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Traduction de l’article « Mediumship » écrit par W.Q. Judge et publié dans la revue The Path de Novembre 1887, sous le pseudonyme d’« Albertus ».

Il n’existe pas de mot plus mal compris et mal appliqué que celui de « Médium ». Ayant été pris à leur compte par les spirites, ils lui ont donné une signification que l’on suppose naturellement aujourd’hui être la seule possédée par ce mot.

Les hommes prennent un mot, l’affublent d’une signification, l’enfourchent comme leur dada, et le lancent au galop tort et à travers, si bien que les autres s’en détournent avec terreur; ou bien encore, ils le condamnent à désigner une chose vile et inutile. Ceux qui ont donné au mot de médium le sens qu’il revêt actuellement, attribuant tout phénomène à l’œuvre d’esprits désincarnés, ont fait du médium ce qu’il est, et en attirant sur leur sein le Frankenstein qu’ils ont évoqué, ils l’enserrent étroitement dans leurs bras, qu’il soit ange ou démon. Pourvu que le médium transmette des communications d’« Esprits », il importe peu que ce soient des paroles de divine vérité, de purs mensonges, ou les pensées du médium lui-même; sans se donner vraiment la moindre peine pour découvrir la source de ces communications, ils les acceptent toutes et les attribuent aux Esprits. Ces procédés, et certains autres, ont découragé beaucoup d’investigateurs intelligents à poursuivre des recherches dans le domaine de la médiumnité, et ont amené tous les hommes, à quelques exceptions près, à se défier du mot et à le craindre.

Néanmoins, la médiumnité est, un fait, quel que soit le discrédit où il se trouve ou notre préjugé à son égard. Mais, en, réalité, la médiumnité ne consiste pas uniquement en soi-disant communications de décédés, ou en prétendues matérialisations et formes d’Esprits, dans les veines desquelles coule le sang rouge de la Nature, et dont l’haleine dégage fréquemment une odeur suspecte d’oignons. Bien qu’il n’y ait pas un aspect du spiritisme qui ne soit fondé sur une vérité, ces démonstrations sont presque toujours l’œuvre de gens peu scrupuleux cherchant profit ou renommée. Lorsqu’un médium acquiert une petite connaissance de quelque loi occulte ignorée, il s’imagine qu’il sait tout, qu’il le doit à ce qu’il appelle un esprit, et il applique immédiatement sa connaissance à son profit personnel. Trouvant qu’elle ne lui permet d’avancer que jusqu’à un certain point, et pas davantage, au lieu de tâcher de l’élargir, il s’efforce d’improviser sur ce qu’il sait, dans le but d’arriver à ses fins, ou pour gagner l’or qu’il convoite. Nous ne nions pas que ces êtres soient des médiums, car ils le sont effectivement comme le sont aussi les charlatans et les fraudeurs qui s’agrippent aux basques du spiritisme. Ce sont des médiums pour les passions inférieures et les élémentaux. L’erreur des spirites réside dans le fait qu’ils attribuent tous les phénomènes aux Esprits. La clairaudience, la clairvoyance, la psychométrie, l’hypnotisme, etc…, sont tous considérés comme l’œuvre d’un Esprit ou d’un Guide.

Tous les hommes sont des médiums ou des sensitifs, et à un point dont ils se doutent fort peu. Nous ne prétendons pas que tous les hommes soient des médiums pour les Esprits des morts, ou qu’ils soient tous des instruments pour les intelligences les plus sublimes, mais ils sont des médiums pour des élémentaux – incarnés ou désincarnés, ou encore n’ayant jamais été incarnés et ne devant peut-être jamais l’être – en résumé, des médiums pour tout ce que contient l’Astral, et parfois même pour ce qu’il y a au-delà de ce monde. Ils sont des médiums pour leurs propres sois Intérieur et Supérieur, ou pour ceux d’autres hommes, et très souvent, faute d’en reconnaître la nature véritable, ils les appellent « Esprits ». Le psychomètre est un médium ou un sensitif, mais il n’est cela qu’en rapport avec la manifestation de l’âme des choses. L’être plongé en hypnose est également médium, mais c’est pour la manifestation de ses propres pouvoirs latents ou pour ceux d’autres mortels. Le clairvoyant voit ce qui est enregistré sur l’Astral.

Le clairaudient peut entendre la voix d’Esprits, mais il peut tout aussi facilement percevoir la pensée, non exprimée en mots, d’autres êtres vivants, ou encore la voix de forces, ou de son propre Soi Intérieur ou Supérieur, qu’il ne reconnaît pas.

