par Frank Hatem
Bételgeuse : Bonjour Frank. On vient de revoir le film Matrix, qui a marqué une génération. Il est d’ailleurs sorti il y a une vingtaine d’années et on le considère toujours comme un tournant dans l’initiation populaire. On a souvent fait le lien entre le message (les messages) du film et la Métaphysique telle qu’enseignée dans le livres des Éditions Ganymède. Beaucoup se demandent si ces deux enseignements vont bien dans le même sens et si le film peut être considéré comme une expression (involontaire) des livres. Un peu comme certains films de Luc Besson dont on m’a dit que le scénariste Moebius s’est souvent inspiré de vos ouvrages dont il est fan.
Frank Hatem : Les scénaristes de Matrix sont très préoccupés par la notion d’illusion, c’est clair. Leurs films sont une façon d’exprimer le conflit que nous vivons tous entre l’intuition que tout est dans l’esprit et le besoin de se raccrocher à la matière et au Réel. En fait, on en parle souvent dans nos livres, notre nature est partagée entre le choix de l’ego et le choix du Soi, de notre essence, qui nous pousse toujours à nous dépasser alors que l’ego sert à conserver les choses. L’art très souvent exprime l’inconfort de ce choix, et c’est bien normal. Peut-être est-il fait pour cela.
Bételgeuse : Et donc cette bagarre stressante et incessante que décrit ces films, c’est notre combat intérieur ?
Frank Hatem : Notre combat intérieur consiste à donner le pouvoir à la conservation de notre ego, à tout ce qui le rassure et le satisfait, ou au contraire à considérer notre ego comme l’instrument d’un but qui le dépasse et l’utilise comme un outil qui n’est là que pour servir, pas pour SE servir, ni pour récolter les fruits. L’ego n’est pas comptable des résultats, il n’est pas non plus celui qui détermine les objectifs. Comme on dit dans le film : « tu n’es pas ici pour faire ce choix, tu l’as déjà fait. Tu es ici pour comprendre pourquoi tu l’as fait ».
Bételgeuse : Choisi avant de naître donc. Quand on était dans le monde réel ?
Frank Hatem : Avant de naître, c’est déjà nous. Et c’est déjà aussi le monde de l’illusion. Il ne faut pas comparer le monde que nous vivons à l’état de veille et ceux que nous vivons dans d’autres états de conscience. Tout ce qui est contenu dans la conscience est illusion. Ce qui n’est pas illusion, ce sont nos réactions, nos intentions, nos sensations. C’est tout cela qui détermine nos besoins spirituels et donc le monde que nous nous apprêtons à vivre. Cela se fait en permanence. La création est perpétuelle. On ne crée pas le monde une fois pour toutes en fonction d’un besoin du moment. On le crée à chaque instant de par nos attitudes spirituelles qui se manifestent par des réactions, des sentiments, des intentions. C’est cela qui définit notre état spirituel du moment, et c’est cela qui détermine donc le monde que nous devons expérimenter, les expériences de vie par lesquelles nous devons passer. Quand elles se présentent, ce n’est plus le moment de les choisir. On les a choisies de par nos attitudes passées, sans le savoir. Car on ne peut connaître les conséquences « karmiques » de nos actions. L’univers que nous vivons alors, les situations que nous vivons, sont des résultats. Ils sont de l’ordre de l’illusion matérielle. Et donc, en eux-mêmes, ils n’ont strictement aucune espèce d’influence sur notre destin. Rien de ce que nous percevons n’a de pouvoir sur notre vie. Le seul qui ait ce pouvoir, c’est soi, en fonction des choix que l’on fait par rapport à ces illusions. Et cette toute-puissance qui est la-nôtre est bien le message le plus juste du film Matrix.
Bételgeuse : Autrement dit, le monde n’a pas d’influence sur nous, c’est nous qui avons toute influence sur le monde.
Frank Hatem : Tout à fait, mais jamais au moment où on perçoit ces événements. Ce n’est pas sur les événements qu’on a un pouvoir, c’est sur notre futur. Sur les événements que nous ne percevons pas encore et qui sont libres, qui ne sont écrits nulle part, mais qui existent potentiellement comme tous les autres. Nos réactions présentes face aux situations illusoires que nous vivons déterminent ce futur qui, évidemment, n’est pas encore perceptible, mais qui se manifestera à la place de toutes les autres possibilités. Par et seulement par notre pouvoir de décider nos attitudes du moment.
