le Coran, d’ailleurs. Chez les musulmans, l’écriture est Dieu. Ce n’est pas le résultat de Dieu. Ce n’est pas Dieu qui a écrit les écritures. C’est les écritures qui SONT Dieu. Et le Qalâm, qui est le stylet qui permet d’écrire, c’est le Saint-Esprit lui-même. Ce n’est pas un instrument de Dieu. Et dans la Kabbale, c’est exactement pareil. L’alphabet est le déroulement de la pensée de Dieu, de la création. C’est les étapes de la création. Et le fait d’avoir créé un jeu de cartes avec chacune de ses lettres permet d’en tirer tout. Il n’y a rien de figé à l’avance. Cela rend le joueur responsable de l’univers. Et cela m’a toujours sauté aux yeux. Cela m’a tout de suite sauté aux yeux. Ce n’est pas l’avis de tous les kabbalistes, je pense. Mais en fait, tout cela veut dire qu’il n’y a pas « Dieu ». Il n’y a que l’œuvre divine. Et quelque part, c’est aussi ce que je dis.

 

Alain F. : Quelles sont, dans ces règles du jeu, celles qui te semblent premières, les plus structurantes ?

 

Frank H. : Les premières règles du jeu ? Je ne sais pas s’il faut savoir qu’on joue, ou s’il faut surtout ne pas le savoir. Mais ce n’est pas cela qui est structurant. J’ai écrit en 1990 un livre qui s’appelle « La Règle du Je ». Tu n’as jamais vu mes bouquins en fait ?

 

Alain F. : Non.

 

Frank H. : Je vais t’en offrir un. Ça va t’inspirer plein de choses. Ce qui est le plus structurant dans la « Règle du Je », c’est sans doute comme dans tout jeu, le but à atteindre. L’enjeu. En général, quand on joue, on sait quel est l’enjeu ; quel est le but, la médaille, le trophée, que l’on gagne à la fin quand on a fait le jeu comme il faut. Le problème avec l’univers que nous jouons, c’est que nous sommes inconscient du but. Comme un footballeur qui enverrait la balle n’importe où faute d’avoir remarqué qu’il y a une cage de but avec un gardien du seuil.

 

Et donc on ne sait pas où on va, on ne sait pas ce qui est bien et mal, on va même jusquà démissionner de la vie en se disant qu’elle ne sert à rien, et crever le ballon. Simplement parce qu’on n’a pas appris la Règle.

 

Alain F. : Ah ! Alors quel est le Prix ? Qu’est-ce qu’on gagne ?

 

Frank H. : Dans l’univers, en joue surtout en ne sachant pas ce que l’on veut gagner, mais on joue quand même. Et du fait qu’on ne sait pas ce que l’on veut gagner, on ne sait pas qu’on joue, il n’y a donc pas de joie. Pas de petites victoires à chaque instant. Mon père dit : « le monde est merveilleux à condition de le comprendre ». Sinon cela peut très facilement être l’angoisse. Comprendre le but du jeu c’est peut-être déjà avoir gagné. En tout cas ce que l’on gagne concrètement  c’est des frères, alors qu’on croyait avoir des adversaires. C’est s’apercevoir que sans l’autre on n’est rien. C’est découvrir que l’autre c’est soi. Et ce qu’on gagne, c’est qu’on est « l’orchestrateur du lien », grosso modo, comme tu dis dans tes écrits. « L’orchestrateur du lien » : selon que je sais ou pas où je vais, je sais ou pas que je suis responsable de la relation qui est la mienne avec les autres et avec le monde.  C’est-à-dire, je croyais être le joueur, en réalité je suis le jeu. Ce n’est pas du tout la même chose. C’est-à-dire, je croyais être quelqu’un qui a une relation avec les autres, en réalité je suis la relation elle-même. Et je ne suis pas quelqu’un.

 

Alain F. : Bien joué !

 

Frank H. : Je ne sais pas si c’est exactement ce que tu veux dire, mais il y a de ça. En tout cas c’est aussi ce que veut dire Abraham à mon avis.

