par Yoann Vidor
Un article paru il y a quatre mois dans le journal en ligne Les Échos Start, titrait que le critère de réussite n°1 pour les 18-34 ans aujourd’hui était l’argent –et de préciser dans le chapeau que si 76% des Français affirment qu’avoir une bonne santé constitue un critère de réussite dans la vie, les 18-34 ans, eux, préfèrent l’argent. Pff… Bande de p’tits cons !
Génération « ? »
En français, la génération Y (why) se prononce « pourquoi ». « Pourkwaaaaaaaa… ? Parce queuhhhhhhhhh… »
Le folklore des années fric
Si vous êtes nés dans les années 80, vous avez forcément connu les bandeaux de transpiration fluo, le club Dorothée, les pubs où des femmes libérées affichaient volontiers leurs seins, le « toutouyoutou » de Véronique & Davina, le mur de Berlin puis sa chute, Coluche et son (soi-disant) accident, l’inauguration de Disneyland Paris en même temps que la guerre du Golf, la force tranquille de Mitterrand puis la fracture sociale de Chirac…
Bref ! Je pourrai continuer ainsi pendant des heures, à faire revivre le folklore des années fric. Car oui, les années 80 furent marquées par l’avènement du roi-fric et à en croire l’article du journal Les Échos, pour les bambins qui voyaient le jour pour la première fois en même temps qu’ils découvraient le visage de Gordon Gekko (Wall Street), la vie a gardé comme un goût amer et métallique de money avec pour seules vertus à développer l’avarice et l’ambition.
Sales gamins des années 80
C’est vrai que le portrait que dressent les sociologues et les journalistes des rejetons de l’ère boursière est peu reluisant. On prête volontiers à la génération Y tous les travers de l’égoïsme liés au « laisser-faire / laisser grandir » de l’enfant roi (merci Dolto !), on nous dit qu’ils remettent en cause sans cesse les contraintes qu’on leur impose (« Hein, quoi ? Pourquoi je ferais ça moi ? ») et qu’ils préfèrent la gratification immédiate et la récompense sans passer par la case effort. Autant dire des gros glandus, des feignasses, des assistés qui ont vu leurs parents, ou leurs ainés profiter d’un système d’aide sociale et de combines pour s’en sortir sans trop trimer, et ainsi jouir de tout sans rien donner en retour.
C’est tout ? C’est ça la génération Y ? Des 18-34 ans sans autre ambition que de mener une vie conforme et matérielle ?
C’est ce que semble mettre en avant l’article (qui moi, très franchement, m’a fait hurler au point de me demander si j’étais bien né en 1985 !) en expliquant, statistiques à l’appui, que chez les plus jeunes, de 18 à 25 ans et jusqu’à 34 ans, le plus fort désir est celui de gagner de l’argent. Et même, beaucoup d’argent…
Alors du coup, on ne sera pas étonné d’apprendre que la célébrité constitue également une autre aspiration très forte pour ces mêmes jeunes (plus de la moitié des 18-24 ans nous dit-on, contre 37% pour tout âge confondu), montrant par là à quel point le système consumériste a corrompu toute aspiration chez nos « enfants du millénaire » (Millenials) et chez les Y. Mais restons-en à la lettre Y (on s’occupera des Z bientôt)…
Smells like teen spirit
Il faut reconnaître qu’en France (et en Occident) ces trente dernières années n’ont offert aucun modèle d’inspiration, mais que des modèles d’ambition : vouloir être connu et reconnu (amplifié par la télé-réalité et la « starification » immédiate), vouloir être riche (les fortunes gagnées en quelques nanosecondes par les traders), vouloir être à la tête d’une start-up d’envergure (les modèles de start-up 2.0, chaussons aux pieds et mug à café à la main, comme Facebook et Mark Zuckerberg font rêver par leur potentiel de croissance exponentiel). Et dernier point très intéressant que relève l’auteur de l’article : il semblerait que chez ces mêmes 18-34 ans, le facteur premier qui conditionne la réussite ne sont pas les études, ni même le dur labeur. Non ! C’est le hasard. Ils sont les plus nombreux à considérer que « la chance joue » dans leur parcours, comme si le hasard était leur meilleur atout pour se frayer un chemin sur Terre. Nihilisme Kurt Cobainien ? Apathie ? Ou indigence de l’esprit et de l’âme ?
Triste, triste génération « pourquoi »
Elle ne parvient pas à réaliser tous ses fantasmes de carrière, ne parvient pas non plus à combler les espoirs de réussite que les parents avaient misés sur elle, et qui vit somme toute très frustrée, dans un monde désenchanté qui n’a offert aucun idéal en trente ans (ah si, le chômage, le sida, la crise, le terrorisme, Hollande et Macron…). Une société qui ne lui renvoie pas l’image qu’elle avait d’elle-même, elle, la génération AB Productions insouciante. Où sont passées les opportunités géniales de réussite et d’ascension sociale ?
