par Jean-Louis Servan-Schreiber
1) Respect de son corps
Maltraiter son corps, c’est saboter le récepteur de nos sensations. Etre encombré par lui, c’est se rendre indisponible pour des communions essentielles : avec la nature, avec les autres. Même si l’on n’a pas envie d’aller jusqu’à l’ascèse, un entretien minimum de notre enveloppe charnelle, et le refus de tout ce qui l’abîme prématurément, constituent le premier pas indispensable vers un mieux-vivre.
2) Intériorité
Pour retrouver une disponibilité à soi-même, et aux autres, il faut pouvoir se protéger contre les dispersions bruyantes du monde contemporain. Savoir fermer les yeux pour regarder à l’intérieur de soi est l’étape concrète vers une nouvelle prise de conscience de notre vécu. Ce n’est pas un hasard si toutes les sagesses proposent des exercices (dont les plus connus sont la méditation et le yoga) destinés à nous remettre à l’écoute de nous-mêmes.
3) Disponibilité au réel
L’ennemi intime du sage, c’est l’illusion. Et même, selon certains, l’espoir. Car les deux nous font décoller du réel. Or, le réel, c’est le tout de ce que nous offre l’existence. Savoir l’admettre, le reconnaître tel qu’il est, quelle que soit notre envie de l’embellir, voire de le nier, est un précepte quasi sacré des sagesses.
Ce qui implique de cultiver sa disponibilité à tous les messages du réel, pour éviter que nos blocages psychologiques fassent écran entre nous et cette perception essentielle. On pourrait dire qu’il suffit de se rendre vulnérable à l’évidence.
4) Distanciation/détachement
Le monde (le réel) est trop puissant, trop multiple, trop complexe pour nos faibles capacités à l’appréhender, à le traiter. Si l’on se laisse emporter, il peut nous engloutir, ou nous laminer. Un pas de côté, salvateur, la distanciation, doit devenir un réflexe à cultiver. Un moyen précieux, en particulier, pour ne pas être l’esclave de ce qui nous offre, à la fois, nos plaisirs et nos souffrances : nos émotions. Et il nous permet de moins dépendre des turbulences de notre ego.
En complément, le détachement libère le sage des contingences, en particulier matérielles, qui aliènent la plupart de ses contemporains.
5) Ni préjugés ni jugements
C’est dans nos rapports aux autres, dont nous ne pouvons/voulons pas nous passer, que nos a priori sont les plus encombrants. L’éducation, quelle qu’elle soit, ne peut s’empêcher de nous barder de préjugés, d’idées préconçues, voire de sectarismes. S’en défaire pour accéder à nos semblables sans les juger implique un travail quasi permanent sur nous-mêmes. Notre réflexe instinctif est de nous faire instantanément une opinion sur ceux que nous croisons ou pratiquons. Au jugement, essayons de substituer l’effort de compréhension.
6) Vivre au présent
Le respect du réel, le refus de l’illusion, portent naturellement à reconnaître que le passé n’est plus, et que le futur n’est pas encore. D’où l’ancrage, fondamental, dans le moment, l’ici et maintenant. Il ne s’agit ni de nier l’expérience ni de promouvoir l’insouciance, mais d’exercer notre conscience de l’instant dans le but de le vivre pleinement. Pour mieux vivre, il faut d’abord vivre, c’est-à-dire agir. Et l’action se passe toujours au présent.
7) Apprivoiser la mort
Le réel ultime, indépassable, c’est la mort, qui nous est commune. Vouloir l’oublier, en avoir peur, faussent tout notre équilibre existentiel. Il n’est pas besoin de croire à une vie ultérieure, ou éternelle, pour s’accommoder de notre mortalité. Il faut dialoguer avec elle jusqu’à ce que l’on se rende compte qu’elle seule peut donner ses vraies couleurs à la vie. C’est alors que le présent trouve sa dimension d’éternité.
Il n’y a pas de sagesse en kit. Les pistes ci-dessus ne sont pas, ne peuvent pas être des recettes de vie. Elles permettent cependant de mieux se repérer au milieu d’une littérature foisonnante sur la sagesse, qu’elle soit orientale, amérindienne ou issue de nos cultures proches. Les vrais sages sont bien peu nombreux, mais l’amour de la sagesse (philo-sophia) n’est-il pas le commencement de la sagesse ? Et ça, tout le monde peut y prétendre.
Source: http://www.psychologies.com/