Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan
La pureté de la vie est le thème central de toutes les religions qui ont été données à tous les âges de l’humanité, car la pureté n’est pas seulement une idée religieuse mais elle résulte de la nature même de la vie, et l’on voit cela sous une forme ou sous une autre en toute créature vivante. C’est la tendance de tous les animaux et oiseaux de nettoyer leur fourrure ou leurs plumes et de trouver un endroit propre pour vivre ou se tenir, mais dans l’être humain cette tendance est même encore plus prononcée. Un homme qui ne s’est pas encore élevé au-dessus de la vie matérielle montre cette faculté dans la propreté physique, mais derrière cela il y a quelque chose de caché, et c’est le secret de la création entière et la raison pour laquelle le monde fut fait.
La pureté est le processus par lequel le rythme vital se manifeste, le rythme de cet esprit intime qui a opéré depuis des âges dans le minéral et la plante, dans l’animal et dans l’homme, car son effort à travers toutes ces expériences est d’arriver à cette réalisation où il se trouve lui-même pur – pur en essence, pur de tout ce qui affecte sa condition originelle. Le processus entier de la création et du développement spirituel a cours pour montrer que l’esprit qui est la vie et qui dans la vie représente le Divin s’est enveloppé de plis sans nombre, et est de cette manière, pour ainsi dire, descendu du ciel à la terre.
On parle de ce processus, en termes occultes, comme l’involution, et ce qui suit est ce que l’on connaît comme l’évolution; ou développement de l’essence divine hors des replis du suaire de la matière.
Le sens de ce besoin de libérer l’esprit de ce qui le bouche et le lie est ce qu’on appelle pureté, en quelque partie de la vie qu’il soit ressenti. C’est dans ce sens que nous pouvons entendre le dicton: « La propreté est près de la sainteté ». En langue arabe le mot pour pureté est saf , racine dont dérive le nom Soufi. Quelques-uns des premiers ordres de Soufis furent appelés les Frères, ou les Chevaliers, de la Pureté, et cela ne fait pas allusion à la pureté physique mais au développement de l’esprit vers sa condition originelle: l’être pur du métaphysicien ou la raison pure du philosophe. Le mot sophia ou pure sagesse a la même dérivation.
Dans l’usage ordinaire du mot pur nous trouvons la même signification. Par exemple, quand nous parlons d’eau pure ou de lait pur, nous voulons exprimer l’idée que la substance originelle n’est mélangée à aucun élément étranger. Par conséquent une vie pure est le terme utilisé pour exprimer l’effort de la part de l’homme pour garder son être spirituel non pollué par les fausses valeurs de la vie du monde. C’est la recherche constante du moi originel, le désir de l’atteindre et les moyens de le retrouver, qui seuls peuvent être véritablement appelés pureté de vie, mais ce terme peut être appliqué avec le même sens à toute partie de la vie de l’homme.
Quand il est utilisé pour ce qui appartient au corps, il indique l’idée que ce qui est étranger au corps ne doit pas s’y trouver. Ceci est le premier stade de la pureté. Quand on dit d’une personne qu’elle est pure d’esprit, est-ce que cela ne signifie pas que seul reste ce qui est naturel au mental et que tout ce qui n’est pas naturel en a été ôté?
Cela conduit à la question de savoir ce qui est naturel au mental, et pour donner la réponse nous ne pouvons pas faire mieux que de prendre comme exemple le mental d’un petit enfant. Qu’y trouvons-nous? Nous trouvons en tout premier la foi, la tendance naturelle à faire confiance; ensuite l’amour, la tendance naturelle à être amical et affectueux; et puis l’espoir, l’attente naturelle de la joie et du bonheur. Aucun enfant n’est naturellement sceptique. S’il en était ainsi il ne pourrait rien apprendre. Ce qu’il entend et ce qu’on lui apprend est accepté par le mental qui est prêt à croire, à admirer et à avoir confiance. C’est l’expérience de la vie, de la vie du monde où règne l’égoïsme, qui gâte la beauté du mental de l’enfant qui par nature est un croyant, un ami naturel prêt à sourire à chaque visage, un admirateur naturel de la beauté prêt à regarder sans critique et à négliger tout ce qui ne l’attire pas, un être qui aime naturellement et ne connaît pas de haine.
