par Philippe AYDENS, auteur

DÉFINISSEZ : DIEU
Lorsqu’un journaliste demanda à Albert Einstein s’il croyait en Dieu, le physicien eut cette répartie :
“Définissez-moi d’abord ce que vous entendez par Dieu et je vous dirai si j’y crois.”
Qu’auriez-vous répondu ? Comment définiriez-vous Dieu ?

einstein-Dieu

UN DIEU PEUT EN CACHER D’AUTRES

Ce dont peu de croyants semblent être informés, c’est que notre vocable “Dieu” (ainsi que “God” en anglais) s’est forgé à partir du paganisme !
“Ce mot [DIEU] s’est glissé dans le français, au IXème siècle ; avant cette époque il n’existait pas dans cette langue ; par rapport à l’Histoire millénaire des religions il est donc très récent ! Son origine se rattache à une source indo-européenne, et son ancêtre lointain est le fameux “Dei”, qui était utilisé par les primitifs en Europe pour exprimer la lumière du soleil, et d’autres phénomènes lumineux observés dans le ciel. On peut dire que, étymologiquement, “Dei” signifiait et signifie toujours : “lumière dans le ciel”. A un moment donné de leur histoire, les Romains ont adopté, sous le nom de Jupiter, le “Zeus” des Grecs. Ce nom – celui du dieu suprême dans la mythologie grecque – “Zeus” se prononçait “Zeous”, ce qui a donné “Deus” (prononciation latine: “De-ous”). Et, c’est de cette façon-là que, recentré sur la racine “Di” en français, le mot “Dieu” a pris naissance à partir du latin “Deus”. Avec ce mot “Dieu” on est donc très loin d’une traduction honnête du mot “Elohim”, ce mot central de la Bible originale !” http://biblepape.blog.lemonde.fr/2008/10/05/etymologie-du-mot-dieu/

Dictionnaire Le Bailly

“Le DEUS latin est cousin du THEOS grec qui s’est conservé, en français, dans ENTHOUSIASME, PANTHEON, ATHEE, POLYTHEISME, MONOTHEISME, PANTHEISME, APOTHEOSE, THEOLOGIE, THEOCRATIE, THEOSOPHIE… Or, le THEOS grec, qui se veut plus savant que le banal DEUS latin, mais qui a le même sens, se rapporte lui aussi à ZEUS, avec un rappel de la racine grecque THAW, qui signifie CONTEMPLER. Cette racine THAW prolifère dans des mots tels que THEORIE, THEATRE, etc. On peut aisément vérifier tout cela par l’étymologie, une science précieuse qui permet de connaître le sens premier des mots, au moment de leur naissance. En employant le mot THEOS, à l’époque d’Archimède, puis le mot DEUS, à l’époque de Jules César, le Grec et le Romain ne parlaient pas du même sujet que nous, lorsque nous utilisons le mot DIEU. Ils évoquaient la figure allégorique ZEUS-JUPITER qui, par la mythologie, synthétisait les données de l’astronomie de leur temps (tournées plutôt vers l’astrologie) celles des forces de la nature, des saisons et des climats, celles des phénomènes atmosphériques, météorologiques dirions-nous aujourd’hui, le tout localisé globalement dans le CIEL, c’est-à-dire, très prosaïquement, au-dessus de la terre et des hommes.” – “Elohim, une autre lecture de la Bible”, Roger Vigneron. http://www.lettre-chretienne.org/cgi-local/affiche_etudes.pl?Famille=78&action=Detail&ID=641&referer=/d-francais.htm
“Le mot God (Dieu en français) est dérivé d’un ancien mot Teutonique, gudo, qui signifie celui qui est invoqué (ou adoré) par sacrifice (cf. Oxford English Universal Dictionary, art. God, p. 808). (…) La représentation de l’Armée céleste loyale en tant que des taureaux qui représentent Dieu est ancienne, étant même trouvée dans la culture pré-Hébraïque. Le système Babylonien dans ses cultes de mystère a adopté la typologie de l’abattage de taureau, qui s’est transporté au Mithraïsme. La typologie de l’abattage de taureau est une représentation des guerres dans les cieux (voir David Ulansey The Origins of the Mithraic Mysteries, Oxford, 1989 pour la cosmologie ; Perseus est le tueur de taureau des Mystères). Ce symbolisme continue dans l’association de l’être puissant avec le centre de la bonté ou Gott ou Goode.” http://french.ccg.org/s/p220.html
“GOD : Du moyen anglais, issu de l’anglo-saxon, venant du vieux haut allemand, issu du proto-germanique gudan, lui-même issu de l’indo-européen ǵʰuto. Peut-être à rapprocher de Wotan ou Odin.” http://fr.wiktionary.org/wiki/god
De l’Elohim pluriel de la Bible au Dieu chrétien, en passant par le dieu solaire, le taureau, Zeus, Jupiter et même Odin, avouez que la remarque d’Einstein prend tout son sens ! Mais le problème, au fond, est loin de se cantonner à des considérations étymologiques…

