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par Pierre Jovanovic

‘ »Un après-midi de janvier à Fremont, en plein cœur de la Silicon Valley, je venais de terminer la visite de l’usine d’assemblage des ordinateurs portables Grid. Avec mon amie, nous reprîmes notre voiture de location et après avoir cherché pendant dix minutes, finîmes par trouver le chemin de la Highway 101 qui nous ramenait à San Francisco. Sur l’autoroute, tout paraissait normal, calme. La journée était ensoleillée et, ne conduisant pas, je regardais les gros camions bien américains, étincelants de tous leurs chromes que nous doublions, lorsque soudain, sans même réfléchir, je me jetai sur ma gauche. Dans la seconde qui suivait, une balle traversait le pare-brise, exactement en face de la place passager. Ma place. Une heure plus tard après le constat (obligatoire pour l’assurance) de la Highway Patrol qui nous a rassurés en précisant qu’il s’agissait d’un incident (sniper) relativement courant, je me suis demandé pourquoi je m’étais jeté sur la gauche AVANT l’impact de la balle sur le pare-brise. Plus tard, en discutant avec d’autres journalistes, je découvris que je n’étais pas le seul à qui ce genre de phénomène était arrivé. D’autres confrères journalistes ou photographes de presse me racontèrent comment, au moment même de la mort impossible à éviter, quelque chose d’inexplicable leur avait sauvé la vie, quelque chose qui n’avait pas une chance sur un million d’arriver. Et la plupart d’entre eux m’expliquèrent que le temps s’était soudain suspendu et qu’ils avaient commencé à revoir leur vie, mais comme «hors du temps».

Phénomène inexplicable, donc on le range dans un coin de la mémoire. Mais l’anecdote resurgit au hasard d’un dîner lorsqu’une autre personne en parle  : «Tiens, justement un truc comme ça m’est arrivé au Liban, en Irak, etc.»

Moi aussi j’avais oublié. Puis après une enquête sur le phénomène de la vie après la mort, je ne pus m’empêcher d’établir un rapprochement entre les expériences aux fron­tières de la mort et ces anecdotes de journalistes, de photo­graphes et de pilotes sauvés in extremis par une voix ou une action inexpliquée. Tous avaient en commun soit le «temps suspendu», soit le «défilement de leur vie en trois dimen­sions», parfois les deux. Alors je me plongeai dans les expé­riences aux frontières de la mort, ou de la vie, au choix. Un entretien avec le Dr Devawrin allait définitivement me con­vaincre : ce médecin avait passé sa thèse de médecine sur le sujet dans un lieu d’observation particulièrement propice, le service de réanimation de l’hôpital de Garches qui hérite des accidentés graves du périphérique parisien. Pour aller plus loin, je proposai même le sujet lors d’une conférence de rédaction du Quotidien de Paris et il fut accepté. Cette fois-ci, l’enquête sur les expériences aux frontières de la mort, NDE, était devenue un leitmotiv. Je voulais vrai­ment savoir ce qui se passait au moment de la mort. Après quelques semaines d’investigation, j’étais plus que troublé : en acceptant le principe d’une vie après la mort à la suite de cette enquête, je me trouvai confronté à un dilemme : si la vie ne cesse pas après la mort, alors les textes religieux que je considérais comme des histoires de vieux barbus n’étaient pas si idiots que cela. J’étais bien ennuyé. Avant cet article, la résurrection du Christ ne signifiait rien de plus pour moi qu’un week-end prolongé grâce au pont de Pâques.

Or, que représentaient finalement toutes ces expériences aux frontiè­res de la mort, sinon des histoires de résurrections moder­nes ?

Cela m’agaçait tant que je fis comme tout le monde, je préférai oublier. Cela m’obligeait à trop réfléchir et le dolo­risme des catholiques m’avait toujours horrifié.

