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Jadis qualifiée de « sensiblerie », l’hypersensibilité regagne peu à peu ses galons. La psychanalyste Krystel Joinet fait le point sur ce tempérament aux qualités multiples, qu’il convient toutefois d’apprivoiser.

Vous fondez en larmes devant n’importe quelle comédie romantique ? Vous vous extasiez face au spectacle d’une abeille butinant une fleur ? Vous êtes très sensible au regard des autres ? Vous ne supportez pas l’injustice ? Vous cherchez du sens derrière chaque situation ? Vous êtes peut-être hypersensible.

Et si vous n’en êtes pas tout à fait sûre, la Toile propose une multitude de tests en ligne permettant de confirmer ce diagnostic. Diagnostic, car souvent l’hypersensibilité est présentée comme un problème. « Or cela n’a rien de pathologique, c’est un tempérament ! » insiste la psychanalyste Krystel Joinet qui rappelle que, pendant longtemps, on parlait de « sensiblerie » pour qualifier ce trait de caractère.

« Le fait d’avoir troqué ce mot affreux pour celui d’ »hypersensibilité » montre que les mentalités ont évolué. C’est bien, mais c’est encore insuffisant », poursuit cette spécialiste dont le cabinet ne désemplit pas et accueille de nombreux patients dont l’enfance a été bercée par des phrases du type : « Arrête de pleurer, il faut t’endurcir ! », « Qu’est-ce que tu peux être susceptible ! », etc. Plus tard, quand ce ne sont plus les parents qui jouent les tyrans, ce sont les patrons ou les collègues qui prennent le relais. « Les hypersensibles sont souvent vus comme des individus n’ayant pas les armes pour faire face à la pression du monde du travail. Du coup, ils peuvent vite devenir des têtes de turcs », constate-t-elle.

Une liste de dons longue comme le bras

Pas facile en effet d’être pris au sérieux quand on a souvent la larme à l’œil. « Quel dommage ! s’exclame la psychanalyste. Les larmes ne sont pas nécessairement un signe de tristesse, encore moins de faiblesse. Ce sont parfois de simples signaux du corps. En extériorisant ce qu’ils ressentent, les hypersensibles sont moins sujets aux maladies psychosomatiques. Plutôt que de les mépriser, on devrait les envier. C’est tout de même mieux que de se fabriquer un ulcère ! »

L’hypersensible qui s’autorise à être lui-même ne subit plus ses émotions, il les gère

Et puis le caractère de l’hypersensible ne se limite pas à ça. Excellente écoute de soi et des autres, empathie, créativité, intelligence émotionnelle, réceptivité, acuité, propension exceptionnelle à s’extasier devant la beauté du monde, des arts, de l’humain, goût du travail bien fait… La liste de ces dons est longue comme le bras, dons qui constituent de vrais atouts, à condition d’assumer son tempérament. À défaut, la vie de ces individus peut vite se transformer en enfer. « Ceux qui n’acceptent pas leur extrême sensibilité vont flirter avec un tas d’émotions très pénibles, comme la gêne ou la honte.

Au quotidien, cela devient insupportable », précise Krystel Joinet. D’où l’intérêt, dans ce cas, de faire un travail sur soi. L’objectif : dédramatiser pour transformer « l’hypersensibilité-ennemie » en « hypersensibilité-alliée ». « L’hypersensible qui s’autorise à être lui-même ne subit plus ses émotions, il les gère. Bilan des courses, il résiste mieux au stress, y compris dans son milieu professionnel. Ceux qui craquent sont généralement ceux qui n’ont aucun sas de décompression », insiste-t-elle.

S’il est donc un conseil à donner aux parents qui reconnaissent chez leur enfant les traits de l’hyperémotif, c’est de leur porter un regard bienveillant. Plus ils auront accueilli et cultivé l’émotivité de leurs petits – au lieu de chercher à les endurcir -, mieux ces derniers s’en sortiront dans la vie. Certains s’en sortiront même plus que bien ! Pour s’en convaincre, il suffit de lorgner du côté de Dali. « Contrairement aux idées reçues, les hypersensibles ne sont pas tous timides et rougissants.

Ils peuvent être totalement extravertis ! » assure Krystel Joinet. Sans aller aussi loin, les enfants qui ont eu la chance d’être acceptés tels qu’ils sont par leur entourage familial développeront plus facilement leur potentiel créatif, qu’ils transformeront plus tard en force. Une force qu’ils pourront mettre à profit dans n’importe quel domaine. Celui de la peinture bien sûr, du théâtre, du cinéma, et pourquoi pas aussi de l’économie ? Des économistes « artistes », le monde en aurait bien besoin…

Source: madame.lefigaro.fr