Deux groupes de chercheurs ont indépendamment montré qu’un des rouages importants du système des courants océaniques qui traversent l’Atlantique aurait atteint son intensité la plus faible en 1600 ans. Ces observations ont des implications importantes, tant pour le climat que pour la biodiversité.
Un texte de Renaud Manuguerra-Gagné
L’impact des changements climatiques sur les écosystèmes à travers le monde est de mieux en mieux compris, mais un élément qui soulève toujours des questions est le rythme auquel ils vont se produire. Ces effets vont-ils se manifester dans quelques décennies ou dans plusieurs centaines d’années?
Toutefois, de plus en plus d’études montrent que ceux-ci vont survenir plus rapidement qu’on ne le croyait.
Celui qui fait couler le plus d’encre est le ralentissement du Gulf Stream dans l’Atlantique. Ce courant océanique, qui amène l’eau chaude des tropiques vers le nord, est essentiel pour la vie marine et pour le climat.
Deux articles publiés récemment dans la revue Nature indiquent qu’une portion de ce mécanisme, appelé « la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique », aurait perdu jusqu’à 15 % de sa force, un minimum jamais vu au cours du dernier millénaire.
Comprendre le passé pour prévoir l’avenir
Les premiers indices de cette situation ont été répertoriés en 2004 après la mise en fonction de capteurs dans cette région de l’Atlantique. Les données obtenues au cours de cette décennie n’étaient toutefois pas suffisantes pour indiquer si ce ralentissement constitue un événement ponctuel ou une grande tendance.
Pour mieux comprendre, les chercheurs se sont tournés vers des marqueurs paléoclimatiques, des relevés anciens qui donnent des indices sur le climat du passé.
L’un des groupes a utilisé des carottes de sédiments pour y suivre des fossiles d’organismes, qui vivaient dans des eaux de différentes températures, ou la présence de certains sédiments qui auraient été transportés par des courants plus forts.
Les autres chercheurs ont examiné des relevés de températures de la fin du 19e siècle jusqu’à nos jours.
La première étude a montré que le courant a été relativement stable entre l’an 400 et 1850. Par la suite, les deux groupes observent un ralentissement, mais ne s’entendent toutefois pas sur le moment précis de son affaiblissement.
L’étude qui utilise les relevés de températures situe cette baisse vers 1950 et implique l’activité humaine, tandis que celle qui utilise les sédiments la place en 1850 et attribue une partie du blâme à la fin du petit âge glaciaire, une période plus froide entre le 14e et le 19e siècle.
Les deux groupes de chercheurs s’entendent pour dire que leurs résultats sont complémentaires et mettent en cause l’apport d’eau douce causé par la fonte des glaciers.
Normalement, en arrivant près de l’Arctique, l’eau se refroidit, ce qui la rend plus dense. Elle plonge alors vers les profondeurs, entraînant avec elle l’oxygène nécessaire à la vie marine, et va alors retourner vers l’équateur et se réchauffer.
La chaleur de plus en plus élevée près des pôles et l’apport en eau douce par la fonte des glaciers perturbent ce processus et contribuent à son ralentissement.
Un ralentissement des courants océaniques pourrait piéger plus de chaleur au sud, ce qui aurait un effet important sur la température, le niveau de l’eau ou les tempêtes tropicales.
Le suivi des courants au cours des prochaines années permettra de vérifier à quel point les changements climatiques causés par l’humain contribuent à ce ralentissement. La confirmation de ce phénomène pourrait avoir un effet sur les prévisions des modèles actuels.
Source: https://ici.radio-canada.ca/