Cependant, tout finit par me retomber dessus un soir, en écoutant une chanson de Jean-Louis Murat à propos de son Ange gardien. Je me suis bêtement demandé si j’avais moi aussi un Ange gardien et cette idée me sembla aussi idiote que romantique. Mais moins d’une heure plus tard, dans une librairie, je trouvais, par hasard, un livre sur les Anges (guidé par son ange). Le sujet éveilla mon intérêt, un intérêt purement in­tellectuel cependant. Mais plus je me passionnai pour le sujet et plus les signes, dans un enchaînement de coïncidences in­vraisemblables, fusaient. Cette première question avait allu­mé la mèche d’une bombe qui me coûtait une fortune en li­vres. Petit à petit, j’eus le sentiment étrange qu’un dialogue invisible s’était instauré entre ce supposé Ange et moi. Un dialogue que Jung a nommé synchronicité. Il ne s’agissait pas de dialogues au sens propre du terme, mais plus exacte­ment de signes qui n’ont de sens que pour vous et personne d’autre.

Par exemple, vous marchez dans la rue et vous vous demandez très sérieusement si l’Ange gardien n’est pas sim­plement un produit de votre imagination et de celle des au­tres, et juste à ce moment-là, une fille passe devant vous, portant un T-shirt avec des ailes dans le dos !

La première fois, vous vous dites qu’il s’agit d’un pur hasard. La deuxième fois, lorsque quelqu’un vous offre un li­vre d’art sur les Anges, vous pensez que c’est une véritable coïncidence. La troisième fois, vous recevez une lettre com­mençant par «tu as été mon Ange gardien» d’une personne que vous avez connue bien avant votre soudaine passion et vous vous dites que c’est une simultanéité incroyable. A la quatrième fois, vous ne trouvez plus de mots. Au bout de la dixième fois, vous déclarez forfait et à la vingtième, vous parlez très sérieusement à votre Ange. A ce moment-là, ses réponses vous surprennent au détour d’une rue, d’un livre, d’une personne, d’une lettre ou d’un coup de téléphone. Je me souviens qu’un jour je décrochai le téléphone et au bout du fil, une personne que je devinais âgée me demanda si elle était bien à l’église Sainte-Marie des Anges. J’en restai quasi­ment sans voix.

Ensuite, l’Ange prend l’habitude de vous «parler» en permanence, toujours par signes interposés. Parfois la raison cartésienne vous rappelle à l’ordre et, à nouveau, vous vous demandez très sincèrement si vous n’êtes pas devenu fou et si vous ne voyez pas des signes là où il n’y en a aucun. Vous commencez même à douter de votre santé psychologique. A ce moment-là, un signe encore plus impressionnant vous as­somme littéralement. Je me trouvais dans ce cas précis à Las Vegas où mon journal m’avait envoyé couvrir le Comdex, une exposition informatique. Plus que jamais, je «doutais», persuadé d’être bon pour l’asile. Un matin, je marchais donc sur le «Strip» lorsque la croix d’un clocher at­tira mon attention. Bien qu’en étant à mon cinquième séjour consécutif à Las Vegas, je n’avais jamais remarqué une église. Et c’est vraiment par curiosité que je me dirigeai vers elle, voulant savoir à quoi ressemblait une église dans la capitale du jeu et de la prostitution. A la lecture de son nom, «Guar­dian Angel Cathedral, Bishop of Nevada», je demeurai para­lysé pendant une bonne minute. C’était incroyable. C’est même la seule église aux États-Unis qui porte ce nom.

Cependant, plus j’obtenais de signes et moins j’y croyais, m’entêtant à penser qu’il ne s’agissait que de pures coïncidences. Un jour pourtant, je crus sincèrement être de­venu fou. J’avais trouvé dans une librairie d’occasions un magnifique missel en latin de la fin du XIXe, appelé «Missel des Anges».

