par Nicole Payan
Le silence, et si on en parlait ? Ce grand oublié peut devenir un allié précieux pour nous aider à rentrer en nous-même, mais aussi pour grandir dans l’écoute intérieure et l’attention aux autres. Un sésame pour trouver la paix du coeur.
Et pourtant… le silence, ce grand rejeté, peut tellement nous apporter !
Pourquoi nous fait-il si peur ?
– « Et pourquoi c’est nul ? » Là, pour le coup, silence ! – « Qu’est-ce que tu reproches au silence ? »
– « J’sais pas ! On s’ennuie… y a rien.« .
Voilà ! Le silence fait peur. On le considère non seulement comme inutile, mais aussi comme une sorte de néant, un « vide » oppressant, à éliminer coûte que coûte.
Mais ce « vide », disons plutôt l’absence de tous les artifices envahissants qui remplissent notre vie d’aujourd’hui, ne nous fait-il pas peur parce qu’il nous laisse face à nous-mêmes et à la vie que nous menons ? Ne sommes-nous pas en train de mettre le silence aux oubliettes, de l’empêcher d’exister parce que cette réflexion sur nous-mêmes nous fait peur ?
Cette peur sous-jacente conduit à combler tout silence, au profit de « l’expression » tous azimuts, quelle qu’elle soit, et donc d’un besoin primaire de bruit. Or, le bruit empêche une certaine paix intérieure : 3 français sur 4 sont stressés par le bruit indique un sondage fait sur 2000 personnes. Dans les bureaux, 8 personnes sur 10 se plaignent d’un environnement trop bruyant à cause des espaces de travail « ouverts ».
Le vrai silence n’est pas mutisme mais ouverture
Le mutisme est rempli d’amertume, de rancœurs, de paroles intérieures agressives qui font beaucoup de bruit au-dedans. Ce silence-là est destructeur et à éviter à tout prix si nous ne voulons pas démolir nos proches mais également nous détruire nous-mêmes… au dedans !
« Depuis quelques semaines, mon ami ne me partageait plus rien. On n’échangeait plus que des banalités et je me suis vite aperçue qu’on s’éloignait l’un de l’autre », explique Clémentine. Alors que dans un couple, le silence vécu ensemble dans un moment privilégié peut être source de communion, il est racine de rupture s’il provient d’un manque de communication, un refus de partage ou un défaut d’explications. La vraie nature du silence, qui est « ouverture », est alors trahie.
Apprivoiser le silence pour grandir en humanité
Certains moines font en effet vœu de silence… pour grandir en humanité. Ils apprennent non seulement à écouter ce qu’ils sont venus chercher au monastère, la voix de Dieu en eux-mêmes, mais ils apprennent également, dans ce silence libérateur, à regarder autour d’eux, à apprécier chaque détail de la nature, à faire attention les uns aux autres, à se libérer de l’individualisme qui nous isole. Un moine a expliqué à Johann que, par exemple, « pour la nourriture ou la boisson, les frères se servent les uns les autres. Alors personne n’a besoin de rien demander mais chacun a ce qu’il lui faut. »
Se taire… pour mieux écouter l’autre
Nous-même, reconnaissons que le silence permet de mieux écouter, c’est logique ! Or l’écoute est toute cette partie de l’échange (qu’il soit avec Dieu ou avec les autres) qui consiste à se décentrer, sortir de soi pour se centrer sur l’autre et le laisser exister… Accepter de laisser parler l’autre, et donc se taire soi-même, renoncer à envahir l’espace, à se justifier, à expliquer, à convaincre ou à répondre.
C’est difficile à réaliser, mais c’est un moyen radical pour grandir en disponibilité, en ouverture, en tolérance, et développer un sage jugement personnel.
Dans le silence, nos vrais désirs peuvent jaillir
« Je ne sais pas pourquoi, me dit Caroline, mais si j’ai des décisions importantes à prendre, je n’aime plus être dans le tourbillon pourtant bien agréable de ma vie, j’ai besoin de me retirer au calme ».
Le silence est le tout de la prière
Enfin nous avons également besoin de silence pour admirer, contempler et laisser entrer en soi la beauté devant laquelle nous nous trouvons… Le silence nous donne la chance immense d’être « en communion ».
Test : savez-vous savourer le silence ?
– garder le silence sur certains éléments pour les divulguer à un moment plus opportun et conserver la paix et de bonnes relations avec tous.
– garder le silence face à certaines sollicitations qui ouvriraient sur des discussions houleuses.
– garder le silence en face de celui qui s’exprime, le respecter et respecter les silences qui s’instaurent pour favoriser l’écoute et la réflexion.
– garder le silence et le savourer. Lorsqu’une bonne compréhension est atteinte, les mots ne sont plus nécessaires : on parle alors d’empathie.
Qu’elle soit vécue devant un beau paysage, avec une personne chère ou avec Dieu, la joie profonde et paisible, le « confort » de ce silence-là sont les indicateurs indéniables de l’harmonie de la relation.
Osons prendre le risque du silence dans notre vie, nous souvenant de cette phrase d’un Père du désert : « Une eau boueuse ne peut pas être clarifiée si elle ne cesse d’être agitée. »