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 par Bertrand Duhaime – les Chroniques de la Presse Galactique

On dit avec raison que la beauté du monde provient des différences qu’il présente.  On dit avec tout autant de vérité que la différence enrichit.  Pourtant, plus elle est grande, plus elle peut susciter de peur et d’hostilité.  Il n’y a bien que dans les êtres de la Nature qu’une grande différence semble passer inaperçue.  La première différence entre les êtres humains ne se trouve-t-elle pas dans les genres, qui dérange et fascine à la fois et qui a donné la guerre des sexes?  Et c’est probablement le manque d’assimilation de cette première différence qui entretient les guerres plus vastes et tous les problèmes du monde.  Car elle procède, autant chez un sexe que l’autre, bien que la femme soit naturellement plus tolérante, d’un manque d’intégration des aspects de la polarité individuelle.

La différence, contraire de l’identité, exprime le caractère qui distingue une réalité d’un autre, la rend particulière, singulière, unique, originale, marginale, exceptionnelle, rare, soit qui démontre qu’elle n’est pas parfaitement semblable.  Elle engendre une impression de séparation qui dilue le lien entre les êtres humains, pourtant de la même espèce.  Elle établit des versions différentes d’une même réalité ou des entités différentes dans la réalité.  Par ses caractères propres, une réalité se distingue des autres, pouvant étonner, amuser, provoquer ou choquer.

Autrement dit, la différence est la négation de l’identité et de l’unicité, elle appartient à l’altérité et elle fonde la pluralité, ce qui donne lieu à la conception d’une réalité moindre.  La différence dévalue ou ajoute de la valeur, comme la rareté, ce qui peut autant forcer l’admiration que la tentative de domination.  Un être se sent justifié d’établir son contrôle sur ce qui lui est apparemment inférieur.  Par exemple, si on ne pouvait voir le ciel étoilé qu’à un seul endroit du monde, l’humanité s’y déplacerait en nombre, bien que, là où ils habitent, la majorité des gens ne lui portent presque pas attention ou sont de longs jours sans penser à le regarder, rivés devant leur téléviseur ou leur ordinateur.

Malgré sa subjectivité et sa partialité, chaque être s’impose en principe d’évaluation juste pour tous : il s’établit en critère de référence, en étalon universel.   Dans cette perspective, la différence peut jouer si fort sur les esprits qu’elle peut conduire à l’application d’une justice hiérarchisée, au deux poids et deux mesures.  Ainsi, en éthique, ne considère-t-on pas plus grave de voler un ami qu’un étranger, de refuser son aide à un membre de sa famille qu’à un voisin?  L’éducation, la culture, les croyances et la tradition enferment dans des préjugés et des stéréotypes difficiles à modifier.

Ce qui est différent, étranger ou étrange fait peur.  Dès lors, un être craint toujours la différence des autres, si elle n’est pas familière.  Alors, il se présente à l’autre comme un oursin ou comme un hérisson.  Inconsciemment, il lui tourne le dos, souvent surpris que l’autre fasse de même.  Seule la flatterie a de l’emprise sur cet ennemi qui repousse les autres et qui vit coupé d’eux.  Sans vraiment vouloir de mal, il se ferme, se fait hermétique et énigmatique.  De plus en plus blessé et rejeté, il se ferme, incapable de retourner aux autres les messages vrais et pertinents.  Comme tout le retourne vers lui-même, au lieu de changer, il bascule peu à peu dans l’agressivité et il passe aux menaces.  Deux personnes mutuellement hostiles jouent, mentalement, à la souque à la corde.  Si l’une d’elles abandonne ce jeu de pouvoir, sincèrement convaincue qu’elle n’y gagne rien, l’autre devra s’harmoniser à sa nouvelle dynamique ou s’écarter.  Pour réanimer son opposition, il devra se trouver un autre partenaire.  Mais le démissionnaire retrouvera rapidement la paix d’esprit et la sécurité dans son univers.

En elle-même, la différence ne divise pas et ne cherche pas à diviser, plutôt, elle confirme et rend possible l’expérience de la variété dans l’unicité.  Par sa variété, elle multiplie les expériences, les possibilités de découvertes, agréables ou désagréables, mais correctes en soi.  Même les critères de beauté, qui devraient bien être universels, varient, ce qui fait dire que «tous les goûts sont dans la nature» ou qu’«on ne discute pas des goûts et des couleurs».  Les gens ne s’entendent pas davantage sur les critères du bien et du mal.  Ainsi, la ressemblance rassure, mais elle engendre la monotonie qui finit par confiner à l’ennui ou à l’indifférence.  Toute la beauté du monde réside dans la différence qui permet à Dieu, par personne ou par réalité interposée, de révéler des aspects nouveaux ou inédits de lui-même.  Source de variété, elle rend d’autant plus précieux qu’elle paraît apparemment opposée, éloignée, singulière, particulière.