Tout s’inscrit sur la Lumière Astrale : la connaissance des âges, les actions accomplies de tout temps, les formes de tous ceux qui sont morts, et de tous ceux qui vivent actuellement, comme aussi les pensées de tous les êtres qui ont existé ou existent s’y trouvent photographiées. Les hommes raisonnables ont admis et admettent de plus en plus, chaque jour, qu’il y a des forces et des pouvoirs dans la nature, dont nous ne connaissons sa peu près rien. L’homme de science éclairé, dépourvu d’idées préconçues, commence à comprendre, dans une faible mesure, l’âme des choses animées et inanimées, les lumières, couleurs et auras des corps non lumineux, les pouvoirs et les forces exercées par les objets immobiles, et leurs effets sur l’organisme humain, mais le véritable étudiant occultiste seul les connaît parfaitement.

La pensée va et vient en passant d’un homme à l’autre. A un niveau supérieur, elle passe, de même, d’intelligences plus évoluées à l’homme, le tout s’accomplissant dans une sphère au-delà du monde matériel. Les hommes, pour des causes diverses, s’élèvent à des degrés différents au-dessus de leur soi extérieur ordinaire et arrivent dans l’Astral où tout se déploie devant eux. Ils ne voient et ne lisent que ce qu’ils sont aptes à percevoir, et ne comprennent que ce qu’ils sont préparés à saisir. Par suite d’une exaltation consciente ou inconsciente, ils s’élèvent à un niveau où ils entrent en contact avec un courant quelconque de pensée ou de paroles non exprimées, qui pénètre dans leur cerveau, par diverses voies d’accès. Ils ne comprennent peut-être que partiellement ce message qui est toutefois tout à fait étranger à leur façon normale de penser et, sachant qu’ils ont entendu une voix, ils l’attribuent à un Esprit, quoiqu’en fait ce puisse être la pensée d’un être vivant qu’ils entendent, sentent, voient ou répètent. Tous ceux qui, grâce à leurs efforts, à un entraînement ou une sensibilité personnelle extrême, se haussent consciemment, ou sont élevés inconsciemment, au-dessus du monde matériel, et acquièrent ainsi la sagesse, la connaissance et l’inspiration d’autres plans sont des médiums.

Tout étudiant qui a recherché l’occulte, et qui a atteint son but, a été médium, depuis Bouddha, Pythagore, Zoroastre, Apollonius, Platon, Jésus, Boehme, jusqu’aux occultistes de temps plus récents ou d’aujourd’hui. L’Adepte, comme le Chéla, l’Initié comme le Néophyte, le Maître comme l’Etudiant sont des Médiums. Le Chéla n’est que le Médium pour ses propres possibilités latentes – son Maître et les lois de la Nature. Il en est de même du Néophyte, car tous, en s’efforçant d’atteindre un haut idéal, cherchent à s’élever jusqu’à un plan où les lois Occultes peuvent se manifester d’une façon visible ou intelligible par leur intermédiaire, et où les voix silencieuses du Grand Invisible deviennent perceptibles, qu’elles soient individualisées ou diffuses dans l’espace, comme le sont les forces. Tout parle, et possède une signification, rien n’est silencieux – tout parle, depuis la monade en passant par toute la nature, les forces, les sphères et l’espace, jusqu’au silence Omniscient – le Verbe à jamais vivant, la voix de la Toute Sagesse, et tous les hommes entendent ou sentent de façon ou d’autre, certaines de ces voix et en sont donc les médiums.

Il existe des forces qui n’attendent que la volonté ou le désir des âmes pour revêtir un certain degré d’intelligence humaine, et se faire entendre à ceux gui les ont fait naître à la vie matérielle, ou par leur intermédiaire.

Le corps de l’homme lui-même n’est qu’un Médium, si ce n’est pour son propre Soi Intérieur et Supérieur, è’est pour celui d’autres hommes, car nous exprimons les pensées et les actes d’autrui tout aussi souvent que les nôtres.

Il n’y a pas une seule parole de sagesse ou de bonté exprimée, une note de vraie musique composée,’ une ligne de véritable poésie écrite, un ensemble harmonieux de couleurs peint, qui n’ait été le résultat de la médiumnité. Il n’y a jamais eu d’explication d’une loi occulte ou de révélation d’un mystère divin par le canal d’un homme, d’un Chéla, d’un Etudiant, d’un Adepte ou d’un Maître, qui n’ait été due à la médiumnité.

Le Maître est plus élevé que le Chéla qui est son médium. Il existe quelque chose de plus haut que le Maître, et celui-ci en est le Médium. Envisagée sous son jour véritable, la Médiumnité est l’une des merveilles du Créateur. Celui qui possède cette faculté à un haut degré, qui comprend ce qu’elle est, et comment il peut en faire usage avec sagesse, peut se sentir l’objet d’une bénédiction suprême. Le mystique et le vrai Théosophe réalisant ce qu’est en réalité un Médium pourront bien hésiter avant de se joindre à ceux qui rejettent la divine sagesse, sous prétexte qu’elle a été transmise par un intermédiaire déclaré avec horreur par certains comme étant de nature médiumnique.

William Q. JUDGE