par Bertrand Duhaime
Les mots sont vains et relativement impuissants. Les mots servent à résumer un concept chez des êtres qui ne parviennent pas à communiquer par le cœur, d’âme à âme. De ce fait, là où il y a besoin de mots, il y a forcément des consciences limitées. Or tout concept, fruit de l’entendement, reste limité, ne pouvant exprimer entièrement la réalité telle qu’elle est.
N’est-ce pas le principal problème de l’être humain que de toujours chercher à connaître les diverses réalités par la voie du mental, en les observant et en les comparant à ce qu’il connaît déjà. Pourtant, chaque fois qu’il croit cerner une réalité et déclare la connaître, la plupart du temps il est à des lieues de ce qu’elle est, parce que, par sa cause, une manifestation de l’Esprit de Vie, elle reste invisible et inaccessible au mental. Un être ne peut connaître une chose qu’en se faisant la chose elle-même, en s’identifiant intérieurement à elle, en co-naissant avec elle. Et ce qu’il en découvre, il ne peut le partager tout à fait par des mots avec autrui.
Il faut distinguer connaître et croire connaître. Il n’y a pas de vrai savoir dans les croyances ni dans les concepts limités, il n’y a de savoir que dans les certitudes qui naissent de l’intuition. Connaître, c’est détenir une idée claire, une notion certaine d’une réalité, ce qui n’est possible qu’en en trouvant la source et en s’approchant d’elle, en pénétrant en elle. Connaître, c’est, dans l’attention, devenir conscient du déploiement du Divin à l’intérieur de soi.
La discussion amène vainement deux intellects à se confronter dans un jeu de pouvoir, dans une volonté de se dominer mutuellement. On observera que plus une personne parle et discute, moins elle a de choses à dire et moins elle est convaincue de son sujet, ce qui ne l’empêche pas d’accumuler les prétentions de son droit à se défendre. Il faut qu’un être soit très équilibré pour se tirer indemne d’une discussion, surtout lorsque l’esprit de l’un des protagonistes s’échauffe et tente de museler l’autre, ce qui dégénère en dispute. Dès ce moment, cet être ne cherche plus à faire triompher la vérité, mais à protéger son amour-propre et ses intérêts secrets.
Dans la discussion, c’est la le plus grand piège. Interpréter, cela revient à donner aux choses et aux événements le sens que l’on veut ou que l’on croit comprendre plutôt que leur sens réel, soit le sens qu’elles ont vraiment, le sens qu’un autre a voulu lui donner. Celui qui interprète une réalité cherche à restituer fidèlement le sens de l’objet de son interprétation, sauf qu’il lui échappe toujours plus ou moins. De là, le risque permanent de commettre une erreur d’interprétation, une mauvaise interprétation ou de se livrer à une interprétation abusive. Ainsi, il y a toute la différence du monde entre comprendre et interpréter: un être interprète en recourant à son imagination et à sa subjectivité, toujours arbitraires, alors qu’il comprend en approfondissant l’expérience vraie de façon objective et impartiale.
Le problème de l’’interprétation, c’est qu’elle peut mener à bien des égarements, notamment à l’irresponsabilité. Dans certains cas, elle a arbitrairement brisé des réputations, amené à de fausses accusations et brisé des relations. Car elle favorise la distorsion des idées et des faits, contribuant à lancer des rumeurs, à renforcer des positions même intenables ou à cultiver des préjugés. Celui qui n’est pas dupe acceptera que, dans une conversation ou une correspondance, chacun entend ce qu’il veut bien entendre, fait dire ce qu’il veut bien entendre dire et voit ce qu’il veut bien voir. Cela s’appelle devenir partial, non impartial et dégagé, et cela force à la fermeture d’esprit.
Celui qui aime la discussion ne tarde pas à manquer de respect pour son interlocuteur, brisant les liens de l’estime mutuel. Quant à celui qui veut l’emporter à tout prix, il se vide et se démagnétise, d’où il lui faudra un bon moment pour refaire ses énergies. Chacun gagne à se dissocier des discussions, qu’elles soient philosophiques, psychiques, politiques, sociales, religieuses ou spirituelle. En effet, comme elles procèdent de l’intellect, le moteur de l’ego, elles ne visent qu’à l’emporter sur autrui, histoire de démontrer sa supériorité présumée ou celle de sa vérité.
Aux mots, il faut préférer l’action, celle qui ressort de l’exemple conforme au degré de Lumière qu’on porte. Chacun dit plus en ne disant rien, a dit quelqu’un, ce qui signifie qu’il parle plus fort par son rayonnement que par ses mots. Car ce dont l’être incarné a besoin, au premier chef, c’est d’avancer, mieux de s’élever, mieux encore, de prendre de l’expansion, en ouvrant toujours davantage sa conscience, pour apprendre à être.
Ne gagnerait-on pas à cesser de discuter de la vie pour simplement commencer à vivre la Vraie Vie? La Vraie Vie, elle pulse constamment en soi, laissant les cœurs se répondre. Mais les mots présentent les mêmes inconvénients dans l’enseignement spirituel : ils déforment et diluent une réalité qu’un être pourrait si bien capter dans sa globalité s’il apprenait à méditer au lieu de suivre tant de cours, de lire tant de textes, d’écouter tant de gens.
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