UN DIEU A L’IMAGE DE L’HOMME
Lorsque, en 1929, le rabbin Herbert S. Goldstein lui demanda “Croyez-vous en Dieu ?”, Einstein répondit :
“Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l’ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un Dieu qui se soucie du destin et des actions des êtres humains.”
Le célèbre philosophe Baruch Spinoza, éduqué dans la religion judaïque, fut frappé d’excommunication à l’âge de 24 ans. Il défendait l’idée d’un Principe divin dégagé des superstitions et de l’anthropomorphisme religieux dans lesquels l’enferment les croyants, et démontrait que la loi juive ne pouvait pas provenir de Dieu.
“Spinoza s’oppose à la conception judaïque d’un Dieu furieux, imprévisible, objet de crainte, et en même temps sujet à d’éventuelles tractations. Le Dieu judaïque est une entité à la fois redoutable et négociable (par la prière), un punisseur et un rétributeur, c’est-à-dire un Dieu essentiellement orienté vers les hommes. Dans cette perspective, l’univers devient un système de signes, chaque évènement étant l’expression d’une intention divine concernant l’homme.” http://www.spinozaetnous.org/article13.html
Comme Spinoza avant lui, Einstein ne pouvait concevoir la légitimité du “Dieu des Armées” dont la Bible glorifie des faiblesses tout humaines.
Même si elles apparaissent diluées dans des évocations de la grande miséricorde de Dieu et de sa justice infaillible, il est en effet difficile de ne pas voir répétées dans l’Ancien Testament des évocations très concrètes de sa colère vengeresse et meurtrière (guerres saintes et massacres ethniques), sa partialité (en favorisant un peuple élu), sa jalousie féroce (envers les autres dieux vers lesquels se tourne maintes fois le peuple élu), son penchant à se glorifier, son appétit de contrôle (à travers le besoin impérieux de recevoir un culte matériel et la pléthore de lois mosaïques – quelques 600 – visant à encadrer la moindre activité humaine) et sa misogynie flagrante (à travers notamment un grand nombre de lois contraignantes spécifiques aux femmes).
Einstein fit cet aveu :
“Je ne peux pas imaginer un Dieu qui récompense et punit l’objet de sa création. Je ne peux pas me figurer un Dieu qui règlerait sa volonté sur l’expérience de la mienne. Je ne veux pas et je ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste.” – “Comment je vois le monde”, Albert Einstein, 1934
Avec les années, le physicien changea son point de vue sur la survie de la conscience après la mort, comme l’attestent ces citations postérieures devenues célèbres :
“La mort est une illusion d’optique.”
“Je crois en une vie après la mort, tout simplement parce que l’énergie ne peut pas mourir ; elle circule, se transforme et ne s’arrête jamais.”
Cependant, le scientifique ne modifia pas d’un iota sa conviction que le Dieu vindicatif de la Bible n’est ni plus ni moins qu’une imposture. Dans une lettre manuscrite écrite un an avant sa mort et adressée au philosophe Eric Gutkind, Einstein écrivit :
“Le mot Dieu n’est pour moi rien de plus que l’expression et le produit des faiblesses humaines, la Bible un recueil de légendes, certes honorables mais primitives, qui sont néanmoins assez puériles. Aucune interprétation, aussi subtile soit-elle, ne peut selon moi changer cela.”
UN DIEU CONTESTÉ
Einstein et, trois siècles avant lui, Spinoza ne sont pas les seuls penseurs à remettre en cause l’intégrité morale et spirituelle du Dieu de l’Ancien Testament. Les premiers chrétiens gnostiques et plus tard les Cathares ont été tour à tour massacrés par l’Eglise Officielle, notamment parce qu’ils affirmaient que Yahvé est le Démiurge du mal et en aucun cas le Père céleste dont se réclamait Jésus. L’écrivain et chercheur en religions Frédéric Lenoir fit cette observation à propos de l’Ancien Testament :

“Le Dieu colérique et violent qui est dépeint, pour des raisons tout à fait politiques, a d’ailleurs posé problème aux premiers chrétiens, tant ils le voyaient différent du Dieu d’amour proclamé par Jésus. Au IIe siècle, un homme d’Église assez influent nommé Marcion proposait même de tourner la page de l’Ancien Testament, abrogé, disait-il, par Jésus, pour être remplacé par les Évangiles. Marcion allait jusqu’à affirmer que le Dieu de Jésus était un autre Dieu que celui des juifs. Il n’a pas été suivi par l’Église et a été condamné pour hérésie.” – “Frédéric Lenoir – Entretiens avec Marie Drucker – Dieu”, Editions Robert Laffont, 2011.
Comment peut-on expliquer l’intolérance et la répression qui ensanglantent l’histoire des religions du Livre, sans prendre en compte l’influence du Dieu au nom duquel celles-ci imposent leur vérité ? Comme Jésus l’a fait remarquer, “un arbre malade ne peut pas produire de bons fruits.” (Matthieu 7:18, Bible des Peuples)
DIEU, SANS LA RELIGION

“Je veux connaître les pensées de Dieu ; tout le reste n’est que détail”, disait encore le savant, dont l’intuition du divin était intacte.

“Cette conviction, liée à un sentiment profond d’une raison supérieure, se dévoilant dans le monde de l’expérience, traduit pour moi l’idée de Dieu.” – Comment je vois le monde, 1934
Pour Einstein, le Dieu légitime n’a pas besoin d’un livre pour se manifester à notre intelligence.
“Je ne crois pas en un Dieu personnel et je n’ai jamais dit le contraire de cela, je l’ai plutôt exprimé clairement. S’il y a quelque chose en moi que l’on puisse appeler “religieux”, ce serait alors mon admiration sans bornes pour les structures de l’univers pour autant que notre science puisse le révéler.” – “Albert Einstein : le côté humain” édité par Helen Dukas et Banesh Hoffman, lettre du 24 mars 1954.
Gageons comme Einstein que “Dieu est subtil, mais il n’est pas malveillant.”

 

Source: http://www.science-et-spiritualite.com/