Bételgeuse : En fait nous sommes tout-puissants mais nous ne pouvons rien changer au monde.
Frank Hatem : Il n’y a pas de monde, et il n’y a rien à changer. Nous sommes simplement tout-puissants, car nous déterminons le monde que nous allons vivre, l’illusion qui remplacera celle que je vis en ce moment. Mais il est tout à fait inutile et vain de s’imaginer qu’on va changer quelque chose à l’illusion définie maintenant. Cette volonté d’action sur la matière est la négation de notre toute-puissance, puisqu’elle suppose que nous donnions de l’importance à la matière. Donc nous remettons notre pouvoir à ce qui n’en a pas : du passé, des formes, des apparences.
Bételgeuse : Mais comment peut-on agir sur autre chose que sur la matière ?
Frank Hatem : Agir sur l’illusion est illusoire puisqu’il n’y a rien. Ce qui compte c’est créer autre chose. Un monde différent la prochaine fois. Une illusion où la souffrance recule et où la joie augmente. Mais je ne perçois que le résultat de mes attitudes passées, et donc il est hors de question de le changer. À moi à présent de me sentir libre de créer tout autre chose.
Bételgeuse : Créer quoi ?
Frank Hatem : Encore une fois, je n’ai pas à décider ce que je vais créer, et je ne le peux pas de façon systématique. La seule chose sur laquelle j’ai prise DANS LE PRÉSENT, c’est mon attitude spirituelle : est-ce que j’ai peur ou pas, est-ce que j’ai envie ou pas, est-ce que je suis jaloux, ou en colère, ou reconnaissant etc. Ce sont ces réactions, et uniquement ces réactions qui sont créatrices de mon futur. Ensuite, quel sera ce futur, je ne peux le savoir à l’avance. La seule chose dont je puisse être sûr, c’est qu’il sera conforme à mes besoins spirituels exprimés par ces réactions passées, c’est-à-dire que les expériences que je vais vivre seront forcément les bonnes.
Bételgeuse : Agréables ou pas ? Même les plus dramatiques ?
Frank Hatem : Aucune importance. L’ego est là pour expérimenter ces choses, il ne peut les changer. Il peut en souffrir ou s’en réjouir, accepter ou rejeter, comprendre ou refuser de voir. Mais ce qu’il vit est forcément ce dont il a besoin à un moment donné, AFIN DE SE POSITIONNER SPIRITUELLEMENT.
Bételgeuse : Libre à lui de choisir comment il réagit.
Frank Hatem : Oui : le libre-arbitre n’est que là, il n’y en a pas d’autre. L’ego n’a pas à choisir ce qu’il vit, il a à choisir ses réactions à ce qu’il vit, et par rapport à cela il est totalement libre. Rien ne m’oblige à être triste ou joyeux. Rien. Ce n’est qu’une question de compréhension, et à force d’avoir les mauvaises attitudes qui engendrent les pires déboires, je finis par comprendre comment réagir avec sagesse. Question de temps en général.
Bételgeuse : Ce n’est pas ce que dit le film.
Frank Hatem : Pas vraiment. Le film dit néanmoins que c’est moi qui donne ou pas du pouvoir aux choses et aux situations qui entourent mon ego, et en cela il a raison. « Libérer son esprit » c’est le libérer de cette croyance que l’on est dépendant de ce que nous vivons, qui est notre création indirecte. Nous le créons par besoin spirituel. Si je change mes besoins, avec moins de peur, plus de gratitude par exemple, mes besoins spirituels sont différents, et je m’oriente donc vers une autre « réalité ». Ce que je croyais être la « réalité » ne peut plus rien contre moi, je la change.
Et vous, comment vous avez ressenti ce film ?
Bételgeuse : Je le trouve stressant et il me laisse un sentiment d’impuissance : je ne sais pas comment aller dans le monde réel et échapper à la « matrice ».
