par Caroline Faget
« – Souviens-toi il y a presque deux… » (Pour lire la première partie de « Entre ciel et terre » veuillez cliquer ici)
Sans écouter la fin de sa phrase je lance joyeusement :
« Alors ça y est je suis au Paradis ? Et toi tu es un ange n’est-ce pas ?»
Mon hôte rit de bon cœur et la lueur de ses yeux reflète une véritable bonté d’âme.
« Tu te trouves entre deux mondes. L’endroit où nous sommes est un lieu transitoire. Te souviens-tu de la montagne lorsque tu es arrivée ? Derrière elle se trouve l’accès à ce que tu nommes le Paradis… qui est encore plus haut. »
Alors que mon regard s’illumine de plaisir, sa voix se fait plus grave et profonde à présent :
« Mais tu n’es pas autorisée à y accéder avant d’avoir pris ta décision… »
Mon cœur si joyeux se teinte à présent d’une lueur plus sombre. Je baisse le regard comme un enfant pris en faute. Ses mots ont résonné comme une flèche. Je comprends que je ne pourrai pas éviter de prendre cette décision. Je comprends dans son regard que le fait d’être ici ne me soustrait pas à ce choix. Moi qui pensais m’en être débarrassée…Je me trompais…
J’ai passé mes derniers jours à essayer de peser le pour et le contre et soudain tout s’est accéléré sans que ma volonté ne décide de quoi que soit.
« Ne sois pas si triste ! » lance-t-il
« Tu es libre. Mais cette décision est importante et toi seule peux la prendre… »
« Nous devons faire vite car même si le temps ici ne s’écoule pas de la même façon que sur terre, les lignes du temps ne nous laissent pas le loisir de marquer une trop grande pause. »
Face à mon air interrogatif il m’explique :
« Il n’existe pas une seule ligne du temps mais plusieurs. Elles sont indépendantes les unes des autres mais parfois elles s’entrechoquent et s’interpénètrent. Dans cette configuration rare et particulière, des passages s’ouvrent et il est possible de passer dans une autre dimension terrestre ou galactique …Les points de jonction entre deux lignes temporelles ne durent que quelques heures du temps terrestre et c’est pour cette raison qu’il nous faut faire vite. L’indécision dans laquelle tu te trouves depuis quelques jours face au choix de « vivre » ou de « mourir » coïncide avec une jonction entre deux lignes du temps. Ton état t’a permis d’être transportée dans ce lieu spatio-temporel intermédiaire. C’est en quelque sorte une pause entre le temps et l’espace, la terre et le ciel, la « vie » et la » mort »… »
Il te faut prendre une décision importante et je suis là pour t’aider à choisir ta voie.»
« Très bien. Je vais nous faire gagner du temps car j’ai déjà pris ma décision» Dis-je avec empressement.
Et d’un air déterminé j’ajoute : « Je reste ici »
« Je connais déjà les deux possibilités qui s’ouvrent à moi : celle de rester ici pour enfin accéder au Paradis ou celle de revenir d’où je viens pour vivre sur terre une vie ennuyeuse et difficile. N’est-ce pas ? Alors pourquoi attendre davantage ? Pourquoi perdre du temps ? Puisque je te dis que j’en suis sûre ! ». Les mots qui sortent de ma bouche deviennent de plus en plus durs et mon visage s’enflamme.
Anaël reprend :
« Une vraie prise de décision implique d’envisager l’une ou l’autre possibilité dans un esprit calme et détendu. De plus, il ne s’agit pas simplement de te proposer deux possibilités. Car chaque chemin implique des conséquences. Et avant que tu prennes ta décision je dois te montrer certaines choses… des informations auxquelles tu n’as pas accès sur terre. »
Agacée je tourne la tête et me mets à souffler comme un enfant capricieux.
Anaël poursuit :
« Crois-moi, la meilleure décision vient toujours d’un calme intérieur. C’est comme un espace qui se libère en toi et dans lequel tu t’abandonnes. C’est l’espace divin qui se crée et dans lequel tu te laisses aller en toute confiance et sérénité, même si c’est une décision difficile. Il n’y a pas de combat dans cet espace, simplement la paix avec le Tout. Or, si je peux me permettre, ce n’est pas vraiment ce que je vois sur ton visage ! » En disant cela il sourit avec toujours cette immense bienveillance.
« En tant qu’âme, tu dois prendre tes responsabilités. Il est temps que nous commencions. »
Anaël m’invite à m’asseoir sur l’herbe fraîche et il dessine alors dans l’espace un carré qui se transforme en écran lumineux. « Je voudrais que tu te souviennes…il y a presque deux années terrestres… »
Dans cet écran, je me vois telle que je suis aujourd’hui. Je suis au milieu d’une assemblée d’une quinzaine de personnes, hommes et femmes confondus, dans une pièce ronde illuminée par une magnifique pierre de cristal posée au centre. Anaël est assis à côté de moi.
