par Alain Degoumois
Chambre 777, dans une chambre d’hôpital, un homme d’âge mur se repose. La chambre est investie de blanc. Il y règne une odeur d’éther, de plâtre et de Bétadine. Mis à part quelques pas feutrés, les couloirs sont silencieux. Le va-et-vient rapide des infirmières est orchestré par le rythme incessant et cyclique des horloges. Le temps passe lentement et les blessures se dénouent…
Un homme, le regard fixe, regarde derrière la fenêtre de sa chambre. Thibeau a la peau burinée et paraît largement la soixantaine. Sa vie professionnelle est maintenant derrière lui. Depuis son accident, survenu dans des circonstances mystérieuses qu’il a encore du mal à élucider, il a commencé à écrire ses mémoires.
Sa vie a été mouvementée. Il a connu les succès et les échecs que tout homme qui souhaite réussir, traverse. Il a été riche et adulé, pauvre et ignoré. A chaque étape décisive de sa vie, qu’il scinde en quatre grandes parties, il a connu différentes femmes qui l’ont accompagné et soutenu. Mais c’est dans le dernier quart de sa vie qu’il a rencontré celle avec qui il a eu le plus de complicité et d’amour. Ce fut sa quatrième et dernière femme : Diane.
Ils avaient tous deux su et pu créer une complicité sans faille. Il la trouvait belle et sensible, pétrie de douceur et de gentillesse. Avec elle, il avait appris à reconnaitre les choses simples et essentielles de la vie. Il avait appris à communiquer et à échanger sur un plan qu’il considérait maintenant comme fondamental ; celui du cœur.
Avec le temps, ils avaient développé une capacité à communiquer sans utiliser de mot. Comme il aimait à le répéter, ils étaient unis par les liens sacrés de la présence. Ils se comprenaient mutuellement au-delà des mots. Ils n’éprouvaient pas le besoin de parler pour se justifier ou pour exprimer des idées de fond. Ils communiquaient avec le calme et la sérénité des gens qui ont appris à aimer. Parce qu’un amour n’est jamais acquis, c’est dans notre société actuelle un défi quotidien. On ne nous apprend pas forcément à aimer pour les bonnes raisons. Et il arrive parfois qu’on aime non par amour, mais par peur…
Thibeau soupire :
– La vie est une grande histoire d’Amour…
Bien que la plus grande partie de sa vie soit maintenant derrière lui, il a su et pu conserver la mémoire de toutes les séquences importantes qui ont traversé sa vie. Et depuis qu’il est alité, il a ressenti dans sa poitrine comme un irrésistible appel d’en témoigner au monde. Il sait et sent qu’il a des choses à dire et à partager, mais des choses qui viennent du cœur…
Il a vécu, a été témoin d’un nombre incalculable de choses et d’événements. Des événements ou il a été parfois spectateur, parfois acteur. Il a été témoin de l’évolution du monde, des grandes crises qui l’ont traversé, des manipulations médiatiques et enfin de l’avènement de ce qui fut certainement un des plus grand miracle de notre siècle, celui d’internet.
Mais il est avant tout resté témoin de sa propre vie. Et il souhaite aujourd’hui en témoigner, avec honnêteté et impartialité. Non qu’il se sente exemplaire ou qu’il ait des leçons à donner, mais parce qu’il ressent le besoin de partager ce qu’il est devenu afin d’offrir sa transformation au monde.
Cela peut sembler étrange de souhaiter offrir sa transformation au monde, mais que peut-on réellement offrir d’autre ? Que peut-on léguer au monde, à ses enfants, si ce n’est sa propre transformation ?
En fait, en vivant avec Diane, Thibeau est revenu à lui-même. Il n’est pas devenu quelqu’un de riche, de puissant ou encore de charismatique. Il est redevenu innocent mais avec le poids de l’expérience en plus.
Et cela a fait de sa vie un miracle quotidien…
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