Se recentrer sur soi par l’esprit, apprendre à faire le vide dans sa tête: la méditation est aujourd’hui largement plébiscitée. Pourtant, il existe d’autres méthodes pour se sentir bien. La preuve avec nos témoins.
par Par Leslie Rezzoug
Ce n’est plus une tendance, c’est une lame de fond: la méditation est partout. Dans un bar parisien récemment ouvert et entièrement dédié à la pratique, sur les applications de nos téléphones et même sur YouTube avec des conférences dispensées par des spécialistes comme Christophe André ou Matthieu Ricard. Même les enfants sont aujourd’hui invités à tenter l’expérience. Au coeur de la philosophie bouddhiste, cette pratique consiste à faire le vide, à laisser passer ses pensées sans s’y arrêter pour atteindre un état d’esprit plus serein et apaisé.
« Rapidement, je me suis sentie nulle »
Malgré l’ampleur du phénomène, certains irréductibles restent réfractaires à la méditation, à moins qu’ils ne parviennent tout simplement pas à s’y mettre, malgré leur bonne volonté. C’est le cas de Michelle, 45 ans. « Mes amies ne cessaient de me vanter les bienfaits de la méditation, me disant que cela avait changé leur vie, qu’il suffisait de pratiquer quelques minutes chaque jour pour se sentir mieux. J’ai voulu tenter le coup », se souvient Michelle.
« J’ai téléchargé une application que j’écoutais religieusement chaque matin, sans rien ressentir de particulier si ce n’est une forme d’agacement à force d’écouter la voix douce qui me guidait. Je me sentais un peu ridicule assise en tailleur à attendre une potentielle épiphanie. Au bout d’une semaine, j’ai tout arrêté et je ne m’en porte pas plus mal », s’exclame-t-elle.
Même son de cloche chez Violette, 29 ans. « C’est très à la mode, alors en bonne parisienne ultra connectée, persuadée d’avoir une vie ingérable, je me suis lancée avec enthousiasme. Mal m’en a pris. Je n’arrivais à rien, je ne parvenais pas à laisser passer mes pensées sans m’y arrêter. Rapidement, je me suis sentie nulle, comme si au fond, j’étais incapable d’intériorité, d’introspection, de profondeur. »
Un club divisé entre ceux qui « y arrivent » et les autres
Quand le lâcher-prise sert de prétexte pour se dévaloriser, le bien-être n’est plus au rendez-vous, remplacé par une volonté de performance. A l’image des retraites spirituelles ou de la pratique assidue du yoga, la médiation devient une sorte de club fermé, divisé entre ceux qui « y arrivent » et les autres, incapables de parvenir à un haut degré de connaissance d’eux-mêmes.
S’il est de bon ton de trouver ces pratiques enrichissantes et bénéfiques pour l’âme, il arrive fréquemment qu’on les maîtrise mal ou que l’on s’y lance sans connaissance préalable. Pour Hugo, 30 ans, c’est d’ailleurs un véritable problème. « Je vois dans cette folie de la méditation une forme d’appropriation culturelle qui me dérange. Je ne dis pas qu’il ne faut pas essayer, mais que cette méthode repose sur des fondations culturelles et intellectuelles très profondes. Il me semble un peu naïf de penser que l’on puisse y avoir accès en un cours dans un studio bobo parisien. Au fond, on prend les choses dans le mauvais sens, en s’essayant à la méditation sans vraiment savoir pourquoi. »
LIRE AUSSI >> « Les sagesses orientales montrent que l’essentiel est sous nos yeux »
A chacun sa manière de déconnecter
Et si au lieu de se considérer comme inapte à la méditation pour cause de stress ou de manque de concentration, on revenait à des choses qui nous font spontanément du bien? Michelle a ainsi décidé de se mettre au jardinage.
« Je n’avais jamais pratiqué cette activité, qui me ramenait à mon enfance à la campagne. J’avais même une sorte de mépris pour tout ce qui touche à la terre, comme si je voulais m’en éloigner absolument, explique-t-elle. Depuis que j’ai une petite maison de campagne, je m’y mets peu à peu. Mon but n’est pas de faire pousser des légumes à cuisiner -même s’ils ont meilleur goût- mais de faire quelque chose de manuel. Je réalise que c’est de cette manière que je déconnecte, que je suis dans ‘l’instant présent‘ cher aux chantres de la méditation. »
« J’essaye d’être le plus bienveillant possible »
« A force de vouloir déstresser à tout prix, j’étais complètement tendue, s’exclame Violette. Depuis peu, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas que la méditation qui amenait la paix de l’esprit. Pour y parvenir, il ne faut surtout pas se forcer, reprend-t-elle. C’est comme le sport: ce n’est pas en s’astreignant à une activité qui nous déplaît que l’on va retrouver le gout de l’exercice physique. Une fois débarrassée de ces a priori, je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de ‘micro-moments’ où je me sentais bien: devant un feu de cheminée par exemple. Je ne pense à rien, je m’assoupis presque. Je ressens la même chose quand je marche avec de la musique dans les oreilles. Cela n’arrive pas à tous les coups, mais identifier ces moments me permet de m’y raccrocher et de faire ce qu’il faut quand je me sens mal », souligne Violette.
Plus qu’une pratique à insérer bon gré mal gré dans un quotidien chargé, méditer serait un état d’esprit, une manière d’envisager sereinement les événements tel qu’ils surviennent. C’est en tout cas la vision d’Hugo: « Je ne sais pas si je médite, mais j’essaye d’être le plus bienveillant possible avec moi et avec les autres, de ne faire qu’une chose à la fois et de profiter des moments agréables sans me laisser parasiter. C’est déjà pas mal, non? »
Source: https://www.lexpress.fr/