 

Alain F. : C’est bien. Cela me va parfaitement !

 

Frank H. : Je vais te chercher le bouquin…

 

C’est ce petit bouquin : la règle du « je » que beaucoup de gens achètent en fait parce qu’ils le trouvent le plus facile, le plus sympa, le plus pratique, le plus concret aussi, sans doute. Et dedans, il y a une page… à ce sujet. Je ne sais pas du tout où elle est, parce que je ne me rappelle jamais de ce que j’écris dans mes livres. Tu vas trouver, je ne sais pas du tout où c’est. Je ne les ouvre jamais mes livres. C’est sûrement quelque part quand même. Je t’en fais cadeau. Tu pourras t’amuser avec.

 

Alain F. : Eh bien, écoute, j’en serai  très honoré. Je vais apprendre à jouer.

 

Frank H. : Ah, je pense que tu n’as pas grand-chose à apprendre de ce côté-là.

Ah, le voilou.

 

Alain F. : Alors :

 

La règle du « je »

 

article 1 : Il est obligatoire de jouer.

 

article 2 : Ceux qui refusent de jouer ne sont pas éliminés : ils jouent quand même, mais ne le savent pas.

 

article 3 : Le but du jeu est de cesser de jouer. Ceux qui ne voulaient pas jouer s’en apercevront bientôt et verront que leur seul recours et de jouer.

 

article 4 : Il n’y a pas d’enjeu au jeu. Il n’y a pas non plus de gagnant, car on n’a rien de plus avant ni après. D’ailleurs, personne ne peut gagner, car le but du jeu est inaccessible : il est déjà atteint par le simple fait de jouer. Vous jouez donc pour obtenir un résultat déjà acquis de toute éternité grâce à ce jeu obligatoire. Ceux qui joueront le plus et le plus vite seront ceux qui se rapprocheront le plus du but‑non‑jeu.

 

article 5 : la forme du jeu est sans objet. Peu importe le rôle, l’essentiel d’en jouer un dans un univers permettant de le mettre en scène. Tous les rôles devront être joués en fin de compte. Il convient néanmoins de s’en réjouir. Ce n’est que dans la mesure où l’on se réjouit de jouer un rôle que l’on peut passer au suivant et se rapprocher du but‑non‑jeu.

 

article 6 : Un joueur qui, pour raison ou pour une autre, ne se réjouirait pas du rôle qu’il joue souffrira tout au long du jeu. Il sera donc amené à se réjouir à un moment ou à un autre, même si sa résistance au jeu  est très grande.

 

article 7 : Le nombre de joueurs est indéfini. Chaque joueur joue pour son propre compte en utilisant exclusivement les armes que lui fournissent ses adversaires. Pour mener un rôle à bien, il convient de donner aux autres joueurs tous les moyens d’accomplir leur propre rôle. C’est ainsi que la preuve est faite par le joueur qu’il est heureux de jouer son rôle de permettre aux autres de jouer le leur. Lorsque tous les autres joueurs ont abouti à la joie dans leur rôle. Le joueur a un point et peut passer à un autre rôle. Mais ce n’est pas demain la veille.

 

article 8 : Le joueur accumule des points de façon indéfinie. À aucun moment, il ne compare ses gains à ceux de ses adversaires. Il ne saura qu’il a gagné que s’il cesse de jouer, ce qui est impossible.

 

article 9 : Au commencement du jeu, le joueur ne choisit pas un rôle. En fait, son rôle est déjà choisi lorsqu’il entre sur la scène. Il peut protester, dans ce cas, il retarde sa joie et donc son changement de rôle. S’il ne proteste pas, c’est qu’il a compris qu’avant d’entrer dans le jeu, il y était déjà. Les protestations donnent lieu à des gages : on tire une catastrophe au hasard, et l’on ne peut reprendre le cours du jeu que lorsque l’on l’a assumé, c’est-à-dire qu’on a reconnu qu’on ne l’avait pas tiré au hasard, mais qu’elle correspond exactement à la nature de la protestation antérieure. Sinon, tant qu’on ne l’a pas assumée, on retombe dans la même catastrophe.

