Codependency

L’esprit de possession, dit «abinivesha» en sanscrit, cerne l’attachement exclusif ou excessif aux aspects de la vie terrestre et aux biens du monde matériel qui engendre la peur de perdre ses biens, ses avantages, ses êtres chers et qui culmine dans la peur de la disparition ou de la mort.  Il s’agit de l’acquisivité ou de la cupidité qui limite les choix aux activités destinés à la conquête de la vie terrestre, dans une volonté de jouir sensuellement, dans un attachement aux objets matériels et dans un désir de posséder toujours davantage dans le seul but d’accumuler les biens, d’assurer son confort et son bien-être, de dépasser les autres.  Certains accumulent les biens pour se créer un paradis artificiel pour se donner un sens de pérennité.  D’autres le font pour se donner une preuve de leur intelligence et de leur adresse, comme garantie contre la peur du vide intérieur.  Certains accumulent les biens comme moyen de défense contre les atteintes présumées des autres.  D’autres compensent ainsi à un sevrage affectif.  Les biens matériels ne sont pas un objectif légitime en soi.  Ils doivent servir d’instrument pour s’accomplir dans le bien-être et le confort raisonnable.  Autrement dit, la quête des biens ne doit pas être un but, mais un moyen.

L’idée de propriété, une fausseté manifeste, alourdit le mental et augmente l’ego.  Nul n’a passé de contrat d’achat de quoi que ce soit avec Dieu ou la Nature.  Toutefois, le fait de renoncer à l’idée de possession ne doit pas revenir à distribuer les biens et les productions de façon inconsidérée.  Elle incline plutôt à un échange constant et équilibré de tous les membres d’une société, témoignant de sa maturité intérieure.  Elle dirige vers l’esprit communautaire de coopération dans le respect de l’autonomie, de l’indépendance et de la liberté de chacun.  Puisque Dieu est le Créateur unique et le Conservateur suprême, cette notion abolit sans condition les principes d’achat et de vente, ce qui élimine toute organisation monétaire.  Tout devrait s’harmoniser autour d’un système de troc vigilant et équitable ou d’un système d’échange similaire.  Ainsi, au lieu d’avoir à travailler pour obtenir de l’argent et vivre décemment, chacun pourrait produire à volonté ce vers quoi sa nature l’incline et remettre le tout à une sorte de réserve communautaire où il pourrait à son tour puiser.  Voilà qui éliminerait l’emprise administrative et le despotisme arbitraire des lois.  Mais l’application du principe de troc doit réprimer toute velléité de pouvoir et de profit et faire découvrir la joie du partage.  Elle devrait encore éviter le parasitisme des fainéants.  Elle éliminerait bien des points de discorde, désamorçant nombre de problèmes d’équilibre et de difficultés de répartition.

L’esprit de possession, qu’on peut appeler possessivité, acquisivité, avidité ou avarice, est un sentiment désordonné d’acquérir toujours davantage, un amour des biens matériels pour eux-mêmes à cause du confort, du bien-être et de la valorisation qu’ils apportent.  Il est lié à la nature du moi inférieur qui se gonfle par l’avoir pour n’avoir pas découvert le sens de l’être.  La pulsion personnelle de préservation ou de conservation s’efforce de se fortifier par l’acquisition de ce qu’il croit nécessaire et de défendre ces acquisitions contre le même désir d’appropriation de ses semblables.  Tout être humain réagit à ses sentiments et à ses pensées à partir desquels il établit son sens des valeurs.  Ses sentiments et ses pensées, ses désirs et ses aspirations peuvent dégénérer en émotions, en ambitions, en passions, selon les valeurs favorables ou défavorables qu’il attribue personnellement aux choses et aux événements.  Autrement dit, il apprend ou conçoit progressivement, au gré de ses expériences, que certaines choses et certains événements satisfont apparemment des désirs et des appétits sensibles alors que d’autres les frustrent ou les exaspèrent.  Il en résulte que chaque être humain cherche à acquérir ou à posséder, à s’approprier des biens en propre, ce qui satisfait sa personnalité, ce qu’il appelle son bonheur.  Mais ces désirs et ces appétits sont insatiables, d’où il veut toujours posséder davantage.  En cela, ce qui constitue son bonheur à lui ne fait pas nécessairement le bonheur d’un autre.  Les désirs et les appétits varient d’un sujet à un autre.  Peu importe de quelle manière chaque être évalue ces choses ou conditions, elles deviennent ce qu’il désire posséder pour satisfaire personnellement son ego.

Tout être qui laisse son désir de possession prendre des proportions désordonnées, parce qu’il n’a pas de valeurs spirituelles pour les pondérer, peut devenir implacable, arbitraire et impérieux dans la poursuite de sa fin.  Et, malheureusement, la majorité des êtres humains répriment leurs désirs innés de possession uniquement parce qu’ils réprouvent l’effort pour les satisfaire ou redoutent la contrainte des lois que la société impose pour les faire respecter.  Ils ne se retiennent pas par sens moral de modération mais par la criante d’un plus grand mal, d’une plus grand sanction.  Qu’est-ce qui explique que même les riches en veulent toujours davantage?  Le fait très simple que l’acquisition de plus de choses procure une satisfaction du désir pulsionnel lui-même.  Le défi de se procurer quelque chose et son obtention procurent eux-mêmes du plaisir.  La possession renforcit l’ego étendant son influence et sa distinction.  Ce qui peut conduire ultimement au désir de conquête par la force ou par la guerre.  En général, on se bat dans le monde pour défendre ses acquis ou pour les accroître, les présentant toujours comme des propriétés nécessaires et inaliénables.  Acquis physiques, acquis intellectuels, acquis moraux.  Et on ne se gêne pas de soumettre des gens plus faibles et plus pauvres que soi, loin de penser à chercher à savoir si on ne favorise pas ses intérêts personnels, financiers, commerciaux, politiques, moraux, religieux, culturels, si ses désirs ne sont pas devenus fanatiques ou hystériques, ce qui est toujours le cas dès qu’on déclenche une guerre, qui est une intervention fratricide.  Voilà comment la peur de perdre pousse à vouloir combler ses carences par tous les moyens.

L’esprit de possession peut se déguiser de plusieurs manières : la volonté de diriger, de changer autrui, de le contrôler, cultiver des attentes, décider sans vérification, donner en espérant recevoir, refuser des droits, nier le besoin d’un autre, rejeter ses désirs, écarter son opinion, empiéter sur son territoire, violer son espace psychique, vouloir tout savoir et comprendre de lui, exiger qu’il prenne son parti, s’autoriser à lu raconter n’importe quoi.  Il amène à croire qu’il faut posséder énormément de biens ou détenir un grand pouvoir pour être heureux;  que par eux on devient quelqu’un;  que sans eux, la vie est finie, on est abandonné par le reste de la Création.

Il n’y a rien de pire que l’exploitation de son semblable parce que, alors, on s’exploite soi-même, s’attirant la pénurie par la Causalité.  Et la pire des exploitations, c’est la réclame d’un intérêt pour ses services afin d’obtenir un profit.  Qu’on se le dise, la notion de profit est une véritable scélératesse.  Chacun a le droit d’évaluer ses services à leur juste valeur, mais il n’est pas autorisé à provoquer chez un autre la misère ou la souffrance.

© 201214 Bertrand Duhaime (Douraganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur le site www.lavoie-voixdessages.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.