On dit que les êtres humains se ressemblent suffisamment pour se comprendre mais qu’ils sont assez différents pour continuer à s’aimer.  Dans son rôle fonctionnel, chaque être est différent, parce qu’unique.  Il n’est donc pas appelé à agir de façon conforme à des normes, à se laisser modeler par un moule commun.  Chacun détient ses croyances et ses pulsions, sa manière de chercher à se connaître.  Chacun ne peut se réaliser que dans la mesure où il reste lui-même et suit sa propre voie, dût-il s’écarter des autres pour y arriver.  Chacun a droit à son territoire d’expérimentation : chacun détient le droit de trouver sa place et de l’occuper pleinement, même si cela dérange les autres.

Il n’en reste pas moins qu’un être paie souvent très cher le fait de ne pas être comme tout le monde, ce qui lui vaut des brimades et, à l’extrême l’exclusion.  C’est le cas de ceux qu’on désigne comme bouc émissaire et mouton noir.

L’usage du bouc à cette fin est mentionné pour la première fois dans le Lévitique, un des livres de la «Bible».  Lors de la Fête de l’Expiation, le Grand Prêtre des Hébreux recevait deux boucs, offerts par les notables de sa région.  Après un tirage au sort, l’un d’eux était immolé en sacrifice, l’autre gagnait sa liberté, mais une liberté bien précaire, alourdie de toutes les fautes du peuple.  Tenu à la porte du Tabernacle, ce dernier était chargé de tous les péchés du peuple, ce qui équivalait  un peu à une absolution générale des erreurs de l’année précédente, puis il était amené dans le désert où on l’abandonnait à son sort, basculé dans un précipice.  Ce rituel équivalait au rejet définitif de l’erreur délibérée.  On oubliait que projeter ses travers sur un animal n’amène pas nécessairement à les intégrer et à s’en amender pour exercer une plus grande maîtrise.

De nos jours, le bouc émissaire désigne un être sur lequel d’autres personnes projettent leurs torts ou leurs défauts, mais sans avoir passé devant un tribunal où il pourrait présenter sa défense.  Il se retrouve donc l’objet d’une contestation dans laquelle il n’est pour rien.  Il subit des reproches injustifiés de la part des autres qui, masquant ainsi leurs faiblesses inavouées, cherchent à retrouver une meilleure image d’eux-mêmes.

Quant au mouton noir, il s’agit de l’être original abhorré, à qui on cherche à interdire d’être lui-même, parce qu’il provoque le milieu ou dérange le système par ses pensées, ses attitudes ou ses comportements.  La société désire que ses citoyens se soumettent à ses lois, s’adaptent à ses normes, agissent de façon conforme à ses attentes, valeurs véhiculées dans les familles.  Ceux qui n’y parviennent pas, par un trop-plein de vitalité, de créativité ou de liberté, sont en butte à l’intolérance des autres membres et sont marginalisés.  Ceux-ci essaient de les culpabiliser et de les conformer à la volonté générale.

Accepter les différences humaines, c’est reconnaître qu’à tous points de vue les notions et les critères peuvent varier.  C’est se permettre de changer, de s’ouvrir à la nouveauté, d’ouvrir sa conscience, ce qui rapproche de la compréhension de l’Être total, qui n’en reste pas moins éternellement Un.

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La différence procède de la différenciation, ce jeu apparent de la séparation ou de la séparation dans l’Émanation.  Elle exprime la variété dans l’Unité.  Elle permet d’exprimer de façon différente sans séparer du Tout.  Elle mène à faire l’expérience de soi-même en tant que tout, à travers l’expérience de ses parties, et de dégager, notamment, les notions d’extérieur, d’altérité et de multiplicité.

La loi de la Différenciation rappelle que la Source Unique se divise d’abord en deux polarités qui s’irradient en trois rayons et s’appuient sur quatre bases, soutenant la Multiplicité des êtres.  De même, dans le domaine intellectuel, une pensée complète peut se morceler en pensées spécifiques, mais moindres, pour mieux se comprendre.  Les rôles cosmiques se différencient également, attribuant à chaque être la fonction différente qu’il doit remplir et le service particulier qu’il doit rendre pour le bien de l’Ensemble cosmique.

 

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