Question:
Bonjour Caroline,
J’avais une (plusieurs en fait…) questions à te poser…(et tu y répond seulement si tu en a le temps et l’envie bien sûr)
Je comprends tout à fait le fait qu’il n’y ai aucun but. Mais comment l’intégrer, l’accepter sans « souffrir » puisque nous avons vécu toute notre vie dans cette croyance ? Croyance qu’il faut réussir sa vie, par tel ou tel moyen… On pourrait avoir tendance à se dire « à quoi bon vivre alors ? »
Tu compares souvent les rêves à la réalité qu’on croit vivre. Et je comprends ça tout à fait aussi. Mais est-ce qu’on peut vraiment affirmer que la vie est un rêve et que rien n’existe ? Pourquoi alors serait-on ici à vivre cette vie ? Merci beaucoup Caroline
Réponse:
Bonjour,
Je comprends très bien ce dont tu parles. En fait, le personnage est toujours dans la croyance qu’il y a un but à atteindre et/ou un objectif à réaliser. Comme il n’est pas heureux dans l’instant présent, il croit que c’est parce qu’il lui manque quelque chose et il croit que plus tard, dans le futur, quand il atteindra ou obtiendra cette chose, alors il pourra être heureux. Dans sa souffrance actuelle, ce futur représente l’espoir qu’il a de trouver le bonheur. Et si tu regardes bien, tu verras que tous ces schémas fonctionnent de cette façon. Tout est dirigé vers un « après » qui sera mieux. Et si tu observes de plus près dans ton expérience, tu verras que ce schéma ne s’arrête jamais. Dès que le personnage se retrouve dans le présent où le but est atteint, quelques heures voire quelques jours plus tard, le bonheur ne sera de nouveau plus là et une nouvelle recherche vers un autre but va survenir.
Le comportement du personnage est toujours le même. Personne n’échappe à cette règle. Les buts et les objectifs peuvent être différents, mais le schéma est le même et la recherche est toujours le bonheur. Certains croient pouvoir trouver le bonheur dans l’argent, d’autre dans la famille, dans la reconnaissance, dans la spiritualité et même dans l’éveil. Quel que soit ce qui est cherché et la manière dont cela est cherché, l’objet que chacun tente de trouver est le bonheur.
Quand ce comportement compulsif est compris, forcément, il est plus simple de comprendre pourquoi la tristesse et le désespoir sont les conséquences de l’affirmation « il n’y a aucun but ». Quand cette vérité est reconnue par le personnage, c’est normal que cela soit douloureux. Lui qui avait tant espéré trouver ce bonheur d’une façon ou d’une autre, comment pourrait-il survivre à ça. Accepter cette vérité c’est comme renoncer à tout espoir de bonheur et dans ce cas, comme tu le dis : « à quoi bon vivre, alors » ?
Quand cela survient, quand cette vérité est reconnue et que le personnage voit qu’il n’y a pas de but, alors il n’y a rien à accepter parce que c’est déjà cette acceptation qui a lieu. « Accepter » ne veut pas dire que cela est agréable ou qu’il y ait l’envie que cela soit comme ça. « L’acceptation » c’est déjà ce qui est lorsque la vérité est reconnue, qu’elle soit perçue comme agréable ou pas. Tu n’as donc rien à accepter, cela est déjà accepter. Pour ce qui en est de l’intégration, tu n’as rien à faire. Ce n’est pas le personnage qui pourra faire quoi que ce soit pour intégrer ce qui est en train de le « tuer ». Lui, ne peut absolument rien. Par contre, lorsqu’il peut reconnaître son impuissance dans l’intégration, alors il peut se mettre de côté pour faire ce qu’il y a de mieux : se laisser faire.
Ceci dit, dans ce « laisser faire », tout cette souffrance peut être totalement ressentie, entièrement permise afin d’être vue, reconnue, accueillie. Il n’est pas question de renier la souffrance qui découle de cette vérité, il n’est pas question de la combattre ou de vouloir l’intégrer. Elle peut simplement être ressentie, sans fuite. Dans cet accueil, le miracle peut se produire, une porte peut s’ouvrir sur la vérité qui se trouve derrière la vérité. Cette vérité cachée c’est que lorsqu’il n’y a plus de but à atteindre, lorsqu’aucun objectif n’a besoin d’être atteint, alors tous les efforts mis en place dans cette recherche de bonheur peuvent tomber. Toute l’énergie déployée à chaque instant pour obtenir l’objet convoité peut s’arrêter. Alors, un repos naturel survient. Une légèreté voit le jour. Et la vie peut couler librement, sans que plus rien ne soit cherché. Un espace tranquille émerge et une paix profonde peut être goûtée.
Alors, à ce moment, il est vu que le bonheur est là et qu’il n’a jamais cessé d’être là.
En croyant devoir le chercher quelque part, nous nous sommes mis à courir partout après ce qui était déjà là. Nous sommes ce que nous cherchons. Tout est là.
Pour ce qui en est de ta question concernant les rêves, en effet, il m’arrive souvent de comparer la vie aux rêves et c’est simplement parce que c’est ce qu’est la vie : un rêve. Du coup, dans un sens il est vrai de dire que rien n’existe, mais ce n’est pas aussi simple que ça, car la vérité est paradoxale.
En entendant cela, le personnage réagit et il formule alors ce genre de question : « Pourquoi alors serait-on ici à vivre cette vie ? ». Mais si tu regardes bien, cette question est presque la même que la précédente : « à quoi bon vivre alors ? ». Il y a simplement quelqu’un qui veut une raison de vivre, qui veut un sens à tout ça. Ce sens et cette raison d’être sont à l’origine des buts et des objectifs. Or, comment pourrait-il y avoir un sens ou une raison ? Pour ça il faudrait qu’il y ait quelque chose à trouver et donc quelque chose qui serait en dehors de la conscience. La conscience pure qui est ce que nous sommes en réalité, est déjà complète, infinie et illimitée. Elle est le Tout. Donc, comment le tout aurait besoin de trouver quoi que ce soit d’autre ?
Lorsque nous regardons un film ou que nous lisons un roman, lorsque les enfants jouent, y a –t-il un sens ou une raison d’être à tout ça, si ce n’est de jouer simplement pour le plaisir ? La conscience joue à s’oublier, joue à être quelqu’un dans une histoire exactement comme les gens jouent au théâtre et les enfants au docteur. C’est un jeu qui se joue uniquement pour le plaisir.
En tant que personne identifiée, le jeu peu être difficile et même souffrant, mais c’est simplement parce qu’il y a identification à cette personne que tu crois être. Si tous les désirs, tous les espoirs, tous les buts, toute la recherche de sens et de raison d’être pouvaient tomber maintenant, il ne resterait que ce qui est et a toujours été là, cette présence, cette paix profonde.
Alors, du point de vue du sens que nous donnons au mot « exister », dire que rien n’existe est vrai. En tant que matière concrète, que personnage, qu’histoire, rien n’existe. Mais c’est de ce rien que naît toute chose. Tout apparaît à partir de ce rien et donc tout existe bel et bien. C’est le paradoxe. Tout provient du rien et rien n’est dans le tout.
Caroline
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