Tel est le mental originel de l’homme et telle est sa condition originelle. Ce n’est pas le péché qui est originel, mais la pureté, la pureté originelle de Dieu Lui-Même. Mais à mesure que le mental se développe et se trouve nourri par la vie dans le monde, ce qui n’est pas naturel lui est ajouté, et pour le moment ces additions, à mesure qu’elles viennent, semblent désirables, utiles et belles. Elles construisent une autre sorte de mental que l’on appelle parfois l’ego ou le faux-moi; elles rendent un homme adroit, instruit, brillant et bien d’autres choses encore. Mais au-dessus et au-delà de tout cela il y a l’homme dont on peut dire qu’il a le mental pur.
Quand nous y pensons, s’élève la question: « S’il en est ainsi alors serait-il désirable de garder un enfant toujours enfant pour qu’il n’apprenne jamais les choses qui appartiennent à la vie du monde? » Demander cela est comme demander: « N’est-il pas souhaitable que l’Esprit demeure toujours dans les Cieux et ne vienne absolument jamais sur la terre? »
La réponse est que la véritable exaltation de l’Esprit réside dans le fait qu’il est venu sur la terre, et que là il a réalisé son existence spirituelle. C’est cela qui est la perfection de l’Esprit. Par conséquent tout ce que donne le monde dans l’ordre de la connaissance, dans l’ordre de l’expérience et de la raison, tout ce qu’enseigne l’expérience propre de l’homme ou celle des autres, tout cela est appris de la vie, de ses chagrins et des ses déceptions, de ses joies et de ses possibilités; toutes ces expérience contradictoires nous aident à devenir plus riches d’amour et d’une vision plus vaste. Si un homme a traversé toutes les expériences et a maintenu haut son esprit sans lui permettre d’être entaché, alors un tel homme peut être appelé un mental pur. L’individu que l’on pourrait appeler pur parce qu’il n’a aucune connaissance soit du bien soit du mal ne serait en réalité qu’un simple d’esprit. Passer par tout ce qui enlève la pureté originelle, et pourtant s’élever au-dessus de tout ce qui cherche à la submerger et à l’attirer en bas c’est cela la spiritualité, la lumière de l’esprit tenue haut et brûlant claire et pure. C’est l’effort d’une vie entière, et celui qui n’a pas connu cela n’a pas connu la vie.
La première pureté est la pureté du monde physique dans laquelle l’homme doit obéir aux lois de la propreté et de l’hygiène. En faisant cela il fait le premier pas. Le suivant est ce qu’on appelle en général la pureté de la vie, cette pureté de la vie que l’on voit dans l’attitude sociale, morale et religieuse d’un homme. Les codes nationaux et religieux sont souvent très rigides concernant cette sorte de pureté. Quelquefois c’est seulement une pureté extérieure faite par l’homme dont l’être individuel doit s’échapper pour trouver celle d’un plan plus élevé.
Il y a cependant un standard de pureté intérieure dont le principe est que tout ce qui, dans le discours ou l’action, cause la peur, apporte la confusion ou donne une tendance à tromper, enlève cette petite étincelle scintillante dans le cœur, l’étincelle du vrai qui brille seulement quand la vie est naturelle et pure. Un homme ne peut pas toujours dire quand une action particulière est juste eu égard aux circonstances ou quand elle est fausse, mais il peut toujours se rappeler ce principe psychologique et juger si une action ou un mot lui dérobe cette force et cette paix et ce confort intérieurs qui sont sa vie naturelle. Aucun homme ne peut en juger un autre, c’est l’être de l’homme qui peut être son propre juge. Par conséquent cela ne sert à rien de faire des standards rigides concernant la pureté morale ou sociale. La religion les a faits, les écoles les ont enseignés, pourtant les prisons sont pleines de criminels et les journaux sont chaque jour plus éloquents sur les fautes de l’humanité.
