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Au sommet d’Oufa, les BRICS passent à l’acte

« Les BRICS sont les futurs dirigeants de l’économie mondiale » et la Chine en « reste la locomotive », a déclaré Vladimir Poutine, lors d’une conférence de presse à l’issue des sommets des BRICS et de l’Organisation de la coopération de Shanghai (OCS), tenus à Oufa en Russie du 8 au 10 juillet.

Compte tenu de la crise interminable, et peut-être finale, dans laquelle s’est engagée l’Union européenne en voulant faire de la Grèce la victime expiatoire d’une crise qui est en réalité celle de toute l’Europe, et de la zone transatlantique, plombées par la faillite du système en 2008, les progrès accomplis à Oufa par les BRICS, l’OCS et l’Union économique eurasiatique (UEEA) qui les a rejoints, représentent aujourd’hui le seul espoir d’une sortie de crise et d’un retour à des politiques de croissance permettant d’assurer un avenir à notre planète.

N’en déplaise aux Occidentaux, dont les médias ont, pour la plupart, boycotté la couverture de ces sommets, les BRICS ont annoncé le lancement, en un temps record, de leur Nouvelle banque de développement (NDB) (100 mds de dollars) ainsi que d’un fonds commun de réserve de change (100 mds), deux initiatives adoptées lors du dernier Sommet des BRICS il y a tout juste un an, à Fortaleza, au Brésil.

La NDB pourra commencer à prêter dès avril 2016 ! Elle pourrait notamment participer au financement de la construction de la ligne à grande vitesse Moscou-Kazan, selon le ministre russe des Finances Anton Silouanov, président du Conseil d’administration de la NDB. « Nous sommes en train d’étudier cette question », a précisé le ministre avant d’ajouter que la Russie proposera également ce projet à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII).

A cela s’ajoute la perspective adoptée par les BRICS d’accroître leurs échanges, non pas en dollar, mais en devises des pays membres, en particulier en yuans et en roubles.

Mais pour Sylvie Kauffman, du quotidien Le Monde (qui avait refusé en 2012 de couvrir la candidature présidentielle de Jacques Cheminade), le sommet des BRICS est un non-évènement et le « Congrès d’Oufa n’aura pas lieu » !

Triple union : BRICS, OCS, UEEA

Oufa fut également le lieu de rassemblement non seulement des BRICS et de l’OCS, mais aussi de l’Union économique eurasiatique (UEEA), organisation fondée en janvier 2015 par la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et l’Arménie.

Pour ceux qui comptaient encore pouvoir manipuler la Russie contre la Chine, la Chine contre l’Inde, etc. ils en seront pour leurs frais. L’intégration entre BRICS, OCS et UEEA engendrera non seulement un nouvel ordre économique mondial, mais accroîtra les retombées bénéfiques pour les peuples d’Eurasie.

Ce fut le thème répété à l’unisson par les trois dirigeants.

Nous sommes prêts à travailler très étroitement pour coordonner et nouer des liens entre les deux projets d’intégration – UEEA et Ceinture économique de la route de la soie, a déclaré Vladimir Poutine. Nous y voyons la grande promesse de construire un système commun de transports pour l’OCS, utilisant notamment le potentiel de transport offert par le Transsibérien et le Baïkal-Amour en Russie.

« La Chine est prête à renforcer sa coopération avec tous les pays pour réaliser des projets prioritaires », a dit Xi-Jinping, annonçant son intention d’« organiser le soutien financier pour réaliser des études de faisabilité et de design et participer à des investissements conjoints. » Pour lui :

Il est important d’établir un scénario de coopération pour la région, qui inclura, dans les prochaines années, la construction de 4000 kms de voies ferrées et de plus de 10 000 kms d’autoroutes. La Chine s’engage à créer au plus vite une banque de l’OCS pour aider à financer la production dans la région, et elle est prête à utiliser son fonds de la Route de la soie dans ce but.

