En ce moment, que faites-vous, en même temps que vous lisez ceci ?
Y a-t-il un fond sonore, de la musique douce, la radio qui diffuse ses informations, les voisins et leur télévision à fond, les bruits de la nature alentour, ceux de la rue en contrebas ?
Quoi que vous fassiez, et surtout sans vous en rendre compte, votre attention n’est qu’à moitié présente. Etant donné que votre cerveau enregistre tous ces stimuli à la fois, tout en profitant de trier ou de vous aider à vous concentrer sur ce que vous essayez d’effectuer, du mieux possible.
A cela s’ajoutent vos propres pensées vagabondes, celles qui extrapolent sur les menus des prochains repas, ou celle de ne pas louper l’heure pour récupérer les enfants à la garderie, réalisant qu’il ne faut pas oublier d’envoyer une carte d’anniversaire à votre amie, mais aussi que vous avez oublié d’arroser les fleurs du balcon.
Le fait de tenter l’expérience de l’instant présent, et surtout de la ressentir vraiment, vous demande de prendre conscience de vos pensées, et particulièrement de les ralentir au point même de les arrêter, juste un instant.
Ceux qui pratiquent fréquemment une véritable méditation, se sont exercés à propulser ce vide à l’intérieur du cerveau, afin qu’ils ne soient plus parasités par les stimuli incessants de la vie.
Mais, comment faire si nous ne sommes pas adeptes du Zen ou tout à fait à l’aise sur notre coussin rond, le dos bien droit, prenant conscience qu’il est laborieux de faire taire la vie ?
L’un des procédés de retenir ce vagabondage continu est de ralentir nos pensées. Rien ne presse, tout est parfait ! Presque laisser un « intervalle » entre chaque pensée consciente.
Notre cerveau se querelle déjà avec ses deux hémisphères. L’un qui ne cesse d’être super actif, en ébullition dans des analyses constantes. L’autre, se caractérisant comme étant pourvu d’une certaine flemme langoureuse.
Quelle cacophonie ! Nous sommes loin d’une symphonie relaxante et dé-stressante, quoique…
Heureusement que nous avons ce cerveau pour être des énergumènes absolument uniques et fabuleux ! C’est tout cela qui nous différencie et qui nous permet d’être à l’écoute, au repos, dans l’exercice, en fait au dedans de la vie de tous les instants. Seul souci résiduel : ce balai ininterrompu de pensées parasites que l’on ne perçoit que très rarement. Il suffirait que nous nous rendions compte de l’extraordinaire vagabondage de nos idées pour revenir à la source du mot, de l’image, de la perception qui a engendré celle-ci.
Pourtant, rien ne presse, encore !
J’ai ma vie entière.
Ressassez mes pensées ne m’avance à rien.
Ce qui s’est déjà produit, je ne peux le retenir ou même le rattraper. Tout au plus réajuster ce qui, pour moi, me semble imparfait ou pire insupportable. Mais, c’est déjà construit.
Par contre, si je me focalise sur mon lendemain, je suis à peu près certaine que la panique va se manifester. Comment vais-je pouvoir réaliser ce rêve ? Comment va s’articuler ma nouvelle réalité, si je ne suis pas capable d’aller au bout de celle-ci ? Comment va réagir mon entourage ? Vais-je être encore aimée, malgré mes faiblesses ou mes exigences et mes imperfections ? Et voilà que le brouhaha de mon cerveau reprend les rênes et me fait oublier ce que j’étais en train de faire, et même d’où sont apparues ces pensées lourdes et sclérosantes.
Alors, je réalise que cette merveilleuse alchimie humaine, que je suis, doit un tantinet m’obéir. Tout naturellement et tranquillement, je vais demander à mon cerveau de faire silence, de se taire un peu ou d’appuyer sur la touche « pause ».
Là, et seulement là, je suis capable de sentir la Vie autour de moi.
De m’apercevoir que ma minette est plantée à mes pieds, se demandant si, un jour, je vais enfin lui donner ses croquettes. C’est sensationnel, cette chatoune, qui s’est donnée à moi est un ravissement de chaque jour, une louange d’amour pur, un apaisement dans mon isolement.
Mais aussi, d’entendre les fleurs de mon jardin, même si je ne pensais pas à elles, qui ont soif et réclament leur dû de chaque matin.
Je vais percevoir, au-delà du ronron de mon réfrigérateur, les « martinets » qui cillent dans le ciel, bien haut. C’est merveilleux, puisque signe de beau temps.
Et ce soleil, je l’entendrai presque chanter, lui aussi, tant il met du charbon dans sa locomotive à chaleur.
Quel délice cette Vie qui fourmille autour de moi ! Comme je suis heureuse de la contempler, de la humer, de la ressentir au plus profond de moi : d’être Elle !
Le ciel est d’un bleu merveilleux, même si je ne le vois pas avec les yeux, je le perçois comme tel.
Les milliers de cigales s’égosillent, même si je ne les entends pas à l’intérieur de mon bunker rafraîchissant.
Le réfrigérateur ronronne un peu trop fort pour la sieste qui se fait sentir.
J’entends le sifflement continuel de mes oreilles.
Que m’importe demain ? Il sera de toute façon, bien présent, pour que je le découvre au bon moment. A moins que je ne me réveille ailleurs, sur d’autres rivages célestes.
Que m’importe hier ? Tout s’est accompli comme cela devait être, du mieux que cela pouvait se manifester.
J’en arrive à conclure que si nous voulons revenir au présent, il faut convaincre notre gentil cerveau de se détacher de ses idées récurrentes qui perturbent notre « ici et maintenant » !
Alors, Mr Maintenant, je suis là pour toi, éternellement !