par Fabrice Midal

Comment nous sommes poussés à bout

Sans même nous en rendre compte, nous avons souvent peur de ce que nous sommes. Depuis notre enfance, nous subissons une forte pression qui nous dit que nous devrions être plus comme ceci, moins comme cela. Du reste, ne pourrions-nous pas faire encore plus, faire encore mieux ? Nous avons fini par intégrer cette pression et nous avons tout le temps peur d’être pris en faute. C’est souvent une seconde nature.
Nous avons peur, parce que nous avons l’impression que ce que nous sommes ne va jamais, n’est jamais assez bien. Une femme m’a raconté que lorsqu’elle était une jeune mère, un jour où elle faisait un compliment à son enfant, sa mère lui a dit : « Tu ne dois surtout pas lui dire des choses gentilles, car tu vas le gâcher. »

Voilà l’atmosphère dans laquelle nous grandissons. Nous pensons que si nous faisons un compliment à quelqu’un, si nous lui disons qu’il est bon qu’il soit comme il est, il ne va plus avoir de volonté d’agir, de faire des efforts.

Il faudrait toujours nous pousser, faire mieux, être autrement  — donc maintenir la pression.

C’est complètement fou.

Comment nous nous maltraitons sans même nous en rendre compte

Un second élément joue ici : nous sommes particulièrement durs avec nous. Si on pouvait s’entendre à voix haute, nous serions choqués de voir à quel point nous nous parlons mal. On se dit à soi-même des choses que jamais nous n’oserions dire à quelqu’un d’autre : « Tu as fait telle erreur, quel con », « tu as oublié d’acheter le café, ma pauvre fille », « tu as raté ton train, c’est bien fait pour toi »…

Se foutre la paix, c’est dissoudre cette voix qui nous torture en permanence.

Il faut souvent pratiquer avec constance et pendant quelque temps pour réussir à repérer que nous sommes bien notre propre bourreau et que ce n’est pas nécessaire de continuer ainsi à se faire autant de mal.

S’autoriser à être comme nous sommes

Nous sommes convaincus que le changement ne peut venir que par un effort volontaire, et violent même, qui repose sur un jugement cassant sur soi-même et une manière de se « donner des coups de pied au cul ». On pense que c’est par là et par là seulement qu’on va enfin se bouger et réussir à changer.

Nous sommes tellement pris par cette idée que nous avons beaucoup de mal à comprendre que ce n’est pas vrai. Que se torturer n’est pas du tout une bonne idée. Que cela nous use. Nous épuise. Nous pousse à bout. Nous fait perdre tous nos moyens.

Le miracle qui advient quand on se fout la paix, c’est la découverte qu’il y a quelque chose en nous de plus grand que nous. Nous ne pouvons pas le contrôler. Nous pouvons juste lui donner place.

Dans les pratiques « foutez-vous la paix » que je transmets, on touche très vite un soulagement profond, parce qu’on se sent autorisé à être, à être comme nous sommes.

Il n’y a pas d’âge, pas de condition, pour pouvoir se foutre la paix et toucher cet espace.

Le seul bon moment c’est maintenant.

Même des gens qui sont en train de mourir peuvent faire cette expérience. C’est l’une des choses qui m’a le plus frappé quand j’ai accompagné des gens dans cette épreuve. Ils peuvent sentir que malgré la situation, malgré la douleur, tout est ok. De manière très profonde, c’est cela se foutre la paix.

Aussi imparfait soit-on, aussi grande que soient nos difficultés, pouvons-nous sentir que nous avons absolument le droit d’être comme nous sommes, malgré tout ?

Se foutre la paix, c’est découvrir que l’on a le droit d’être, sans raison, pour rien et c’est un profond soulagement.

Même si nous avons mal quelque part, si nous sommes tristes, si la situation n’est pas parfaite, nous pouvons quand même être ce que l’on est. Nous n’avons pas besoin d’être parfaits. Nous n’avons pas besoin d’être irréprochables. Nous n’avons pas besoin de vivre une situation où tout est parfait. Où il fait toujours beau. Où tout le monde est compréhensif et chaleureux. Où il n’y a pas de guerre. Où les fleurs poussent et ne se fanent jamais.

Quand on se fout la paix, on découvre ainsi deux choses : un soulagement qui vient au fait de toucher la racine de la vie en nous et on se rencontre en toute vérité, nous établissons un lien profond avec qui nous sommes.

Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation

Source: https://www.monde-omkar.com