par Alyna Rouelle
La notion de travail est un concept très noble et porteur de vie. On peut observer que dès qu’il y a vie, il y a mouvement, action, dynamique ; en tous lieux et circonstances, la vie occasionne et encourage l’activité, la recherche, l’effort, l’exercice et l’application.
La plante fournit un travail considérable pour passer de l’état de graine, puis de pousse, au statut de végétal formé, épanoui. Elle met toute sa vitalité et toute sa vigueur au service de cette évolution permanente. Par un effort soutenu, constant, elle puise dans la terre et le ciel les forces essentielles à sa constitution et à l’exécution de son oeuvre : être et devenir. Tous les règnes sont en mouvement. Certains de ces mouvements sont perceptibles par les sens humains, comme ceux des animaux et des plantes, d’autres sont plus discrets, voire invisibles, comme ceux du monde minéral, astral, éthérique ou spirituel. Mais où que l’on trouve de la vie, un travail est en cours. Dans un corps humain, à une échelle infiniment petite, des milliards de cellules sont employées à des tâches magnifiques : donner, guérir, protéger, défendre, assimiler… Chaque organe a sa fonction propre, chaque système son utilité, chaque microparticule un rôle déterminant.
Une cadence perpétuelle rythme toute existence, et aucune forme de vie n’a jamais contesté ni douté de la valeur et de l’intérêt du Travail.
De nos jours pourtant, cette notion est recouverte par un épais voile de malentendus et de confusions. Elle est devenue synonyme d’obligation, de contrainte, de souffrance et de douleur, d’oppression, de servitude, de vanité…
Diverses explications peuvent rendre compte de cette compréhension nouvelle d’une valeur pourtant indispensable à tout équilibre. Sur un mode plus ou moins autoritaire, le pouvoir politique a entrepris de moraliser le travail ; opération particulièrement nette dans le domaine de l’emploi. On a vu poindre alors une législation et une réglementation autour du métier et de la profession, accompagnées de droits relatifs aux impératifs et aux risques encourus.
Se sont par la suite instaurés, les concepts de mérite et de démérite, de permis et d’interdit, de faute, d’erreur, de désobéissance, de silence de la pensée… Parmi ces règles visant à mener l’individu à effectuer son « travail », on vit apparaître les notions d’utilité, d’intérêt et de profit, toutes au service d’une seule et même finalité : le pouvoir. Une double dépendance en fut le résultat. Comme la philosophie a fort bien su nous l’enseigner, le tyran a besoin d’âmes brisées, comme les âmes brisées d’un tyran…
Ainsi se sont greffées autour de celui de travail, les termes de sujétion et de favorisation, de bénéfice et de dommage, d’astreinte et de rétribution, de protection et de condamnation.
Ces applications pratiques furent bien entendu assorties de mouvements d’idées qui, malgré une pertinence de base, ont achevé de transformer, déformer puis corrompre intégralement la compréhension d’une vertu et d’un devoir essentiels et indissociables de la vie de l’homme.