Frank Hatem : À mon sens, le film induit en erreur en faisant croire qu’il existe un monde réel.
Bételgeuse : Mais vous disiez que ce monde est illusion…
Frank Hatem : Bien sûr, ce n’est pas un scoop, tous les grands sages l’ont reconnu depuis des millénaires. Mais cela ne veut pas dire qu’il y ait un monde réel. En fait il n’y en a pas. Et c’est un peu pourquoi ce film nous induit en erreur.
Bételgeuse : Comment peut-il n’y avoir pas de monde réel ?
Frank Hatem : Parce que tout monde est un monde perçu par la conscience, dans la conscience, quel qu’il soit. Le monde où nous ne sommes pas encore nés, ou déjà morts, n’est pas plus réel que celui-ci. Lorsque nous rêvons le monde nous paraît réel, celui-ci aussi, mais aucun des deux ne l’est. Ce sont des illusions différentes.
Bételgeuse : En quelque sorte, nous voulons échapper au monde de la « matrice » pour n’aller nulle part ? Mais dans le film on a vraiment l’impression qu’il y a un autre monde.
Frank Hatem : Réfléchissez : vous avez déjà lu dans nos articles ou dans nos livres comment naît la conscience à partir du néant à chaque instant, comment et pourquoi l’esprit se donne une forme atomique et planétaire, engendre l’univers. Si vous avez bien étudié la question, vous avez compris qu’il ne peut y avoir de conscience infinie. Le processus de conscience est une limitation, et cette limitation est un univers. Il ne peut rien y avoir qui ne soit « délimité », fini, et par suite apparent puisque la contrepartie de ces limitations c’est précisément la conscience elle-même.
Bételgeuse : La conscience est toujours la conscience d’un univers ?
Frank Hatem : Évidemment, on a conscience uniquement parce qu’on ne peut être infini. L’infini est impossible. Il n’est qu’une virtualité. Et s’il y a limitation, alors il y a conscience qui confronte ce qu’on peut être et ce qu’on n’est pas encore. Moi et l’univers. Soi et l’infini.
Bételgeuse : Ah oui, je comprends : donc il ne peut y avoir de monde infini, d’esprit infini, car pour qu’il y ait monde, il faut qu’il y ait conscience et pour qu’il y ait conscience il faut qu’il y ait monde. Et donc tout monde, quel qu’il soit, est illusoire. C’est cela ? S’il y avait un monde « réel » comme on dit dans le film, il serait une autre illusion.
Frank Hatem : Bravo, vous avez tout compris. Le monde est illusion, mais il n’y a pas de monde réel. Tout est illusion. L’illusion est la seule réalité.
Bételgeuse : C’est désespérant ! Comment voulez-vous avoir envie de vivre dans ces conditions ?
Frank Hatem : C’est le contraire. Le film est un peu désespérant, car il compare un monde illusoire à un monde réel, et décrit la lutte entre les deux, pour que l’un vive et que l’autre meure. Ce qui est absurde. Mais lorsque vous avez compris qu’il n’y a pas deux mondes mais un seul, que le monde de la « matrice », en quelque sorte, est votre seul terrain de jeu et que c’est lui qui contient tous les défis que votre évolution spirituelle a besoin de relever, vous n’avez plus d’hésitation. Vous ne cherchez plus à échapper à la vie. Vous considérez ce monde comme l’occasion de manifester vos choix et vos décisions, de faire grandir votre liberté, en cessant petit à petit de croire à une réalité qui s’imposerait à vous, mais en haussant perpétuellement le niveau vibratoire de vos réactions par rapport au monde. Se sentir de plus en plus libre de l’attitude que je manifeste face à ce qui n’est que prétexte, décor pour voir où j’en suis dans mon évolution. Et ces attitudes, selon qu’elles manifestent plus ou moins de ma liberté, me limitent plus ou moins, et donc délimitent mon univers futur de telle ou telle façon. En fait, c’est moi le vrai créateur de ce monde. C’est moi le décideur de la « matrice ». Il n’y a personne d’autre. Telle qu’elle est dans le moment n’est pas le problème, la question c’est : quel degré de liberté vais-je à présent manifester pour engendrer une meilleure matrice ? Quel niveau d’AMOUR, en fait. Manifester plus d’amour quand le monde est méchant, c’est cela le défi. Donc, je ne peux que remercier ce monde même s’il est méchant, puisque c’est grâce à lui que je me libère.