« Pourkwaaaaa c’est si dur ? Parce queuhhhhhhhhh…
nous avons inversé les priorités, en croyant que l’argent comme le confort matériel qu’il offrait, étaient les uniques voies de réussite dans la vie
Résultat : des wagons entiers de jeunes se sont engagés sur des voies de garage, dans des études qui ne les intéressaient pas, ont choisi des secteurs liés aux services et au commerce qui embauchaient massivement tout en promettant une possibilité d’ascension sociale au sein d’une hiérarchie, pour devenir chef de ceci ou directeur de cela. D’autres se sont mis en tête de devenir leur propre patron pour échapper aux contraintes, et puis beaucoup se sont rendus compte que l’indépendance avait un prix (l’insécurité, l’obligation de marner pour finir son mois)… On a cru que réussir dans la vie, c’était se donner les moyens matériels de vivre à l’abri de l’insécurité. Des bien-pensants ont instillé en nous l’idée que la vie entière représentait un challenge de chaque instant (« être le meilleur » dès l’école primaire) et que pour relever ce défi, il fallait mettre toutes les chances de son côté (entendez jouer solo et égoïste), s’assurer, se protéger, prévoir, épargner, cotiser pour enfin vivre à l’abri du besoin. Tout ÇA, pour ça… Suprême arnaque qui a plombé (presque) toute une génération.
Oui, j’ai grandi comme tant d’autres dans une fable, mais pas une fable morale de La Fontaine. Comme beaucoup des 18-34 ans, on m’a inculqué avec une bonne intention, que la priorité dans la vie, c’était d’avoir une tête bien pleine et bien faite, pour réussir mes études et ainsi trouver un bon travail, sésame d’une vie bien cadrée. Ensuite, m’a-t-on dit, tous les bénéfices à retirer de cette ascèse professionnelle (le bon salaire, le pavillon de banlieue, la belle voiture) serviraient à financer des loisirs, des hobbies qui seraient des moments d’évasion…
En fait, ce schéma propose de consacrer son énergie vitale à gagner sa vie pour la vivre à la marge, c’est-à-dire dans les temps morts du weekend, des RTT, des congés payés, des jours fériés… Mais l’épanouissement de l’individu ne figure pas en tête de ce programme
Car le leurre dans cette fable est que l’argent, qui ne devait être qu’un moyen (l’outil) a fini par devenir le but (« gagner beaucoup d’argent ») et ce but nous fait perdre les moyens de nous réaliser en tant qu’être. Ce logiciel « gagner sa vie » ne pose pas en condition absolue la quête du Soi, mais la jouissance du moi. Or, cette inversion des valeurs ne permet pas de partir à la recherche de ses dons et talents, n’offre pas le temps de découvrir qui nous sommes vraiment ni ce que nous sommes venus accomplir sur cette Terre…
Génération « ! »
Alors j’aimerais croire que le journaliste des Échos n’a interviewé que des fils de boursiers, des enfants de riches banquiers suisses ou des gosses de stars pour dresser un tableau accablant et aussi matérialiste des Y (on dirait que les résultats du sondage prouvent que les 18-34 ans ont tous été drogués à coup de « Amour, Gloire Beauté »). Mais non !
C’est pas sorcier!
Comment redorer le blason de la génération Y qui passe décidément pour la génération des « losers », des dents qui rayent le parquet mais qui joue petit bras, qui ne cotise pas pour ses ainés (et préfère les laisser à l’hospice -ah, p’tits cons), celle qui veut tout avoir tout de suite, mais sans se donner les moyens d’y arriver ? Comment conclure mon papier? Telle est la question.
À la fable « réussir dans la vie », il faut substituer la nouvelle aventure « réussir sa vie » et ainsi permettre à la génération « ? » (pourquoi je ne trouve pas l’amour ? pourquoi ai-je tout ce que je désire sans être en joie ?) de transmuter ses désirs en aspirations. Ainsi, elle deviendra la génération « ! » (yeah !) en s’extirpant une bonne fois pour toute d’un système obsolète. Il faut se lancer, s’élever en découvrant qui l’on est ! Il est temps de transformer nos critères de réussite pour transformer ce monde. On en reparlera avec la génération Z… (là aussi y’a du boulot chez les Millenials)
Lire l’article sur Les Échos Start : https://start.lesechos.fr/rejoindre-une-entreprise/actu-recrutement/le-critere-de-reussite-n-1-pour-les-18-34-ans-l-argent-6104.php
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Yoann Vidor
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