D’un travail régi et rythmé par la respiration de l’Univers et les battements de coeur du Monde, emprunt de sagesse, de principes et de vérités éternels qui donnaient vie, joie et santé, on est passé à une forme d’assujettissement à un concept dénué de toute forme d’intelligence et de bienveillance. D’un effort qui permet la vie, nous avons abouti à des travaux qui l’oppriment, la soumettent et la mutilent. De travailleur libre et joyeux l’homme est devenu ouvrier obéissant, salarié soumis, carriériste en « servage et captivité consentis ». Au nom de quoi…? De la norme instituée. Celle qui se délecte tant de régner, dure et froide, sur les biscottes que nous acceptons d’être ! Et ces biscottes dociles et soumises intègrent l’information que penser par soi-même et s’occuper de soi revient non seulement à perdre bien du temps et dépenser beaucoup d’énergie mais n’a, de surcroît, qu’une importance minime. Mieux vaut donc laisser faire « l’autorité », l’adulte. Car c’est un peu cela en réalité qui se déroule durant notre semi-conscience des choses. Une dépossession de notre statut d’adulte souverain ; l’atrophie de notre libre arbitre, la ruine de notre Responsabilité envers ce qu’il y a pourtant de plus précieux : ce qui nous permet de faire l’expérience du vivant ! Nous devenons donc des êtres courbés aux coeurs silencieux, aux âmes tues. Nous mangeons ce que l’on nous « conseille » (ou ordonne) de manger, nous avançons dans le sens indiqué par les flèches, nous nous arrêtons aux feux rouges et nous plaçons notre confiance et ce qu’il nous reste de pouvoir entre les mains des institutions alimentaires, pharmaceutiques, médicales, dans les systèmes d’éducation, d’économie, de finance… Et chaque matin nous allons travailler ; Chaque jour nous accomplissons nos devoirs. Lorsque parfois, un éclair fulgurant nous frôle le coeur et l’âme, ce genre de pensée s’agite dans tout notre être : « Un jour il va quand même falloir que je prenne un peu soin de moi. »
Aussitôt recouverte par les croyances conditionnées : « Oui mais bon j’ai pas le temps », ou « On verra plus tard, après tout la retraite ce n’est que dans trente deux ans », ou encore « Ben oui mais faut bien que je bosse pour vivre ! », on refoule rapidement l’envie de se soucier de soi dans le tiroir réservé aux « Trucs qui ont l’air importants dans le fond et auxquels il faudra quand même penser un de ces quatre ».
Je précise que je n’entends pas par « se soucier de soi » quoi que se soit qui se rapproche de l’inaction. Nous ne sommes pas ici dans un rapport activité – passivité, dynamisme – inertie, ou entrain – indolence.
On peut véritablement
appeler travail, ce que les grecs nommaient très justement la culture de soi. En plus d’impliquer une attitude générale d’attention et de concentration ainsi qu’une disposition de maîtrise particulière face aux évènements et personnes, c’est une véritable besogne quotidienne que de s’appliquer à prendre soin de son âme et de son existence.
Il est éminemment curieux de s’apercevoir que dans beaucoup d’esprits, consacrer du temps et de l’énergie à se soigner intérieurement ou à cultiver son âme équivaut à laisser de côté ses devoirs élémentaires.
Attention à ce que nous considérons comme élémentaire !
Une réflexion m’est (trop) souvent faite lorsque je parle par exemple d’écologie : « Oui mais bon, ce n’est pas la priorité ! Les problèmes économiques sont bien plus préoccupants et urgents à traiter. »
Ah… ?
( Je préfère ne pas m’étendre ici sur le sujet de l’écologie, ni m’évertuer à expliquer que franchement, sans planète, l’économie serait un concept aussi abstrait que ridicule d’absurdité… )
Il en est de même pour l’écologie de notre être supérieur. La plaçons-nous aussi au rang de préoccupation secondaire ?
Il apparaît qu’une petite redéfinition des priorités s’impose !
Prenons garde de ne pas confondre le soin à soi même, qui consiste en des exercices permanents et réclame une grande persévérance ainsi qu’une régularité sans faille, avec les soins dont on peut jouir de temps à autre. On ne peut appeler « soin de soi » qu’une ou des pratiques permettant de renforcer l’être supérieur, la santé globale, la volonté propre, le calme intérieur, la maîtrise de soi, ainsi que toutes les vertus dont un individu libre et souverain se doit d’être pourvu.
La fermeté, la patience, la constance sont des valeurs primordiales à l’âme qui souhaite se rejoindre elle-même.
Nous sommes des êtres tout puissants dotés de toute la possibilité lumineuse de l’univers, pourvus de corps aux capacités magnifiques, ne soupçonnant pas même un millième de ce dont nous serions capables en nous « mettant au travail ».
