par Agnieszka Rouyer
La phrase « les émotions négatives » est devenue une partie inhérente de notre dictionnaire de tous les jours. Nous comprenons les émotions comme quelque chose de désagréable, comme une cocotte-minute émotionnelle, que nous ne voulons pas expérimenter. C’est en prononçant le mot « négatives » que nous faisons quelque chose de beaucoup plus, parce que nous traitons ces émotions comme quelque chose de complètement mauvais et d’indésirable, comme quelque chose dont nous ne voulons pas entendre parler, comme quelque chose qui nous est hostile. Et donc, nous les fuyons, nous les refoulons, nous ne voulons rien avoir à faire avec elles…
Mais fuir nos émotions, nous nous ferme l’opportunité de comprendre nos états internes. Alors que comprendre nos états internes, comprendre ce qui se passe en nous, est la base absolue pour améliorer la qualité de notre vie, pour résoudre nos problèmes. Parce que, justement, c’est dans ces émotions « négatives » que se trouvent toutes les solutions possibles à ces problèmes. C’est en les observant que nous avons la possibilité de nous libérer de ce qui nous tourmente.
Comment les émotions peuvent-elles être un moyen pour se comprendre soi-même ?
En psychologie, en réalité, le concept d’émotions négatives ne fonctionne pas. Il n’existe même pas. L’émotion est l’émotion. L’émotion est ce qui nous met en mouvement, ce qui nous motive à entreprendre certaines activités, ce qui nous motive à respecter nos besoins. Par exemple, la tristesse est l’émotion qui nous motive à nous retirer, à trouver un moment pour soi afin de regarder dans les profondeurs de notre être et réfléchir, à « digérer » quelque chose qui est important pour nous. La frustration est une émotion qui nous motive à arrêter une action, une tâche, ou à faire des changements dans le monde externe afin de faire quelque chose qui va briser notre frustration. Alors que la culpabilité est l’émotion qui nous motive à nous souvenir de quelques évènements du passé afin d’en tirer les enseignements de ce qui nous est vraiment vital.
Chaque état émotionnel est comme un panneau indicateur, un signe qui dirige notre attention sur un secteur spécifique de la réalité. Il dirige notre attention là, où nous devons réellement nous concentrer. Une émotion donne une forme, un poids à certaines situations pour éviter de les exclure, pour éviter de nous détourner de ces situations, pour que nous ne les ignorions pas.
Cependant, en psychologie nous pouvons observer la notion « d’émotions destructrices ». Il existe même un livre dont cette expression est dans le titre : « Surmonter les émotions destructrices« par Daniel Goleman, – l’auteur de la fameuse « Intelligence Emotionnelle« . Il a rédigé ce livre en collaboration avec le Dalaï Lama, et il y tente d’associer la compréhension des états psychiques et émotionnels du monde occidental avec l’approche orientale, en fonction de notre façon de ressentir nos émotions. Cette combinaison donne une étonnante compréhension du comportement de nos états émotionnels. Une émotion devient destructrice quand nous l’étouffons, quand nous ne voulons pas la comprendre, lorsque nous ne voulons pas la ressentir, quand nous voulons la cacher pour ne jamais la vivre. Dès lors, toutes ces émotions s’accumulent en nous, jusqu’à provoquer une explosion où nous perdons notre maitrise de soi.
Lorsque nous tentons d’étouffer une émotion – quand nous évitons de l’exprimer, quand nous refusons de la comprendre, quand nous ne regardons pas en profondeur afin de ressentir nos états d’âmes, nos états psychiques – elle devient négative. Par conséquent, elle s’ancre en nous et demeure bien plus longtemps dans notre corps que ce qu’elle devrait vraiment y rester. Elle devient alors destructrice. Ce fait nous mène vers divers problèmes dans la vie, parfois au conflit relationnel, parfois au burn-out, parfois à la dépression, à la maladie…
Les émotions sont un mécanisme dans notre évolution, qui a pour objectif de nous motiver à agir. Refouler les émotions est l’une des raisons pour laquelle elles deviennent destructrices.
Le meilleur moyen de faire face à nos émotions est de faire quelque chose de totalement contraire. C’est-à-dire, plutôt que de fuir nos émotions, plutôt que les étouffer, il est important d’apprendre à les gérer, à les maitriser, en observant nos états internes, nos états mentaux. Il s’agit d’observer notre corps physique et de ressentir cette émotion là où elle s’exprime, où elle se manifeste dans le corps et tenter de savoir d’où elle vient, quelle situation l’a provoquée. Il s’agit tout simplement de la reconnaitre, en restant un moment en « tête à tête » avec elle afin de mieux la comprendre.
Fritz Perls, le créateur de la Gestalt-thérapie, a dit un jour que les émotions sont le langage de notre corps. J’y adhère complétement. Les émotions sont des signaux, des indicateurs de notre corps, qui nous informent en partie de notre personnalité, en partie de notre univers mental. Ils nous informent de ce sur quoi nous devrions porter notre attention, de ce dont nous avons besoin de nous occuper.
Quand nous voulons à tout prix y échapper, l’émotion devient destructrice et gagne en intensité, en force et en puissance. Nous sommes pris au piège dans un nœud d’où nous ne parvenons pas nous sauver. Nous avons l’impression que ces émotions nous anéantissent. La clé pour nous en libérer définitivement est donc l’observation, la compréhension, l’écoute… Ce qui nous permettra d’apprendre énormément de choses intéressantes sur nous-mêmes.
Bien sûr, les émotions peuvent être désagréables, mais cela ne signifie pas qu’elles sont négatives, car il n’existe pas de mauvaise émotion. Chaque émotion se manifeste pour une raison. Nous avons donc besoin de chaque émotion pour comprendre et transcender une situation, un évènement bien précis. Quand nous apprenons à comprendre et à ressentir les émotions, nous grandissons, ce qui nous mène vers un réel épanouissement.
Je t’invite à la réflexion : que se passerait-t-il, si tu ne classais pas les émotions en négatives et positives ? Que se passerait-t-il si tu avais de la curiosité et de l’ouverture à toutes les émotions que tu ressens ? Peut-être découvrirais-tu quelque chose d’intéressant à ton sujet ?
Retrouvez les chroniques de Agnieszka Rouyer sur la Presse Galactique
[do_widget id=text-85]