par Eric Müller

Ou pour la plupart d’entre nous, tout simplement « une banane »…

… parce que la variété Cavendish représente 99 % des exports.

Il faut savoir que la banane se vend mieux que tous les autres produits frais au supermarché… pommes, raisins, oranges !

La banane est aussi un aliment de base dans les pays pauvres, à côté du riz, du blé et du maïs.

… ce qui est logique :

  • La banane est riche en nutriments (potassium, vitamine B6, fibres et glucides pour vous donner de l’énergie immédiate)
  • Elle est naturellement préemballée, donc facile à transporter
  • Elle est sympathique (les enfants l’adorent)
  • Elle ne coûte (quasiment) rien.

Un fruit exotique moins cher que nos fruits locaux !?

En France, les bananes coûtent en moyenne 1,60€ le kilo (1,94€ si bio).

Ça fait 26 centimes/pièce… 26 centimes pour un fruit exotique !

A tel point, qu’Amazon a installé un stand à Seattle pour distribuer des bananes gratuitement. En deux ans, ils ont distribué 1,7 millions de bananes gratuites. Rien que ça !

Par comparaison, les oranges coûtent en moyenne 2,59€ le kilo. Les fraises, 11,87€. Et même une pomme toute bête coûte en moyenne 2,30€ le kilo.

Le plus bizarre, c’est que la banane est exigeante :

  • Elle a besoin d’une terre très riche
  • D’être protégée du vent
  • Et de recevoir beaucoup (beaucoup) d’eau

Tout ça fait que la banane ne pousse que dans des régions limitées – entre les latitudes de 30° Nord et 30° Sud.

Ça élimine l’Europe, l’Amérique du Nord (excepté le Mexique), et toute l’Asie du Nord.

Il reste :

  • L’Inde (1er producteur mondial)
  • La Chine du sud (2e producteur mondial)
  • Les Philippines (3e producteur mondial, et 2e pays exportateur)
  • L’Équateur (4e producteur mondial, et 1er pays exportateur)
  • Le Brésil (6e producteur mondial)

Cela veut dire que nos bananes de supermarché ont parcouru 7000 km, au bas mot… !

Par comparaison, le pommier pousse partout dans nos régions. Y compris à quelques kilomètres d’un supermarché de province. Il s’adapte aux différentes qualités de sol. Il résiste aux hivers froids et aux étés chauds. Et des dizaines de variétés de pommes se font concurrence.

Comment est-il possible qu’une banane vendue à Angers (et qui a traversé l’Atlantique) soit moins chère qu’une pomme produite à quelques kilomètres de là, au sud de la Loire ?

La réponse est…

La réponse, c’est… le conteneur

Le sort de la banane, et de 90% des produits que nous achetons, est lié au CONTENEUR qui a bouleversé à jamais l’économie mondiale.

Le problème du transport maritime d’autrefois

Avant l’invention du conteneur, on savait que le transport maritime était très économique :

  • Il n’y a pas besoin de routes, ponts, tunnels, feux de signalisation à poser et à entretenir.
  • Une poignée de marins peut faire naviguer des bâtiments gigantesques. Les plus grands porte-conteneurs du monde, comme le Emma Maersk, ont un équipage de moins de 15 personnes. Et des sociétés comme Rolls Royce travaillent actuellement sur des navires sans pilote.

Entre les ports, tout allait bien, mais le transport maritime perdait beaucoup en temps (donc en efficacité) une fois au port.

Un voyage Le Havre-New York, prenait environ 12 jours. Mais une fois à destination, le déchargement et le chargement pouvaient prendre 7 jours !

Comment est-ce possible ? Parce que les dockers devaient soulever, porter et traîner des marchandises sous des formes très différentes, allant des barils, aux caisses en bois, en passant par les gros sacs en tissu.

C’était donc lent et inefficace.

On perdait 7 jours à payer une place au port, à payer les dockers pour un travail vraiment pénible, et pendant ce temps les marins étaient inoccupés… au lieu de faire d’autres traversées. Et donc un manque-à-gagner de 7 jours qui s’ajoute aux coûts de transport. Au final, ces pertes représentaient 60 à 75 % du prix du transport. Après avoir répercuté ces coûts sur le consommateur final, les produits étaient en moyenne 12% plus chers.

Mais tout a changé avec le conteneur.

Comment nous sommes parvenus à faire des économies colossales

Les transporteurs ont compris que leur métier n’était pas de transporter des bananes, des téléphones ou des voitures. Leur métier était de… transporter. Et s’ils pouvaient mettre les milliers de marchandises différentes dans une seule boîte, générique, solide, résistante, facile à déplacer, à empiler et à stocker… ils pourraient transformer des milliers de problèmes, en un seul problème : comment transporter une boîte bien connue d’un point A à un point B, aussi vite que possible[.

Ce qu’il y a dans la boîte n’a pas d’importance. D’ailleurs, la plupart des marins savent à peine ce qu’ils transportent.

Ainsi, les transporteurs pourraient gagner du temps, faire plus de livraisons, et réduire leurs coûts.

Les conteneurs ont aussi permis de :

  • réduire le coût des assurances
  • rendre le vol presque impossible
  • déplacer les marchandises facilement entre un bateau, un train et un semi-remorque

Une entreprise a calculé que réduire d’une seconde le temps nécessaire pour déplacer un conteneur au port permettait d’économiser 3500 euros par bateau par an.

Or ici, les transporteurs n’allaient pas économiser des secondes… ni des minutes, ni des heures… ils allaient économiser des journées !