Beaucoup de gens engagés sur un cheminement intérieur se disent contre la notion de travail. Mais c’est justement à lui qu’il nous faut nous reconnecter ! Au travail souriant, à l’effort joyeux ! Sous nos pas, au dessus de nos têtes, partout autour de nous, tout travaille en permanence. Quant au fameux : « Il faut bien travailler pour vivre », oui ! Evidemment ! Toute vie demande beaucoup de travail ! Un travail que personne ne peut ni ne doit faire à notre place ! Le petit enfant doit trouver en lui et en lui seul la force de se dresser sur ses jambes et de grandir. C’est à la plante de fournir les efforts que réclament sa croissance et son épanouissement. De même c’est à l’homme de s’occuper de lui-même et de veiller sur lui-même.
La lumière nous a non seulement créés mais confiés à nous-mêmes. Voilà un privilège qui devrait éveiller en chacun sa responsabilité envers soi. Car si c’est un privilège, un don, c’est aussi un devoir. C’est notre devoir le plus élémentaire : notre devoir envers la vie. Notre Devoir de Vie.
Il ne s’agit en rien de se retirer du quotidien, mais bien au contraire de l’habiter plus profondément encore, avec cette conscience d’accomplir, en même temps que tous ses devoirs modernes (économiques, sociaux, etc), la noble tâche de gardien de soi—même.
Au sujet de l’alimentation j’entends beaucoup : « Oui mais c’est compliqué de manger sain quand on travaille beaucoup à l’extérieur », ou bien « Le jour où j’ai un cancer je ferai un régime ».
Génial ! Quel programme !
Ou encore : « Oui je sais qu’il existe des produits bio dans tous les domaines et que je pourrais arrêter de manger des produits animaux, mais je n’ai pas le temps de me préoccuper de ça, j’ai déjà tellement de choses à faire et auxquelles penser… Et puis si on se surveille tout le temps, on ne se détend jamais ! Je sais que je pourrais changer de vie en modifiant toutes ces petites choses, mais j’aurais l’impression de m’auto-emprisonner tu vois… ? »
Et enfin le traditionnel : « Oh moi j’ai pas envie de me prendre la tête, j’ai envie de vivre! »
Que de paradoxes …
Donc si je résume en ajoutant au mélange une pincée d’ironie, cela donne un précepte du genre : Pas la peine de s’occuper de soi ni de soigner son corps ou son âme. Quand ce sera devenu obligatoire, on s’y collera peut-être… ou pas.
C’est l’attitude qui consiste à penser « qu’au bout du compte, autant attendre que le monde change pour bouger, il sera bien assez temps et ça permet de ne pas trop se fatiguer d’ici là. »
La dé-responsabilisation peut mener loin ! Non seulement c’est obéir à la demande plus qu’insistante des « autorités compétentes en la matière » de se délester de tous ses devoirs envers soi-même, à savoir : respirer, s’alimenter sainement, s’auto-guérir, vivre et agir en conscience, etc., mais dans les moments où la réalité apparaît, les pôles s’inversent ! La voie de la liberté devient celle de « l’auto-emprisonnement », l’éveil à soi devient synonyme de surveillance, de tension permanente, de prise de tête, d’arrêt de la vie, alors que la maladie, le carcan social, le servage professionnel, l’empoisonnement quotidien, le passif et résigné abandon de nos forces de vies passent alors non seulement pour la priorité suprême, mais aussi pour une espèce d’idéal, d’absolu, d’existence vraie ! Epuisé par tous les devoirs factices, le réflexe humain est toujours le même : refus de rajouter par dessus tout ça encore du travail, encore des efforts, encore de l’énergie…
Une fois de plus c’est confondre illusion et réalité, besoin réel et fausses envies, lumière et paillettes… évidence et facilité.
Dans son lent développement, la plante use de forces considérables, et l’enfant fournit une énergie folle pour grandir, découvrir, apprendre, progresser. Ce n’est pas facile ! Mais qui pourrait remettre en question l’évidence de ces cycles ? La plante pousse, l’enfant grandit, il n’est rien de plus officiel, de plus incontestable. Le vent souffle, la soleil brille, tape, chauffe, brûle, rayonne, la pluie tombe, mouille, l’eau désaltère, nourrit ; Et aussi vrai que tout communique, l’union des forces de travail de chaque âme, de chaque espèce, essence ou règne, nourrit et soutient le travail de l’autre, et de tous les autres.
