Pourquoi les gens, à mesure qu’ils vieillissent semblent-ils perdre toute joie de vivre ?

Pourquoi sommes-nous si nombreux, une fois entrés dans la soi-disant maturité, à devenir ternes, insensibles à la joie, à la beauté, à l’immensité des cieux et aux merveilles de la terre ?

Lorsqu’on se pose ces questions, de nombreuses explications viennent à l’esprit. Nous sommes tellement préoccupés à nous-mêmes – c‘est une explication. Nous luttons pour devenir quelqu’un, pour réussir et pour maintenir une certaine situation ; nous avons des enfants ainsi que d’autres responsabilités, et nous devons gagner de l’argent. Tous ces paramètres extérieurs deviennent très vite pesants, ce qui nous amène à perdre notre joie de vivre.

Lorsque nous observons les visages autour de nous dans la rue, voyons comme ils sont pour la plupart, tristes, rongés par les soucis et plutôt mal en point, repliés sur eux-mêmes, distants et parfois névrosés, sans un sourire. Vous êtes-vous demandé pourquoi ?

Je pense que ce qui nous détruit, ce sont ces efforts, ces luttes qui occupent quasiment chaque instant de notre vie. Si vous observez autour de vous, vous verrez que pour la plupart, l’existence est une succession de batailles contre eux-mêmes, contre leur mari ou leur femme, contre leurs voisins, contre la société ; et ils dissipent leur énergie dans ces affrontements perpétuels. Un Homme qui est joyeux, vraiment heureux, n’est pas esclave de l’effort ; et l’absence d’efforts n’est pas synonyme de stagnation, de bêtise, de stupidité. Au contraire, seuls les sages, ceux qui sont doués d’une intelligence exceptionnelle, sont réellement libres de tout effort, de toute lutte.

Souvent, lorsque nous entendons parler d’absence d’effort, nous envions cette situation, nous voulons parvenir à un état sans conflit ni lutte, nous en faisons donc un but, un idéal, que nous nous efforçons d’atteindre – et ce faisant, nous perdons notre joie de vivre nous aussi. Nous sommes pris de nouveau dans l’étau de l’effort, de la lutte. L’objet de cette lutte varie, mais toutes les luttes se ressemblent. On peut lutter pour mettre en place des réformes sociales, pour trouver Dieu, pour instaurer de meilleurs relations entre soi-même et son conjoint ou son voisin ; on peut s’asseoir au bord du Gange, faire ses dévotions aux pieds d’un gourou, et j’en passe… Tout cela n’est que lutte et effort. Ce qui compte, ce n’est donc pas  l’objet de la lutte, c’est de comprendre la lutte elle-même.

Notre problème, c’est que l’esprit se sent inférieur, c’est pourquoi il lutte pour être ou devenir quelque chose, ou pour surmonter les contradictions opposant ses divers désirs. Mais ne donnons pas d’explications quant aux raisons pour lesquelles l’esprit est en proie à ces luttes. Tout Homme capable de réflexion connaît la raison de ces luttes intérieures et extérieures ; notre envie, notre avidité, notre ambition, notre soif de compétition conduisant à une efficacité sans merci – tels sont les facteurs qui nous poussent à la lutte, que ce soit dans le monde ici ou dans le monde à venir. Nous n’avons donc pas besoin d’étudier les ouvrages de psychologie pour savoir pourquoi nous nous battons ; l’important, c’est bien sûr de découvrir si l’esprit peut être totalement libéré de toute forme de lutte.

En définitive, quand nous luttons, le conflit se situe entre ce que nous sommes et ce que nous devrions ou voudrions être. Sans avancer d’explications, demandons-nous s’il est possible de comprendre l’ensemble de ce processus de lutte, de sorte qu’il prenne fin. L’esprit peut-il s’abstenir de lutter, comme ce bateau qui se laissait porter sans effort par le vent ? La question, c’est celle-ci, bien sûr, ce n’est pas de savoir comment atteindre un état exempt de toute lutte ; l’effort même pour parvenir à un tel état est en soi un processus de lutte, cet état n’est par conséquent jamais atteint. Mais si vous observez d’instant en instant comment l’esprit se laisse piéger dans les luttes sans fin, si vous vous contentez d’observer le fait sans vouloir le modifier – sans imposer à l’esprit un certain état que vous appelez la paix – vous constaterez alors que l’esprit cesse spontanément de lutter ; et dans cet état c’est là qu’il peut apprendre énormément.

Apprendre ne se limite plus alors à une collecte d’informations ; c’est la découverte de l’extraordinaire gisement de richesses qui s’étend au-delà du champ de vision de l’esprit ; et pour l’esprit qui fait cette découverte, la joie est là.

Cessons de lutter du matin au soir car notre énergie se perd dans les luttes. Soyons vigilent et dans cet état de vigilance, toute notion de supérieur et d’inférieur s’effacera, il n’y plus de grand homme ni de petit d’homme, il n’y plus de gourou. Toutes ces absurdités cessent parce que l’esprit est pleinement éveillé ; et un esprit pleinement éveillé est inconditionnellement joyeux.

Francesca – Conclusion, suite à ma lecture du Sens du Bonheur de Krishnamurti

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