par Nassrine Reza
Lorsque le non-accueil émotionnel pousse à la violence…
Ce témoignage, extrait d’un dialogue avec l’un de mes patients, vous invite à observer les ravages provoqués par le « non-accueil émotionnel ». Je souhaite humblement remercier mon patient de me permettre de partager avec vous un bout de son histoire de vie. Puisse-t-il vous aider à accueillir toute émotion, aussi insoutenable soit-elle…pour votre propre bien-être et réciproquement pour le bien-être de l’humanité…
Pensées lumineuses
Nassrine Reza
« Il a déjà consulté bon nombre de psychologues et de thérapeutes, mais rien ne change. Je ne sais pas si c’est une bonne idée que vous soyez seule avec lui. Il a de la peine à se gérer et je ne voudrais pas qu’il vous arrive quelque chose », me dit le frère de mon patient qui attendait à l’extérieur.
« Je vous remercie de votre attention, mais faites-le entrer et laissez-nous seuls s’il vous plait », lui répondis-je calmement. Un homme d’une stature imposante franchit la porte et s’assit sur la chaise sans dire un mot. Je l’observai un instant, puis lui tendis un verre d’eau.
« J’ai tué trois personnes », me dit-il promptement en rompant le silence. Son regard était plongé dans des souvenirs déchirants et sa mâchoire se crispa davantage. « Je ne pouvais plus me contrôler. La haine, la soif de vengeance, c’est tout ce qui comptait pour moi. Ils ont tué ma femme et mon enfant, sans raisons. Ils ont ri en me regardant pleurer. Et je suis devenu leur esclave », poursuivit-il, le visage dénué de toute émotion.
Mon patient fixa ses yeux bleus sur moi dans l’attente d’un sévère jugement. Au bout de quelques secondes, il marmonna : « Je vous en supplie, dites quelque chose ». « Je ne suis pas là pour vous juger, mais pour vous aider à retrouver votre amour-propre », rétorquai-je. « Mais je suis un meurtrier ! Je ne vaux pas plus que ces salauds ! », hurla-t-il soudainement. Une incroyable colère jaillit. Il me défia du regard : « Tous les thérapeutes que j’ai vu avaient peur de moi ! Pourquoi ne me craignez-vous pas ? », s’exclama-t-il. Il se leva d’un bond et à cet instant son frère fit irruption dans la salle.
« Laissez-nous s’il vous plait ! », lui ordonnai-je. « Mais ne voyez-vous pas qu’il est perdu ? Personne ne peut l’aider à se contrôler ! Le frère que j’ai connu est mort depuis longtemps ! ». Il lui tint fermement le bras pour essayer de le calmer. « En effet, personne ne peut l’aider, parce que lui seul a ce pouvoir », continuai-je. « Arrête de tout massacrer autour de toi ! », lui lança son frère en sortant.
« Qu’essayez-vous de massacrer ? », demandai-je à mon patient. Le corps tremblant, il dit : « Je ne sais pas ». « Qu’essayez-vous de massacrer ? », répétai-je en haussant le ton. « Foutez-moi la paix ! », aboya-t-il d’une voix menaçante. Je m’avançai vers lui. « Contre quoi faites-vous la guerre quotidiennement ? Qu’essayez-vous d’étouffer inlassablement ? Les personnes qui ont tué votre femme et votre fils sont mortes, alors qu’essayez-vous de combattre avec acharnement ? », insistai-je.
« Vous me faites mal », répondit-il en baissant les yeux. « Vos émotions souffrent parce que vous luttez férocement contre elles. Cette colère et cette haine ne pourront jamais se dissiper, si vous ne leur donnez pas le droit d’exister. « Si je fais cela, je risque de vous blesser ! », poursuivit-il, les poings serrés. Je m’avançai davantage et lui posai délicatement ma main sur son visage, marqué par une insoutenable souffrance. « Si vous reconnaissez pleinement cette haine, si vous l’accueillez sans jugements, alors vous allez enfin pouvoir guérir. Plus vous luttez contre, plus elle fait des ravages », ajoutai-je avec compassion.
En quelques secondes, il réussit à remplacer cette lutte atroce contre la haine par une énergie d’accueil et de bienveillance à son égard. Il pleura toutes les larmes de son corps. « Jamais je ne pourrai me pardonner », sanglota-t-il. « Vous avez suffisamment souffert. Ne vous punissez pas davantage. Vous avez essayé de protéger votre femme et votre enfant. Vous avez été courageux », lui dis-je. « Nassrine, je ne voulais pas tuer ces personnes ! ». « Je sais. En tuant ces personnes, vous pensiez pouvoir tuer la colère. Mais maintenant cette violence n’a plus lieu d’être, parce que vous avez fait la paix avec la haine ».
Pendant un an, mon patient a appris à accueillir ses émotions. Il comprit que l’unique chose qu’il avait toujours souhaité anéantir, n’était ni ses souvenirs, ni ces personnes qui lui ont ôté sa famille. Au contraire, tout ce qui l’avait poussé à agir de la sorte n’était qu’une immense colère non-accueillie qui grondait au cœur de son être…
Aujourd’hui, il a fondé une nouvelle famille et il est retourné vivre à Sarajevo.
(Extrait du livre « Le Pouvoir de l’Accueil – renaître en un seul instant »)
(Extrait du livre « Le Pouvoir de l’Accueil -renaître en un seul instant »)
Je vous souhaite une semaine emplie de douceur et de bienveillance à votre égard !
Pensées lumineuses
Nassrine Reza
Retrouvez les chroniques de Nassrine Reza sur la Presse Galactique
[widgets_on_pages id= »COPYRIGHT »]