par Sylvie
Qu’est-ce qui l’a réveillé ? Il fait nuit. Dehors, tout est comme d’habitude. Un peu de vent, peut-être.
Pourtant, quelque chose n’est pas normal… quelque chose, mais quoi ?
C’est en tirant la couverture sur ses épaules pour se rendormir qu’il tilte : il fait clair dans la pièce. Comment est-ce possible ? La lumière vient de sous sa couverture. Elle traverse l’épais tissu. La peur le prend. Il se crispe. Qu’est-ce que c’est que ce truc ?!
« Ce truc », c’est son cœur. Il brille comme un soleil. Ou une étoile. Ou un cristal où tournoierait un feu. Pourtant, il bat comme d’habitude. Un peu plus fort, peut-être…
Il se dit qu’il rêve. Il veut se rendormir. Retrouver sa réalité familière, ses repères, son sommeil. Revenir dans le monde « normal ». Mais ce n’est plus possible. Son cœur brille trop fort. On y voit maintenant dans la pièce comme en plein jour. La couverture, les draps, le tapis, ruissellent de lumière comme un lac en plein midi. Il fait chaud.
Il va à la fenêtre. Dehors, c’est toujours la nuit. Tout semble comme avant, comme hier, quand il s’est couché. Il ouvre les battants. Son cœur aussi est battant. Là-bas, au loin, il a aperçu une autre lumière. Il cligne des yeux. Il y en a une autre. Et une autre. Et une autre encore. Des dizaines de lumières descendent en silence dans la rue, des fleuves d’étoiles sont en marche à travers la ville. Il faut qu’il aille voir. Tant pis pour la nuit. Tant pis s’il est crevé demain.Tant pis s’il n’est pas productif ni compétitif. Tant pis si c’est un mirage… il faut qu’il aille voir. De toute façon, il ne peut plus se rendormir. Il fait trop clair.
Il descend l’escalier, guidé par son cœur-torche. Quand il ouvre la porte, la lumière l’aveugle. C’est comme s’il regardait le soleil en face.
L’ombre a disparu. Pas seulement celle de la nuit : les êtres qui marchent là, les choses les plus concrètes, les plus denses, les plus pesantes, n’ont plus d’ombre. Il se coule dans le flux lumineux. C’est alors qu’il les voit. Tous ces cœurs. Comme le sien. Toutes ces lumières allumées qui s’écoulent sans heurts dans les artères qui scintillent, dans une évidence transparente.
Il connaît ces gens, ces hommes, ces femmes, ces enfants. Ils ont été ses voisins, ses collègues, les commerçants de son quartier, les visages routiniers de sa rame de métro… Même ceux qu’il ne connaissait pas avant, maintenant, il les connaît. Ils sont lui. Ils sont un. Leurs sourires se répondent. Leurs regards s’aiment. Leurs âmes se touchent. Leurs lumières se renvoient, se grandissent, se magnifient immensément.
Partout dans le monde, il le sait sans le voir, il le sent, il se passe la même chose. Ce qui a lieu ici a lieu en même temps partout ailleurs.
Il prend les mains de ceux qui sont à ses côtés. Sa lumière augmente. La leur aussi.
Vue du ciel, la Terre brille de toutes ses étoiles. Enfin.
Sylvie PTITSA
http://www.lalutiniere.com/ (site)
http://www.graines-d-esperance.com/ (blog)