Il n’y a pas de loi extérieure qui puisse arrêter le crime. C’est l’homme lui-même qui doit comprendre ce qui est bon pour lui et ce qui n’est pas bon pour lui. Il doit pouvoir distinguer entre ce qui est poison et ce qui est nectar. Il doit le savoir, il doit le mesurer, le peser et le juger, et cela il peut seulement le faire en comprenant la psychologie de ce qui lui est naturel et de ce qui est non-naturel. L’action, la pensée ou la parole qui n’est pas naturelle est ce qui le rend mal à l’aise avant pendant ou après qu’elle ait lieu, et son malaise est la preuve qu’en celle-ci ce n’est pas l’âme qui agit. L’âme est toujours à la recherche de quelque chose qui ouvrira une possibilité pour son expression et lui donnera liberté et bien-être dans cette vie physique. La vie entière tend en réalité vers la liberté, vers le déploiement de quelque chose qui est asphyxié par la vie physique, et cette liberté peut être acquise par la véritable pureté de la vie.
Nous avons vu ce que veut dire purifier la vie du corps et du mental, mais il y a encore une pureté qui est la pureté du cœur: l’effort constant pour garder le cœur pur de toutes les impressions qui viennent du dehors et sont étrangères à la vraie nature du cœur qui est l’amour. On peut seulement y arriver par une surveillance continuelle de son attitude envers les autres, en passant sur leurs fautes, en pardonnant leurs erreurs, en ne jugeant personne sauf soi-même, car tous les jugements sévères et la rancune envers les autres sont comme du poison. Les ressentir est exactement comme de mettre du poison dans le sang; le résultat doit être la maladie. D’abord seulement la maladie dans la vie intérieure, mais avec le temps la maladie apparaît dans la vie physique, et ce sont de telles maladies qui ne peuvent pas être guéries. La propreté extérieure n’a pas beaucoup d’effet sur la pureté intérieure, mais la saleté intérieure provoque la maladie à la fois au-dedans et au-dehors.
Puis, après que ce troisième stade ait été atteint et que le cœur ait été accordé par des idéaux élevés, par de bonnes pensées, par des actions droites, il vient une pureté encore plus grande dans laquelle tout est vu ou ressenti, tout ce qui est touché ou admiré, est perçu comme Dieu. A ce stade aucune pensée, aucun sentiment ne doit être autorisé de venir dans le cœur sinon Dieu seul. Dans le tableau d’un artiste, ce cœur voit Dieu; dans le mérite de l’artiste qui observe la nature, dans la faculté qu’a l’artiste de reproduire ce qu’il observe, un tel être voit la perfection de Dieu. Par conséquent pour lui Dieu devient tout et tout devient Dieu.
Quand cette pureté est atteinte l’homme vit dans la vertu; la vertu n’est pas quelque chose qu’il exprime ou qu’il ressent de temps à autre, sa vie elle-même est vertu. Chaque moment où Dieu est absent de la conscience est considéré par le sage comme un péché, car à ce moment la pureté du cœur est empoisonnée. C’est un manque de vie qui est péché, c’est la pureté de la vie qui est vertu. C’est de cette pureté dont Jésus-Christ a parlé quand il a dit: « Bénis soient les purs de cœur car ils verront Dieu ».
La pureté de la vie
L’Alchimie du Bonheur
Chapitre 38
Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan
Disponible en français sur : http://www.soufi-inayat-khan.org/murshid/alch_bo/ab_tdm.htm
Source: http://soufi-inayat-khan.org/