 

article 10 : La preuve du rôle à jouer est l’univers dans lequel le joueur se trouve à son entrée en scène. C’est en regardant son univers que le joueur découvre son rôle… mais ne le verra que s’il a compris qu’il en a un. Cet univers change chaque fois que le joueur accepte le fait que cet univers  correspond très exactement au rôle qu’il avait à jouer, et qui lui a permis d’aider les autres joueurs à réaliser le leur. Un nouvel univers apparaît donc à chaque assomption de rôle, et le joueur prend un autre costume.

 

article 11 : À force de se réaliser ainsi, le joueur comprend qu’il n’est pas le héros auquel il s’identifiait, mais l’auteur qui crée simultanément le héros et l’univers correspondant. Il cesse donc de jouer le héros et prend la place de l’auteur. Cela l’oblige à assumer les rôles de tous ses anciens adversaires à la fois qui sont tous issus du même auteur.

 

article 12 : Il commence donc un nouveau jeu : désormais, il ne peut qu’aider les joueurs à gagner des points, par tous moyens. Mais il se heurte vite au fait que les joueurs, étant convaincu que l’univers dans lequel ils sont en scène, est indépendant d’eux et indifférent, et donc nient leur qualité d’auteur et l’existence même de cette fonction.

 

article 13 : Pour gagner la partie, il faut que tous les joueurs se reconnaissent auteur unique. Pour atteindre ce résultat, je me mets de plus en plus dans la peau de chaque personnage individuellement. De plus en plus présent partout, je m’aperçois que je suis en train de jouer et que finalement, c’était déjà ce que je faisais avant de comprendre que j’étais l’auteur. À quoi donc a bien pu servir que j’aie conscience de mon univers, puis conscience de ma conscience d’univers, puis peut‑être un jour conscience de conscience de conscience…

 

C’est sans doute la règle du jeu.

 

Stupéfiant !

Très bien vu !

Très bien joué !

 

Frank H. : Arrête. Je ne m’en rappelais pas du tout. C’est bien que tu me l’aies relu. Je le découvre.

 

Alain F. : Si si, c’est très très bien vu. Eh bien, cela va m’amener à la question suivante. Une question dont je n’ai pas la réponse dont tu n’as peut-être pas la réponse, mais que l’on peut, peut-être, faire progresser. Dans ma vision d’harmonie, j’ai une harmonisation entre mes joueurs, chacun dans son univers. Mais, techniquement, comment l’univers est-il conçu pour pouvoir accueillir, mettre en place, créer autant de décors, autant d’acteurs, cette infinité d’acteurs et de situations qui est nécessaire pour que chacun puisse exprimer son propre univers ?

 

Frank H. : Quel est le problème ?

 

Alain F. : Comment, d’après toi, tout ceci est-il mis en musique ?

 

Frank H. : Puisque toi tu as ton propre univers, et que tout ce que tu crées, c’est  ta perception de ton propre univers, tout ce dont tu as conscience est le résultat de ce que tu crées, d’une manière ou d’une autre. C’est vrai pour chacun d’entre nous. Donc, on va se retrouver avec des « dimensions ». J’appelle « dimension » chacun de nos univers. Parce que chacun est un niveau de conscience, dans une infinité de sphères concentriques, pas un être juxtaposé aux autres.

 

Alain F. : Il n’empêche que l’ensemble de ces dimensions cohabite. J’aurais presque envie de dire dans le temps et l’espace, et pour cause, ce ne sont pas les bonnes dimensions. D’après toi, comment se fait cette cohabitation ? Mécaniquement, si je puis dire ?

 

Frank H. : Mais, il n’y a pas de cohabitation en réalité, il y a une recherche continue. Il n’y a jamais d’univers, il y a une recherche continue : I’univers. C’est toujours un potentiel. Et l’on ne peut jamais figer les choses en disant voilà, à un moment donné, les choses correspondent, les choses sont en place, il y a tout ce qu’il faut, etc., et comment s’est agencé. C’est toujours en recherche de cet agencement. Un équilibre jamais atteint dans notre vécu, mais toujours atteint dans l’Absolu du Présent.

