51dAI2XV-jLDans son livre « L’avenir est en nous », Marie Clainchard transmet les pensées de 43 aventuriers de l’existence sur le monde en mutation que nous vivons aujourd’hui. Pensées de l’écrivain Michel Cazenave…
 

Quelle est votre vision du monde actuel ?
Je pense qu’aujourd’hui nous sommes, en même temps, à la fin de plusieurs cycles (de culture et de civilisation, d’un cycle religieux – le christianisme me paraît moribond – et d’un cycle économique). Je me demande même si nous ne sommes pas (heureusement !) à la fin de la prédominance du masculin. Mais sur ce point, malgré toute mon envie d’y croire, je demeure très prudent, car l’histoire a montré que le féminin est souvent réapparu, et qu’il a toujours été très vite expurgé.
Et les changements de cycle prennent beaucoup de temps. Par exemple, il nous a fallu quatre bons siècles pour passer de l’Empire romain au christianisme ! Alors, arrêtons l’illusion du « Tout est pour demain ». Sans vouloir paraître trop « new age », nous devons aussi considérer que nous arrivons en même temps à la fin d’un cycle astrologique (nous passons de l’ère du Poisson à celle du Verseau). Passer d’une ère à une autre nécessite beaucoup d’années…
Et vers quoi tendons-nous ? Pour l’instant, nous serions plutôt dans la nuit complète ! Au regard de l’histoire, il n’y a pas de raison pour que tout se termine aujourd’hui. La vie ne va pas s’arrêter là. D’ailleurs, l’homme n’est peut-être pas la dernière phase de l’évolution. Arrêtons de nous dire que nous sommes la gloire de la création ! Nous n’en sommes peut-être qu’un stade, comme les autres espèces avant nous… Oui – mais alors ?… Avec l’âge, on apprend à dire : « Je ne sais pas. » J’ai beaucoup moins de certitudes que je n’en avais à trente ans ! Les certitudes sont le propre de la jeunesse. Quand je regarde en arrière, je dois bien penser : « Qu’est-ce que je me suis trompé ! » D’erreur en erreur, ne se rapproche-t-on pas peu à peu de quelque chose qui est de l’ordre de la lumière ? (…)

A ce jour, que désireriez-vous transmettre ?
Ce que je veux transmettre serait plus de l’ordre de ce que je porte en moi que de l’ordre de la connaissance. Et en même temps, ce que je ressens dans le cœur de mon cœur, cette intuition de quelque chose qui me dépasse infiniment, est-ce de l’ordre d’une transmission ou d’un témoignage ? Je pense que cela relève en fin de compte du témoignage. Ce qui est paradoxal, c’est que j’ai passé toute ma vie à transmettre et que mes émissions radiophoniques étaient de l’ordre de la connaissance en tant que telle ! (Encore que… il faudrait demander aux auditeurs si, souvent, ils n’ont pas senti quelque chose qui allait bien au-delà…)
Sur le fond, je pense qu’il n’y a pas de « connaissance » qui ne soit d’abord bâtie sur une expérience vécue. Entendons-nous bien : je ne renoncerais pour rien au monde au pouvoir de la raison, mais la raison ne s’exerce que s’il y a une expérience dont elle a à rendre compte, et il s’agit dès lors d’instaurer un continuel va-et-vient entre l’expérience et la raison. Etre soi-même, n’est-ce pas aussi la manière de s’expliquer soi-même avec les choses ?

 

A la lumière de votre expérience, que vous inspire cette déclaration : « Nous sommes tous des compagnons de voyage » ?
Si cela pouvait être vrai ! Car je suis frappé de voir le nombre de gens qui ne se posent pas de questions ! Mais après tout, si cela leur convient ? Est-ce que j’ai à juger ? Est-ce que je peux juger ? Est-ce que j’ai même le droit de juger ? Cela ne correspond pas à ma manière de vivre, mais ma manière de vivre n’est bonne que pour moi !
Il est essentiel de respecter la liberté de l’autre. Je ne peux pas dire : « J’ai la vérité » et avoir une espèce de vue impérialiste de la vérité ! Il faut admettre que l’autre est réellement l’autre, qu’il n’est pas une copie de moi.
Je crois que chaque être humain a une part de divin en lui, et que beaucoup l’ont oubliée. Chacun chemine comme il le peut et par rapport à ses demandes intérieures. Je reconnais que mes positions sont un mixte de mon éducation chrétienne et de mon intérêt pour l’Inde. Mais je serais bien incapable de me dire à quoi je me rattache au juste. Mais c’est aussi la voie de chacun que d’avoir à s’expliquer avec des pensées différentes, avec des manières de voir différentes, où chacun bâtit sa croyance, celle qui lui convient et qui est toujours la réfraction à nouveau d’une lumière.
Je reproche à beaucoup de personnes de prendre leur croyance pour de la vérité. La croyance est personnelle, elle a les couleurs qui correspondent à ma vie, à mes négociations, et surtout elle n’est pas forcément bonne pour tout le monde. J’ai toujours cultivé, et je continue de cultiver, cet immense respect pour ce que l’on appelle la liberté de l’autre.

L’avenir est en nous, Marie Clainchard
Dangles (Février 2014 ; 303 pages)

 

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