Bételgeuse : En fait je prends la « matrice » pour une prison, alors que c’est elle qui permet ma libération.
Frank Hatem : Magnifique ! Et vous comprenez pourquoi il n’y a pas de guerre entre le monde réel et le monde de la « matrice » : d’abord il n’y a pas deux mondes, mais surtout il n’y a pas de lutte, la « matrice » est là pour permettre à ma grandeur de se manifester, à mon courage, à ma liberté. C’est le monde relatif qui permet l’Absolu. Il n’est pas là pour l’empêcher. La matière délimite l’esprit, elle ne le tue pas.
Bételgeuse : Alors vive la matière et vive la vie ? Vive tous nos conditionnements !
Frank Hatem : Nous ne sommes pas là pour haïr nos conditionnements. Nous ne pouvons vivre sans conditionnements. Il y aura toujours une « matrice ». Ce qui compte c’est notre compréhension, notre niveau d’amour par rapport à elle. C’est cela qui nous libère. Il n’y a pas d’autre issue.
Bételgeuse : Donc pas de guerre.
Frank Hatem : La liberté, ce n’est pas de vivre sans conditionnements. C’est de savoir qu’on décide soi-même de ces conditionnements futurs à chaque instant, et par suite moduler ces conditionnements en décidant d’aimer ou de ne pas aimer. Attraction ou répulsion. C’est la Loi du magnétisme universel.
Bételgeuse : Mais comment apprendre à aimer ? On ne peut pas se forcer !
Frank Hatem : Bien sûr que non. La clef de l’amour c’est la compréhension. Compréhension de ce que c’est que soi et de ce que c’est que l’autre, l’univers. Ce n’est que comme cela que la conscience évolue, et pour la conscience, évoluer, c’est aimer plus.
Bételgeuse : Cela me paraît hors de portée.
Frank Hatem : Détrompez-vous, ce que vous avez dit montre que vous avez déjà compris. Et c’est normal puisque là où est l’esprit, là est le potentiel infini de l’Être. Vous n’êtes pas une partie de l’Être. Vous êtes l’Être. Et donc toute la Connaissance est à votre portée. Encore faut-il que l’ego accepte de changer lorsque la conscience de soi évolue. Là est tout le défi et tout l’enjeu, car le moi est là pour freiner. Et on est là pour le rassurer et comprendre son véritable intérêt pour qu’il freine moins. Tout un « travail ».
Bételgeuse : Comment ? Où apprendre ça ?
Frank Hatem : Toute la compréhension est disponible, et cela commence par un panorama global de ce que c’est que soi et comment on engendre l’univers. Cela s’appelle « la Création Perpétuelle ». On en parle dimanche 10 mai en région parisienne. Écrivez-moi, je vous donnerai les indications. On peut en sortir totalement transformé. Mais cela peut aussi n’être qu’un point de départ. En tout cas, l’important est d’acquérir un nouveau regard sur cette « réalité » en comprenant sa vraie nature et son origine. C’est unique.
Bételgeuse : Au-delà du « quantique » ?
Frank Hatem : Absolument. Au-delà du « quantique ». Car c’est une chose de savoir que seul l’acte d’observation donne naissance à la matière (c’est un constat de la Physique quantique), encore faut-il savoir pourquoi, et surtout pourquoi et comment naît cet « acte d’observation » à chaque instant : comprendre ce qu’est la Conscience.
Mais ne craignez rien, c’est accessible à tous, sans aucune mathématique. Il n’y a pas besoin d’autre chose que de son bon sens et de son désir de comprendre. L’univers est simple. C’est la simplicité absolue. S’il n’était pas simple, il ne pourrait exister.
Bételgeuse : Ce doit être parce que c’est si simple que notre mental en a peur. Son jeu, disiez-vous, pour se sentir exister, est de tout compliquer et de multiplier les images de soi. Merci, Frank Hatem.
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