 

Alain F. : Donc, c’est une fluidité.

 

Frank H. : Oui, il y a toujours de nouveaux acteurs qui vont apparaître et l’univers change tout le temps. On cherche l’agencement parfait, mais il n’y en a pas. C’est toujours une évolution. C’est pour ça que cela ne se passe pas dans l’espace et dans le temps. C’est une création permanente. Simplement parce qu’il y a l’intention de cette harmonie, et ça reste une intention. Et donc, tout bouge tout le temps pour se rapprocher de cette harmonie. Mais à aucun moment, on ne peut dire « voilà, je regarde les choses, elles sont figées, elles sont parfaites et tout est bien organisé ». Si on fige les choses, il n’y a rien. Il n’y a quelque chose que dans la mesure où c’est une recherche.

Alain F. : C’est sûr que l’oiseau que tu attrapes, il ne vole plus.

 

Frank H. : C’est vrai. Tu dis : « ce n’est pas un oiseau, il ne vole pas, je croyais que c’était un oiseau ». Mais cela ne répond pas à ta question ? Je ne sais pas ?

 

Alain F. : Eh bien non, cela ne répond pas à ma question, parce que ma question était plutôt d’un autre ordre. En fait, elle est plutôt de l’ordre du régisseur. Dans le sens, où ce que nous percevons est l’émergence, de manière très fluidique, de ce que tous les auteurs créent. Mais comment est-ce possible que je puisse être aussi efficace comme auteur ? Tout en te laissant, toi aussi, être efficace comme auteur, puisqu’à la limite on peut bien avoir des créations qui sont contradictoires.

 

Frank H. : Ben non !

 

Alain F. : Et bien, c’est justement cela qui m’intéresse. C’est d’aller au creux du « ben non ! ». Pourquoi « ben non ! ».

 

Frank H. : Pourquoi, mais parce qu’il y a un seul créateur. Ce n’est pas chacun qui est Créateur. Chacun est une création, une créature. Si on dit « chacun », cela veut dire que c’est de la personne dont on parle. Le Créateur c’est Soi. Le Soi n’est pas la créature. Le Soi est le créateur de la créature. Le Soi crée toutes les créatures comme il peut, elles changent tout le temps. Et chacun est le Soi qui prend une forme différente.

 

Il n’y a pas de mise en musique, c’est chacun qui cherche son équilibre. Et les choses se font bien parce que « chacun » est le produit d’un but unique qui a besoin de chacun. C’est le même Soi qui nous anime tous, qui dit « je suis » en chacun de nous, qui aime, en chacun de nous, et cela a besoin de toutes les façons d’aller tu but.

 

Alain F. : C’est en ce sens-là que la créature est à l’image de Dieu, c’est-à-dire le reflet. Je veux dire par là que quand tu as un créateur face un miroir, si tu casses le miroir, tu peux avoir plein de morceaux de miroir. Mais dans chaque morceau de miroir,  tu vas avoir un reflet complet. Tu vas avoir le même reflet. C’est une vision holographique en fait. Chaque petit bout de miroir contient l’image complète de la totalité.

 

Frank H. : C’est super, comme façon d’imager ça !

 

Alain F. : Et d’ailleurs, le miroir est utile pour le Créateur. Tu as besoin d’un miroir. Moi aussi, si par exemple je me rase, ou si je me maquille. Cela ne m’arrive pas souvent, mais cela peut arriver à la gent féminine, plus généralement. Le miroir permet de prendre conscience.

 

Frank H. : Oui, c’est vrai, il y en a qui se rasent. Tant qu’ils ne rasent pas les lecteurs…

 

Alain F. : J’ai besoin aussi du miroir.