Voulant dater et surtout obtenir plus de préci­sions sur le ou les auteurs de cet ouvrage enluminé, je de­mandai à l’archevêché de Paris le nom d’un bibliothécaire qui pourrait m’éclairer. On m’indiqua le nom d’un moine dont je tairai ici l’appartenance. Au téléphone, il me fixa rendez-vous pour le dimanche suivant, après l’office. Le jour dit, après une messe célébrée par un prêtre qui ne cessa de parler d’Anges, je demandai à un religieux de me présenter le frère X. Lorsqu’il me le désigna, je découvris avec une agréable surprise qu’il s’agissait justement du prêtre, un homme d’une trentaine d’années au visage souriant, avec un je ne sais quoi de féminin. Il m’emmena dans son bureau, prit le missel, l’examina avec une loupe et me donna des ren­seignements intéressants, précisant toutefois qu’il ne con­naissait pas cet ouvrage. Je n’étais pas vraiment avancé. Quand je voulus l’orienter sur les Anges, le frère X m’arrêta. Il se leva, signifiant la fin de l’entretien et me dit : «les Anges, les apparitions de la Vierge et toutes ces stupidités, je n’y crois pas». Eh Oui ! Ce fut le coup de grâce que j’attendais inconsciem­ment. Je m’installai au volant de ma voiture en me deman­dant pourquoi je devais croire aux Anges si même un prêtre ordonné n’y croyait pas lui-même…

Pourtant, quelque part, (curieuse cette expres­sion «quelque part», où ?) cela m’avait attristé. Je m’étais attaché sinon à mon Ange, du moins à l’idée d’en posséder un. Et après ce rendez-vous, c’était comme s’il s’était évanoui en fu­mée. C’était la fin d’une belle amitié invisible.

Mais on ne se débarrasse pas comme ça d’un Ange gardien. Cet incident fut une sorte de boomerang, un révéla­teur. L’Ange se comporte comme une jeune fille éconduite qui vous guette à la sortie de votre appartement. Trois jours plus tard, en sortant d’un restaurant où j’avais déjeuné avec mon ami Gérard, auquel j’avais relaté l’incident avec le moine, l’Ange m’attendait, foudroyant.

Je pris place dans sa voiture et au démarrage, une cassette sortit de l’auto-radio (pourquoi cette cassette ne glissa pas à l’aller ? Mystère…). J’y jetai un coup d’œil ma­chinal et, stupéfait, je lus le titre «Saint Michel Archange». A ma question sur l’origine de la cassette, Gérard me répondit que dimanche (donc le même jour que mon exper­tise) après la messe, il avait vu cette cassette qui réunissait des sermons sur l’Archange et me l’avait prise, connaissant mon intérêt pour le sujet. Mais, après avoir écouté la face A, assez ennuyeuse, il avait totalement oublié de m’en parler. Par curiosité, j’engageai alors la face B dans le lecteur et ap­puyais sur «play». Après un bruit de souffle, une voix mascu­line pleine d’énergie emplit l’habitacle et les premiers mots me firent l’effet d’un coup de poignard. C’était une réponse directe à ce que m’avait dit ce prêtre et ce, en utilisant SES propres mots !

«Je ne vais pas perdre mon temps à vous prouver qu’il y a des Anges» déclamait la voix.

«Ouvrez n’importe quelle page des Saintes Écritures, il y en est question abondamment  progressistes pour les réduire à de simples pensées et je n’ai pas de temps à perdre avec ce genre de stupidités»

Jamais je n’avais imaginé qu’un prêtre pouvait s’ex­primer d’une façon aussi directe, traitant ses homologues progressistes de «stupides». C’était vraiment très drôle et tout de même assez surprenant. Pire, le sermon venait de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet, fief parisien des tradi­tionalistes, mouvement sur lequel je nourrissais plus que des doutes. Mais cette voix parlait des Anges avec une poésie, une foi et une certitude telles que j’en restai abasourdi. La si­tuation était vraiment étrange. Gérard Adamis, aussi étonné et fasciné que moi, avait garé la voiture à l’ombre d’un aca­cia afin que nous puissions écouter tranquillement ce ser­mon à mi-chemin entre le cours de philosophie et le cours de théologie. Pas de doute, la réponse du frère avait visible­ment énervé les occupants de «là-haut» et avait fait des vagues.

La synchronicité de cet événement nous plongea dans des abîmes de réflexion. Le prêtre spécialiste ès missel, un progressiste, avait utilisé le terme «stupidité». Le prêtre de la cassette utilisait le même mot et reprochait aux pro­gressistes leur stupidité… Je n’en revenais pas. Du coup, la foi en mon Ange gardien, tombée à zéro, remonta en flèche. Je venais de découvrir que les Anges n’aimaient pas du tout qu’on les prenne pour des chimères…

À suivre…

Trouvé sur http://canalisations-marie.blogspot.ca/