par Gregory Mutombo
Il n’y a ni délai, ni chemin, ni pratique menant au Soi, pour la simple raison que ce Soi, cette Nature véritable, cet Être complet est déjà là. Infini, éternel, immuable, parfaitement intemporel.
A travers l’idée d’ « évolution spirituelle », l’on peut passer des journées, des mois, des années, des vies même à entretenir la croyance qu’il y aurait comme une sorte de progression, de rapprochement, de proximité croissante avec le Soi. Toutes les prières du monde, tous les mantras de la Terre, toutes les méditations envisageables ne rendront pas plus proche ce qui n’a jamais bougé, changé et qui, par essence, n’a ni commencement ni fin. A quoi bon tout ceci alors, pourra-ton dire ? Répondre à cette question depuis le centre de son cœur annihile la question-même…
Toutes les pratiques dites spirituelles auxquelles l’on s’adonne pourront, certes, modifier la personne que l’on croit être, en la rendant probablement plus lisse, plus douce, plus généreuse, plus équilibrée, plus confiante ou plus paisible. Pour autant, elle ne sera jamais le « Soi ». Jamais. Elle ne sera jamais cet état originel qu’elle dit chercher à investir en elle ou à rejoindre par l’effort, la volonté, la dévotion, la relaxation ou la concentration. Elle commentera ses progrès, ses compréhensions, ses guérisons, ses libérations, ses ouvertures et se croira de plus en plus proche du but : être le Soi, c’est-à-dire « être » tout court. Sauf que cette personne, cette construction illusoire faite de conditionnements, d’attachements, d’identifications, de désirs, de jugements, d’attentes, de croyances, cette structure provisoire pétrie d’émotions et de schémas mentaux limitants a un commencement et une fin. Elle est périssable, vulnérable, temporelle et vouée à retourner à la Terre. Elle a donc beau chercher à se dissimuler derrière le voile d’un présumé cheminement spirituel parsemé d’étapes, de sauts quantiques, de révolutions intérieures et autres concepts rassurants pour l’ego, indéniablement, le Soi est déjà là. Partout, en tout, tout le temps, en dedans et au dehors, en haut et en bas, au-delà de tout repère, de tout dogme, de toute forme, de toute expérience sensorielle ou extrasensorielle. C’est en cela qu’il est dit qu’il n’y a résolument rien à faire.
Une expérience « extrasensorielle », aussi intense, vibrante ou colorée puisse-t-elle paraître, n’est jamais qu’une expérience de la personne qui, par le biais de la conscience se déployant en elle, est témoin de quelque « chose ». On ne peut à la fois observer quelque chose et être ce que l’on observe. Penser que « voir » dans ce que l’on nomme « l’invisible » est signe d’élévation spirituelle constitue une estrade sur laquelle l’ego aime s’établir et se contempler. Pourtant, ce n’est pas parce qu’on voit la montagne que, pour autant, on l’a gravie, ni même que l’on est en capacité d’en entreprendre l’ascension… On la voit, c’est tout. Et après ? Tant que l’on est encore enclin à commenter cet Amour, cette plénitude et cette vacuité que l’on aurait soi-même prétendument touchés, c’est qu’on en est séparé, distant. C’est qu’on est encore en train d’observer le sommet de cette même montagne.
Chaque pas est un but. Chaque respiration, chaque pulsation, chaque renoncement, chaque mot, chaque rencontre, chaque circonstance, chaque événement est un pas dont le but ne peut être que le Soi. Tant que l’on croit à un chemin, à un délai, à un processus, les pas effectués resteront effectivement des étapes, des marches, des avancées vers quelque chose qui, en vérité, n’est à aucune distance, ni dans le temps ni dans l’espace. On voit ce que l’on croit… On croira alors en une amélioration, en un allègement, en un accroissement, en une guérison, en une ouverture etc. Qui s’améliore ? Qui s’allège ? Qui s’accroît ? Qui guérit ? Qui s’ouvre ? Le Soi éternel ou la personne qui fait mine de vouloir fusionner avec la pure Conscience jusqu’à se dissoudre en elle ? L’ego, armé de son instinct de survie, met tout en œuvre pour entretenir la croyance qu’il y a encore fort à faire ou simplement à faire – pour que le Soi puisse se manifester. Savoir le démasquer dans cet habile subterfuge est un atout essentiel…
Étant déjà intrinsèquement ce que nous cherchons tant à devenir, chaque « pas » de notre conscience effectuée en elle-même, en dehors du cadre enfermant de la personne, est une possible réalisation de cette totale absence d’empêchement à « être ».
Source: http://gregorymutombo.com/