 

Frank H. : En tout cas, la personne a tendance à s’approprier le Créateur. Et le Créateur a tendance à s’identifier à la créature. C’est normal que le Créateur passe par une personne, qu’il soit tout un univers personnel et qu’il n’en connaisse pas d’autre. Personne ne connaît un autre univers que le sien. Mais c’est toujours le même qui, en chacun d’entre nous, crée son univers. Une fois que le Créateur s’identifie à la créature, il ne peut pas faire autrement de toute façon, la créature s’imagine qu’elle est le Créateur. Alors que ce n’est pas la créature qui est le Créateur. Il y a une double source d’erreur comme ça et nous passons notre temps à essayer d’en sortir. Essayer pour la créature de se reconnaître Créateur, mais pas en tant que créature. Mais il faut bien distinguer la créature et le Créateur. Ce n’est pas Frank qui est le Créateur. Frank est une créature. Mais il n’empêche que le Créateur, s’il n’a pas Frank, il n’est pas créateur. Parce qu’un créateur qui ne crée pas, ce n’est pas un créateur. Il faut bien des créatures. Et Frank a tendance à se dire : « le Créateur c’est moi ». Alors que Frank, c’est des limites parmi une infinité d’autres limites. Donc, il ne peut pas non plus dire ça.

 

Alain F. : Mais il peut dire qu’il est une expression du Créateur.

 

Frank H. : Frank est une expression du Créateur, oui. C’est l’un des innombrables univers nécessaires. Mais la question ne se pose pas de savoir comment moi je peux faire pour que l’univers des autres soit en harmonie avec le mien. Ils sont forcément en harmonie, puisqu’ils sont créés en même temps par le même, pour être complémentaires, justement. Ils ne peuvent pas être identiques. Ils ne peuvent pas se catapulter. Ils ne peuvent pas se chevaucher. Ils ne peuvent pas être identiques, mais ils ne peuvent pas non plus être contradictoires. Ils sont tous des morceaux du miroir.  Si tu reconstitues le miroir avec le puzzle, tu ne vas pas avoir l’impression qu’il y a des morceaux qui ne sont pas les bons, qui ne sont pas à leur place. Tous les morceaux sont forcément à leur place, et c’est reconnaître cela qui est le trophée qu’on reçoit à la fin du jeu. Car cela apaise. Il n’y a plus de conflit. Chacun joue son rôle, chacun est nécessaire à l’autre. On est un concert symphonique où la trompette cesse d’être jalouse du violon.

 

Alain F. : Tous les morceaux sont à leur place, jusqu’au dernier.

 

Frank H. : Oui, il n’y a pas un morceau de trop, ou un morceau qui n’a pas la bonne forme, parce qu’ils sont créés par le même. C’est vrai ça !

 

Alain F. : Alors, puisqu’on a un miroir reconstitué, je vais essayer d’aller à l’autre bout, parce qu’il y a une question qui m’est venue, par rapport à la manière dont tu parles du Néant. Le Néant prend une place importante dans tes enseignements, dans ce que tu écris. Est-ce que tu peux me l’expliquer simplement ? Quelle est ta vision du Néant ?

 

Frank H. : La meilleure façon de l’exprimer, c’est de se taire ?

 

Alain F. : Merci !

 

Frank H. : Non, il faut en parler. C’est le concept le plus important. Pour moi, c’est vraiment la chose importante, la chose décisive. Mais est-ce qu’on n’a pas déjà commencé de répondre en disant que l’univers est un jeu, et que seul le jeu est « Dieu » ? S’il n’y a pas « Dieu », qu’y a-t-il ?

 

Alain F. : Donc, la question est intéressante.

 

Frank H. : Oui, et nos lecteurs attendront donc la semaine prochaine. J’en profite pour indiquer que je me suis trompé la semaine dans les dates. Le séminaire en Seine et Marne sur la cause des peurs, la gestion des peurs, la pensée créatrice, la libération par rapport au passé, la déculpabilisation et l’inscription dans l’instant présent, c’est DIMANCHE 16 JUIN. Je m’étais trompé dans la date.

 

À suivre…