Les conséquences indésirables du conteneur

Si vous êtes un docker, le conteneur standardisé est votre pire ennemi. Votre travail devient répétitif, moins qualifié et facile à automatiser.

Dès les années 1970, les syndicats de dockers ont tout essayé pour riposter. Et je n’ai pas la place ici de vous raconter la triste histoire des grands ports français.

Mais, le conteneur était inévitable…

La question qui restait en suspens était : QUEL format standard adopter ?

De nombreux formats ont été proposés, mais celui qui s’est imposé est le suivant :

  • Longueur : 20 pieds (6,058 m) ou 40 pieds (12,192 m)
  • Largeur : 8 pieds (2,438 m)
  • Hauteur : 8,5 pieds (2,591 m)

Dans les ports, les dockers ont laissé la place à des armées de grues qui déplacent des conteneurs de la façon la plus efficace.

Résultat, les bateaux se sont mis à passer beaucoup plus de temps en mer.

Les temps de transports maritimes sont devenus prévisibles avec une grande précision.

Au final, les coûts des transports maritimes ont tellement baissé qu’ils sont devenus insignifiants.

Ce qui importe désormais, c’est le coût de la main d’œuvre.

Or, dans les pays exportateurs de bananes, la main-d’œuvre est très bon marché.

Revenons à notre banane

C’est cette combinaison de :

  • coûts de main-d’œuvre bas
  • coûts de transports insignifiants
  • prévisibilité du transport maritime

… qui ont fait de la banane le parfait bien de consommation massive.

L’itinéraire de notre banane

La vie de notre bananier commence dans une pépinière, comme Vitropic, installée au nord de Montpellier.

De là, les jeunes pieds de bananiers sont expédiés par avion-cargo vers la République Dominicaine (si, si, et ça reste rentable !).

Puis, ils sont mis en laboratoire et en serre pour s’assurer qu’ils soient sains.

Ensuite, ils sont transportés vers les plantations où ils sont replantés.

Un an plus tard, les premières bananes, sont cueillies encore vertes… et dès cet instant, le chronomètre est lancé.

En effet, lorsqu’une banane commence à mûrir, il est impossible de revenir en arrière. Plus grave encore : si une seule banane se met à mûrir, elle va provoquer le mûrissement de toutes les bananes à proximité.

Petit rappel sur les fruits climactériques

Je vous en avais déjà parlé : la banane, la tomate, la pomme et l’avocat sont des fruits climactériques : leur mûrissement est déclenché par une hormone volatile, l’éthylène.

Si vous mettez des fruits climactériques ensemble dans une même corbeille, ils vont mûrir plus vite.

Comment protéger les bananes pendant le voyage en mer

Après la récolte de la banane, tout est planifié avec la plus grande minutie, pour éviter que les bananes ne mûrissent trop vite.

D’abord, les bananes sont triées. Toutes les bananes imparfaites sont soit vendues dans le pays de production, soit utilisées comme nourriture pour le bétail.

Ensuite, les bananes sont mises dans des conteneurs spéciaux, maintenus à la température contrôlée de 13,3°C. Ensuite, ces conteneurs de bananes sont scellés hermétiquement pour éviter tout contact avec l’air et avec la lumière durant le transport.

Ces conteneurs sont ensuite chargés sur des camions pour être amenés au port de Caucedo (à l’ouest de Saint-Domingue). Puis ils sont empilés sur un navire porte-conteneurs au rythme de 50 conteneurs à l’heure.

Pour vous donner une idée, un grand porte-conteneur peut transporter 80 millions de bananes – c’est assez de bananes pour 600 000 personnes pendant un an !

Ensuite notre navire traverse l’océan Atlantique jusqu’à Dunkerque (soit 7187 km).

Les bananes sont mises dans des chambres de mûrissement

Une fois en France, les conteneurs de bananes sont déchargés et les bananes entreposées dans des chambres de mûrissement. De l’éthylène (l’hormone volatile du mûrissement) est alors pulvérisé sur les bananes pour les faire mûrir. Rassurez-vous, c’est inoffensif.

Après cette étape, les bananes sont chargées sur des semi-remorques afin d’être transportées jusque sur nos étals et vendues 26 centimes/pièce ! Oui… on dirait que c’est de la magie.

Pourquoi la pomme ne profite-t-elle pas des économies du conteneur ? me direz-vous… et puis, en Europe, nous avons les subventions à l’agriculture qui font baisser les prix.

C’est vrai. Mais, à nouveau, les coûts de transports étant négligeables, la différence vient essentiellement du coût de main-d’œuvre. Que les vergers soient en France, ou même en Pologne, la main-d’œuvre reste plus chère qu’en République Dominicaine. L’ouvrier agricole polonais travaille pour 580 euros par mois[. Là où en Répulique Dominicaine, l’ouvrier agricole travaille pour 280 euros par mois.

Il n’est pas faux de dire que le conteneur met en concurrence directe toutes les régions du globe.

Si je fais abstraction de l’environnement (ça pollue), et du bien-fondé d’une telle entreprise (les Européens ont-ils vraiment besoin de bananes pour vivre ?), j’avoue être stupéfait du progrès et des économies qu’ont apporté les conteneurs.

Pour ma part, je constatais cette réalité sans la comprendre. Et j’espère vous avoir permis de progresser, vous aussi, dans votre compréhension du monde.

Bien à vous,

Eric Müller

Source : https://www.neo-nutrition.net/