Extrait de Méditer c’est se soigner de Frédéric Rosenfeld
Qu’est-ce que la méditation peut m’enseigner sur les émotions ? Elle m’apprend ceci : quand je tremble de pur, quand je frémis de joie ou quand je me crispe de colère, mes émotions sollicitent d’abord mon corps. Pour certains, ce scoop est d’une banalité affligeante ; pourtant, il est loin d‘être une évidence pour tous. De nombreux patients viennent en thérapie cognitive en nommant très bien le tourment qui les accable ; angoisse, tristesse, colère … Mais, quand on leur demande de préciser les zones du corps où ils ressentent leur détresse, la question fait l’effet d’une nouveauté parfois déconcertante. Du coup, il arrive de prescrire cet exercice, en apparence insolite : « Durant les quinze prochains jours, lorsqu’une situation vous fera vivre de la colère, de la tristesse ou de l’angoisse, observez après coup dans quelles parties du corps vous aurez ressenti ces émotions, ou les sensations qui s’y associent. Notez précisément vos observations, et nous étudierons cela une prochaine fois ». Et bien sûr, on peut inventer le même exercice pour les émotions positives.
Momentanément, cette tâche à domicile met certains patients mal à l’aise. Ils réalisent rapidement que leur journées sont bien plus semées d’émotions – souvent désagréables – qu’ils ne le pensaient. Mais cet exercice est toujours constructif pour plusieurs raisons :
– il leur enseigne à affûter leur « détecteur d’émotions »
– de ce fait, il leur permet de discerner plus tôt le moment et la situation où les émotions pénibles apparaissent.
– par conséquent, cet exercice est souvent le premier pas de nombreuses prises de conscience (même si elles sont peu agréables au début).
– du coup, par avancées progressives, le sentiment de maitrise et de connaissance de soi est amélioré.
– au final, il dynamise les patients à poursuivre leurs explorations sur eux-mêmes et à vouloir changer.
Tous ces points font partie des bénéfices qu’une bonne psychothérapie est censée prodiguer ; Mais ils sont également ceux que les traditions méditatives nous offrent, simplement parce que de très nombreuses techniques spirituelles – non toutes – sollicitent elles aussi, et depuis bien plus longtemps que les psys modernes, l’exploration de la composante physique des affects. Ce voyage à l’intérieur des émotions se fait spontanément lors de certaines pratiques spirituelles, comme un surcroît qui arrive sans qu’on le cherche.
On peut aussi explorer les sensations corporelles lors de méditations en mouvement ; pendant ces moments où le temps s’étire, l’esprit écoute le corps. Pratiquer rend tranquille, autant que de l’observer. Quelque soit la pratique, la vigilance aux sensations et aux émotions s’aiguise.
Au fond, méditer fait de moi-même à la fois mon propre thérapeute et mon propre patient. Thérapeute, car je suis l’écoute de ce qui fait souci dans mon corps ou ma tête ; la médiation est alors comme une prescription, qui me permet d’explorer la situations-problème et d’y remédier. Patient, car en m’observant studieusement moi-même, je développe progressivement des vertus utiles à mon bien-être, comme le détachement, l’équanimité, la pleine conscience.
EXTRAIT DU LIVRE : MEDITER C’EST SE SOIGNER sur le blog de Francesca http://channelconscience.unblog.fr/