Je souris au milieu de tous ces êtres rayonnants que je semble bien connaître.
L’un d’eux, le plus âgé semble-t-il, prend la parole et s’adresse à moi :
« C’est avec beaucoup de bonheur et d’émotion que je préside le dernier conseil d’incarnation de notre chère âme Alaïa. Il me revient de décrire les grandes lignes de ses prochaines conditions de vie sur Terre telles que nous les avons décidées afin que son contrat d’âme soit le plus en accord avec ses besoins d’évolution. Il s’agit toujours, comme vous le savez, de choisir un environnement qui permettra à une âme d’évoluer au maximum de ses possibilités sans rendre cependant ses conditions trop difficiles. En effet, il ne faut pas qu’elle perde pied pour que son contrat soit réalisé jusqu’au bout. C’est donc un équilibre très délicat à trouver… »
Tout me revient alors. Tous les visages de ma famille d’âme défilent sur l’écran. Je les connais tous très bien car j’ai avec chacun d’eux un lien bien spécifique… Il y a mon père, ma mère, mon frère, des gens de ma famille, mes amis, mes futurs petits-amis et des personnes que je ne connais pas encore. Je me souviens à présent du contrat d’âme qui me lie avec chacun d’eux ! Il y a des liens très douloureux avec certains mais je comprends aussi que ces âmes-là sont celles qui me feront certainement le plus grandir.
Comment ai-je pu oublier tout cela ? Comment ai-je pu oublier que nous avons ensemble décidé d’un lieu sur Terre pour mieux nous retrouver ? Et pour recréer la vie dans ce lien qui nous unit.
Perdue dans mes émotions et mes pensées, je n’ai pas écouté une partie de ce que disait le chef de l’assemblée. Je reprends le fil de son exposition :
« …Voilà pourquoi, Alaïa, ton travail sur terre est d’une importance capitale dans cette nouvelle ère d’évolution et de transformations inédites. Tu es porteuse d’une mission aussi difficile qu’extraordinaire et de tout mon cœur je te souhaite bonne chance. J’ai le cœur serré car l’enjeu de ton incarnation est de taille mais nous croyons tous en toi et nous t’accompagnerons à chaque instant. Je sais aussi que tout est réuni pour qu’enfin tu réussisses… »
Une « mission difficile et extraordinaire » ? Pour « qu’enfin je réussisse ». Mais de quoi voulait-il parler au juste ?
A peine ai-je le temps de m’interroger sur ces mots bien mystérieux qu’Anaël touche à nouveau l’écran lumineux et fait apparaître de nouvelles images.
La scène que je vois, je la connais bien puisque c’est celle que je viens de quitter sur terre. Le bébé que je suis ne bouge plus. L’écran de l’ordinateur dessine un trait linéaire indiquant que je suis…morte…Il n’y a pas de son, comme pour me protéger de cette douleur qui de toute façon est palpable et insupportable bien qu’inaudible…
Mes parents crient de douleur…Ma mère est allongée sur un lit, plusieurs personnes sont obligées de la maintenir physiquement et une infirmière lui administre une injection. Elle tombe alors dans un sommeil profond. Mon père a un regard hébété et d’une tristesse incommensurable. Je vois un torrent de larmes qui coulent sur la broderie de mamie. Son corps tremble de douleur. Mon frère dont le regard était si doux s’en prend violemment à mes poupées. Il les déchire, les jette par terre et les piétine. Il crie et pleure.
Je ressens cette douleur profonde dans tous les cœurs. La confusion règne. Moi qui souhaitais tant retourner au Paradis, j’ai provoqué l’enfer sur terre et je me sens si triste de ce que je réalise comme étant une irresponsabilité de ma part. Car j’ai voulu mourir. C’est ce que je voulais au plus profond de moi. Je prends alors la mesure de mon inconscience et de mon pouvoir aussi puisque mon souhait de mourir s’est réalisé… Je me sens tellement coupable d’avoir créé ce chaos autour de moi… Mes larmes coulent.
Anaël me prend dans ses bras et me parle doucement :
« La scène que tu viens de voir ne s’est pas encore produite…Mais c’est ce qui se passera si tu décides de rester ici… »
« Tu as encore le choix. Je t’ai montré un futur possible. »
Fin de la seconde partie. La semaine prochaine je publierai le dénouement si vous êtes toujours intéressés?
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