Chaque force puisée est une force offerte.
Récemment, j’entendais une jeune femme confier à un ami son indignation face aux déforestations qui ont lieu partout dans le monde. Elle a prononcé les mots suivants : « Tu vois, c’est un peu comme si on empêchait la planète de respirer correctement ! Et tout le monde s’en fout ! Et moi je ne peux rien faire… »
Disant cela, elle fumait. J’ai alors entendu, provenant d’un bel arbre juste au dessus d’elle : « Commences par arrêter de t’empêcher de respirer toi même… et moi aussi
par la même occasion…! »
Et oui… la respiration de chacun de nous forme la respiration du monde, autant que le bon équilibre de celui-ci nous permet d’exister. Comment ne pas voir une corrélation entre les difficultés respiratoires croissantes de la population mondiale, sur un plan physique autant qu’énergétique, et la « situation pulmonaire » de la terre… ?
C’est vrai, cela demande du travail que de se libérer et de s’élever, et il faut beaucoup de volonté pour se hisser chaque jour un peu plus haut, mais saurait-on concevoir tâches plus nobles ?
Il faut bien comprendre que cette attention, cette application à soi-même consiste en un exercice assidu, implique un effort permanent, requiert une volonté continue. Il y faut du temps et de la vigilance. Et ce temps n’est pas un temps de repos : il est parsemé d’études diverses, d’exercices pratiques variés, d’entraînements multiples. S’occuper de soi c’est tout sauf ne rien faire ! S’il revient à chacun de déterminer les formules diverses qu’il est possible de lui attribuer ainsi que ce qu’il est avantageux de lui consacrer, cette occupation se doit d’être non seulement absolue mais ininterrompue. Arrêtons dès maintenant de définir nos priorités là où se situent les intérêts des destructeurs de vie, là où nous ne sommes rien que de petites personnes, séparées de tout, menacées par tout. Choisissons dès aujourd’hui de nous confier aux soins les plus délicats, aux attentions les plus précieuses, aux égards les plus consciencieux, consacrons nos efforts à ces parts de soi négligées, délaissées, sacrifiées par les pouvoirs en place.
Tout comme les plus grands philosophes, Bouddha nous enseigne que celui qui domine les autres est fort, mais que celui qui se domine lui même est puissant. Il semble primordial de cerner et de comprendre la différence entre force et puissance, entre autorité et pouvoir, entre domination et souveraineté, entre maîtrise et contrôle.
Il est de notre devoir et en notre pouvoir d’enrayer cette politique de Séparation qui freine toute évolution. Ajoutons que tout ce qui vient renforcer ce séparatisme conduit à la destruction et à l’anéantissement de toute libération intérieure et de tout évolution supérieure, alors que tout ce qui, au contraire, vient nourrir l’unité mène chacun à être Maître du Monde. Nul alors de seigneur tyran, point de chef oppresseur, de monarque absolu, mais un roi d’amour qui contient et berce le monde dans son corps, son âme et son esprit.
Oeuvrer à perfectionner son âme, veiller sur son corps, ennoblir son esprit sont des règles nécessaires pour tous. Comprendre et accueillir chaque exercice de vie, chaque progrès sur soi comme un pansement à la terre, une caresse à l’humanité, une marche supplémentaire franchie sur l’escalier de l’Unité, un pas de plus effectué sur la route du retour à la Lumière, une main tendue au monde.
Tout ce qui a lieu en nous se répercute à la surface de la terre, dans l’univers, de par le monde, au coeur de chacun… Il n’y a qu’un Corps, qu’une Âme, qu’un Esprit ; Travailler à faire de soi un temple de lumière, c’est oeuvrer à magnifier tout ce qui Est.
Qui devient gardien de soi devient gardien de l’univers.
Alyna – http://alynarouelle.wix.com/
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