peter-deunovConférence tenue par le Maître le 23 mars (calendrier julien) 1914 à Sofia
Si le grain de blé, qui tombe en la terre, ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. Evangile selon Jean : 12; 24.

Le grain de blé c’est l’emblème de l’âme humaine. Il représente une grande histoire dans l’évolution de la Nature. Si vous pouviez disséquer l’enveloppe du grain de blé, de suivre son histoire, vous auriez complètement compris l’histoire de l’âme humaine. Comme le grain de blé tombe dans la terre et meurt, comme il germe, pousse et donne semence, c’est la même chose pour l’âme humaine. Pour vous, peut-être, le grain de blé représente quelque chose de très modeste, quelque chose qui n’a aucun prix – un seize millième du kilogramme. Quel serait, d’après vous, son prix, lorsqu’un kilogramme coûte un proche ? Et pourtant dans le grain de blé il y a une force, un potentiel, un esprit d’abnégation et c’est de cette force qu’il se nourrit et qu’il nourrit les autres. Et lorsque vous vous mettez à table, vous ne pensez point au grain de blé, vous ne savez pas quelle joie il vous apporte, quelles pensées il porte. Vous ne connaissez pas son origine. Les hommes ne l’apprécient pas, les poules non plus, personne ne l’apprécie.

Mais il est une grande énigme dans le monde.

Maintenant, qu’est-ce que ce qui se cache dans ce grain de blé ? – Il est l’emblème de la Vie. Et si on prend la lettre bulgare Ж, qui est la lettre initiale de ce mot, elle est l’image même du grain de blé : en bas – petits pieds, des racines; en haut – deux rameaux. Lorsque nous le semons, il nous montre vers quoi nous devons tendre. Le grain de blé nous dit que nous devons tendre vers Celui Duquel nous sommes sortis – vers Dieu; que pour tendre vers Dieu, nous devons nous ramifier, former des rameaux, des fleurs, des fruits pour la nourriture du monde, c’est-à-dire «aider et vous sacrifier pour vos prochains comme Je le fais ». Et voilà pourquoi le Christ dit ailleurs : « Je suis un pain vivant, Qui suis descendu du Ciel. » Et le pain est fait à partir de quoi ?

– A partir du grain de blé.

Les gens contemporains disent que leur vie est malheureuse, tout le monde est mécontent – les rois ainsi que les princes. Si vous commencez par le plus haut placé jusqu’au plus bas, ils veulent toujours quelque chose et quand on le leur donne, ils sont toujours mécontents et ils veulent encore. Mais demandez-leur pourquoi ils sont mécontents. Ils cherchent quelque chose de plus.

Et bien, tournons-nous vers l’histoire du grain de blé. Lorsqu’on le sème dans la terre, que diriez-vous si vous étiez à sa place ? Vous diriez : « C’est fini avec nous, elle a disparu, notre vie, elle a pourri ! » Mais dans le grain de blé il y a plus de foi qu’en nous. Lorsqu’il est enterré dans le sol, il pourrit et se décompose, mais il saisit tout à coup le langage du Soleil et aussitôt que les premiers rayons apparaissent, il se dit : « Je ne mourrai pas, je serai ressuscité et je formerai des fruits pour d’autres. » Et une énergie vitale surgit en lui et il commence à tendre vers le Soleil. Il noue, il mыrit. Mais les hommes ne le laissent pas en paix: ils prennent une faucille et le coupent.

Ses souffrances ne se terminent pas là : après l’avoir moissonné, ils le lient en gerbes, puis ils le piquent avec des fourches et ils le jettent dans la charrette, ils le portent sur l’aire et ils l’entassent en meules, grandes comme des montagnes. Puis ils font passer sur lui des chevaux et des traîneaux de battage. Qu’auriez vous pensé si vous étiez à sa place ?

