sur-le-fil-du-temps

par Alain Degoumois

Assise sur un banc public, à l’ombre d’un tilleul, Sophia regarde les passants qui s’affairent. Son regard est étrangement absent. Depuis qu’elle a perdu son job, elle a dû profondément remettre sa vie en question. Lorsque l’on sort du train-train quotidien, on prend du recul et on voit plus clairement les choses.

En quelques mois elle s’est vite rendue compte que la société est entrain d’amorcer un tournant radical, qu’elle est profondément secouée dans ses fondements.

Afin de mieux comprendre, elle s’est renseignée, a parfois abordé des lectures improbables. De fil en aiguille, elle s’est finalement forgée une opinion.

Elle a lu des histoires étranges sur une soi-disant transition, des complots, sur des gens qui attendent d’être sauvé par des soucoupes volantes. Mais elle a trié sur le volet ce qui lui semblait le plus cohérent. Elle a donc retenu ce qu’elle considère comme essentiel et applicable dans le quotidien…

Au même moment, elle entend des pneus crisser. Perdue dans ses pensées, elle tourne la tête. Elle observe un conducteur fou de rage descendre de son véhicule 4×4 et arroser d’insulte un passant apparemment très étonné. Le passant ne répond pas. Le conducteur hurle et s’épuise d’insultes, pour finalement retourner à son véhicule et redémarrer en trombe sur la chaussée.

La passant est resté calme, il n’a pas répondu aux insultes. Il continue son chemin comme si de rien n’était.

Sophia est en admiration. Le silence de cette personne a suffit à désamorcer un conflit possible… Et là, on est bien dans le concret !

Le passant s’avance. Arrivé à sa hauteur, elle lui lance joyeusement:

– Et bien monsieur, pour être aussi calme, vous devez pratiquer la méditation à haute dose !

Le passant sourit, ses yeux reflètent la sérénité.

– Dites-moi votre secret !

Le passant reste silencieux quelques secondes. Il regarde le ciel, puis le visage de Sophia, et répond :

– Les gens aiment bien les secrets, n’est-ce pas ?

– Oui ça fait rêver et donne de l’espoir aux gens, non ?

Le passant regarde à nouveau le ciel.

– Oui de l’espoir. Nous avons besoin d’espoir, comme nous avons tous besoin de quelqu’un qui nous aime et de quelque chose à faire. Si notre vie répond à ses deux impératif, tout devient possible.

La conversation prenait une tournure inattendue. Sophia ressentait des picotement tout le long de sa colonne vertébrale, signe que quelque chose se passait…

– Je vais être honnête avec vous. Je n’ai pas à juger, mais regardez les gens autours de vous. Ils sont tous affairés et ne portent aucune attention sur le monde. Ils sont occupés et ne prennent pas le temps. Ils ne font que passer, l’esprit ailleurs. Ils donnent l’impression d’être absents et ressemblent plus à des automates qu’à des êtres vivants.

– Oui effectivement. Vous voulez connaître le fond de ma pensée ? Nous avons deux identités en chacun de nous. Une identité sociale et une identité que l’on pourrait qualifier de spirituelle.

– Ou là ! Deux identités vous dites ? Cela ne relèverait-il pas plutôt de la schizophrénie ? (…)

Retrouvez les Chroniques de Alain Degoumois sur la Presse Galactique

[widgets_on_pages id= »COPYRIGHT »]