Évoquant dans un entretien au quotidien indien The Hindu, le « puissant sursaut économique (…) qui résultera de l’association entre ressources matérielles, capital humain et énormes marchés à la consommation » de ces trois régions du monde, Vladimir Poutine a précisé aussitôt : « Pour nous, il ne s’agit pas d’un échiquier ou de jeux géopolitiques » ; l’espace eurasiatique est « notre maison et nous voulons que la paix et la prospérité règnent chez nous, pour qu’il n’y ait aucune place pour l’extrémisme ou des tentatives pour certains de chercher leur propre intérêt au détriment des autres ».

Rapprocher les frères ennemis indo-pakistanais

Autre flanc consolidé au cours de ces sommets, l’Inde et le Pakistan : les deux frères ennemis ont tous deux fait leur entrée à l’OCS. Associés à la Russie et à la Chine, voilà une combinaison qui bloquera les Games of Thrones chers aux Anglo-américains dans cette région.

Les deux chefs d’État, Narendra Modi et Nawaz Sharif, se sont rencontrés en marge du sommet de l’OCS à Oufa et ont convenu d’une visite de M. Modi au Pakistan, lors du Sommet des pays de l’Asie du Sud l’année prochaine. Autre invité de marque aux sommets, l’Iran, qui a posé sa candidature pour rejoindre l’OCS.

Rappelons le rôle important de cette organisation dans la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et le trafic de drogue, véritables plaies endémiques dans cette partie du monde. La Structure anti-terroriste régionale de l’OCS (SATR) pourra mieux fonctionner avec la présence de l’Inde et du Pakistan. D’autant que l’Afghanistan était aussi parmi les invités. Son président Ashraf Ghani a participé à la réunion en Russie, tournant définitivement la page des années sombres de l’invasion soviétique.

L’entrée de l’Inde et du Pakistan à l’OCS, composée jusqu’à présent de six États, Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan, a vite fait naître la rumeur qu’un nouveau G8 s’était constitué…

Après Oufa, M. Modi a continué son périple au Turkménistan où il a promu le corridor de transport Nord-Sud passant par l’Iran.

Si nous utilisons la route iranienne, Achgabat (Turkménistan) sera la première capitale desservie en Asie centrale. Avec le chemin de fer Kazakhstan-Turkménistan-Iran et l’investissement proposé par l’Inde dans le port iranien de Chabahar, ces initiatives renforceront les relations économiques entre les deux pays.

Au cours de sa rencontre avec le président turkmène Gurbanguly Berdymuhamedov, M. Modi a appelé à la construction rapide du pipeline Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde, devant acheminer 33 milliards de m3 de gaz naturel par an depuis le Turkménistan vers l’Asie du Sud, dont 41 millions de m3 par jour en Inde. Ce gazoduc sera le deuxième au monde en largeur.

Entrer dans l’âge industriel

Infrastructures, recherche de pointe, hautes technologies étaient aussi au menu d’Oufa. Lors du Business Council des BRICS, le dirigeant des chemins de fer russes et proche collaborateur de Poutine, Vladimir Iakounine, a précisé :

La question n’est pas juste de construire des infrastructures – chemins de fer, routes et infrastructure énergétique – mais de créer des plateformes économiques étendues, avec la participation d’institutions financières et manufacturières internationales.

Le vice-premier ministre russe Dmitri Rogozine a annoncé le 6 juillet que la Russie et la Chine s’apprêtent à renforcer leur coopération spatiale. Suite aux tensions avec les États-Unis, les Russes ont en effet réorienté leur collaboration vers la Chine pour en faire leur principal partenaire. Celle-ci s’équipera désormais en moteurs-fusées RD 180 russes pour son programme lunaire, en échange de quoi elle livrera de l’électronique de pointe aux Russes, moins chère que celle achetée aux États-Unis.

Le Sommet de la jeunesse des BRICS fut aussi un point fort de ces journées. Un mémorandum a été signé en vue de construire une station spatiale pour explorer l’espace lointain et faire des programmes spatiaux habités le symbole des valeurs que les BRICS veulent imprimer au nouvel ordre économique qu’ils construisent.

A Oufa, en effet, l’air était bien plus respirable qu’en Europe où un nouveau Traité de Versailles a été imposé à la Grèce.

Source: http://www.solidariteetprogres.org/