La vie humaine passe, elle-aussi par le même processus. Vous demanderez : « Pourquoi devons- nous passer par tout ce processus ? » – L’homme doit tirer une leçon de cet exemple du grain de blé. Le traîneau de battage et les sabots du cheval passent sur le grain de blé, on le sépare de son épi et on le dépose dans le grenier. Mais ses peines ne prennent pas fin ici : on le passe au tamis, les mauvais grains tombent en bas, les bons restent au-dessus, on le met dans des sacs et allez, au moulin, sous ces deux pierres lourdes pour le frotter et l’écraser à point. Si vous étiez à la place du grain de blé, qu’est-ce que vous auriez dit ? – «En voilà une vie et le monde que le Bon Dieu a créés ! » Mais le grain de blé a une grande patience, il dit : « Vous verrez encore quelle est mon histoire. » Du moulin on le sort en farine, on l’emporte à la maison, mais là encore on ne le laisse pas en paix. La femme à son tour se met au travail avec son tamis, elle tamise la farine, elle jette les criblures, le reste s’émiette dans le pétrin, elle met du levain et pétrit la pâte. Et vous, à la place du grain de blé, vous diriez : « Nos souffrances ont déjà pris fin ! » Non ! Quand la pâte se lève, on la met au four et en la sortant, nous voyons ces bons pains dorés. Si vous êtes à la place du grain de blé, vous direz : « Enfin nos souffrances sont terminées ! » Mais dans peu de temps on commence à rompre ces bons pains et à les manger. De cette manière le grain de blé entre dans l’estomac, où se forment des sucs qui nourrissent notre intellect. Et qu’est-ce qui se passe ?

– De nobles pensées sont formées dans notre cerveau, des désirs nouveaux – dans notre coeur.

Le grain de blé porte l’habit qui revêt nos sentiments. Il se déverse dans la plume des écrivains et des poètes, il se déverse dans l’archet du violoniste. Voilà ce que le grain de blé donne.  Et si ce grain n’avait pas subi ce processus d’évolution, nous n’aurions jamais vu ces belles choses dans la Nature. Pourquoi ? – Parce que le grain de blé nous donne de la force de regarder et de voir. Voilà pourquoi le Christ dit : « Je suis le pain vivant. » Et pour que l’homme soit vivant, il doit être en communion avec son milieu, s’y engager, aider et être aidé. Comme le grain de blé a passé par ce processus, ainsi de nous qui devons nous sacrifier à son exemple. Et le sacrifice de soi n’est pas si lourd.

Maintenant, tournons-nous vers l’histoire de la vie du Christ, vers l’histoire du peuple hébreu. Comment vous expliquez-vous cette contradiction : au cours de milliers d’années un peuple attend l’arrivée de son Messie, de son Roi pour qu’Il lui accorde la liberté et au moment où Il apparaît, ce sont les grands prêtres et les princes hébreux eux-mêmes qui portent plainte contre Lui ? Vous diriez que si l’avènement du Christ avait eu lieu à l’époque actuelle, vous auriez fait mieux. J’en doute. Et je vous donne un sujet à réfléchir : voyez comment l’homme traite sa femme et vice-versa et vous saurez quelle serait votre attitude envers le Christ. Lorsque la Vérité se manifeste dans le monde, elle ne se revêt pas d’habits de fête, mais d’un habit des plus humbles. Voilà pourquoi le Christ est apparu parmi le peuple hébreu dans cette forme simple.

C’est pour cette raison que les hommes ne peuvent saisir la Vérité. Telles sont les lois de ce monde. Mais il y a une autre loi dans le monde qui se manifeste par la lumière solaire, quand le Soleil commence à briller sur tous les germes et créatures sur la terre. Cette lumière qui produit de la joie et de l’allégresse en l’être humain, déclenche la haine et la malice chez d’autres. La lumière qui met les uns en bonne disposition, rend féroces les autres ! La lumière et la chaleur font penser au loup où il peut trouver des brebis pour les manger. Quand elles tombent sur un voleur, il commence à penser comment vous voler de l’argent. Si elles tombent sur un homme qui aspire à faire du bien, il pensera trouver un homme pauvre pour l’aider. Donnez un grain de blé à la poule, elle formera de belles plumes; donnez-le au cochon, il formera de belles soies; donnez-le au loup, il formera de belles dents et griffes; donnez-le au poisson, il formera de belles écailles.

Les physiologues ne peuvent pas expliquer ce processus. Chaque être utilise la nourriture, la chaleur conformément à son évolution et son intellect. Cette loi vous pouvez la comprendre en faisant des expériences dans ces deux mondes opposés.

Il n’est pas possible de vous expliquer pourquoi le mal existe dans les êtres humains, pourquoi ils préfèrent la haine à l’amour, le mensonge à la vérité. Cela nous ne pouvons pas l’expliquer; beaucoup de « pourquoi » resteront sans explications. Pourquoi faut-il vouloir ? – Il y a une loi qui dit que nous devons tendre vers l’évolution.