Wifi, antennes relais, smartphones… Marie ne supporte plus les ondes, qui la rendent physiquement malade. Mais comment vivre dans un quotidien qui en est baigné ?
Electrohypersensibilité : qu’est-ce que c’est ?
C’est peu dire que, depuis onze ans, les ondes électromagnétiques me pourrissent la vie. Elles constituent un authentique empoisonnement à petit feu de ma santé. Et le poison vient de partout : des antennes relais, des téléphones mobiles, du wifi, des téléphones sans fil, des fours à micro-ondes et de l’électricité. Un pur cauchemar !
Aussi, pour sauver ma peau, je me bricole des ersatz de solutions.
Quand la pression des ondes dans ma tête devient trop douloureuse, j’enrubanne mon crâne de papier d’aluminium, des sourcils à la nuque. Cela fait écran aux ondes qui rebondissent et, en dix minutes, la souffrance s’atténue. Je fais de même dans le métro, que je ne prends quasiment plus car, après quatre stations, j’ai la sensation d’avoir le crâne compressé tandis qu’une perceuse le perfore dans un incessant va-et-vient derrière chaque oreille. L’effet est semblable avec les brouilleurs anti-mobiles des cinémas : une douleur à se taper la tête contre les murs. J’ai toujours un rouleau d’aluminium dans mon sac, mais le regard des gens est difficile à supporter, je suis très mal à l’aise.
Je ne suis pas une illuminée mais victime d’une vraie maladie, reconnue en Suède, en Allemagne, en Autriche et en Californie : l’électrohypersensibilité, caractérisée par des vertiges, des sensations de brûlure, une perte de concentration et de mémoire. Pour continuer à enseigner, je me suis confectionné un casque recouvert d’aluminium. Je porte des lunettes de soleil pour faire la classe, et aussi chez moi, même en hiver car, la maladie avançant, je suis devenue intolérante à la lumière.
Electrohypersensibilité : combattre les ondes au quotidien
Je ne peux même plus dormir avec mon mari dans notre chambre. Sinon, chaque nuit, comme c’est le cas depuis janvier 2003, je me réveille pile à 3 heures, sans pouvoir me rendormir. Impossible de me lever pour autant, je suis paralysée de fatigue au fond de mon lit, vidée de toute force, ne pouvant même pas aller aux toilettes. Je sais aujourd’hui qu’à 3 heures les opérateurs téléphoniques « rebootent » les antennes relais. De fait, elles crachent un maximum d’ondes.
Après avoir testé tous les coins de la maison, j’ai découvert que l’espace le moins pollué c’est la salle de bains, entre la baignoire et le placard. C’est désormais là que je passe mes nuits. Pour arriver à dormir, j’installe au-dessus de moi une tente spécifiquement fabriquée dans un tissu qui fait barrage aux quelques ondes qui rôdent quand même à cet endroit. En physique, cela s’appelle le principe de la cage de Faraday. Le coton du tissu renferme un très fin maillage de métal, composé d’argent et de cuivre dans une gaine de polyuréthane : c’est ce qui empêche les ondes de passer.
Cela fait rire les gens : « Ah, ah, elle a un problème de couple ! Elle va dormir dans la baignoire. » Absolument pas ! Nous sommes très amoureux. D’ailleurs, j’étais si triste qu’on fasse chambre à part que, durant un temps, mon mari est venu dormir avec moi sous la tente, dans la salle de bains. Le hic ? Certes, ça me protège des ondes, mais il y a relativement peu d’air dessous, on respire donc notre CO2. Aussi, à force de se réveiller épuisé, faute d’oxygénation suffisante durant la nuit, il a réinvesti la chambre. Seul.
L’année 2003 coïncide, par ailleurs, avec mon arrivée dans l’école maternelle où j’enseigne. Coup de malchance, ma classe est cernée par un champ d’antennes relais, toutes à moins de 50 m. Et son plafond compte rien de moins que quinze néons qui déversent leur flot d’ondes sur moi. Entre ma classe, la rue et notre maison, je baigne jour et nuit dans les ondes toxiques. Résultat, peu à peu, je me sur-empoisonne et je développe moult symptômes : maux de tête et de ventre insoutenables, pertes de mémoire, troubles de la concentration, confusion cognitive, acouphènes, tendinites un peu partout, douleurs à l’intérieur des os, vertiges, difficultés respiratoires, irritabilité irrépressible… Et un mélange entre crise de foie et gastro pour ce qui est de l’impact du wifi.
Electrohypersensibilité : les symptômes
Je sais à présent qu’il existe des T-shirts anti-ondes – à 208 € – et des caleçons longs fabriqués dans le même tissu que la tente. Si je l’avais découvert plus tôt,je m’en serais vêtue à l’école, car plus la surface du corps est protégée, moins les ondes pénètrent, et vu qu’on est bombardé, elles s’insinuent partout. J’aurais, bien sûr, tenu plus longtemps dans ma classe et, d’électrosensible, je ne serais pas devenue électrohypersensible. Le problème avec les ondes, c’est qu’on se surcontamine non-stop et que la maladie s’aggrave. Ainsi, récemment, pour avoir téléphoné pendant deux minutes avec un mobile – mon seuil de tolérance étant de moins d’une minute -, j’ai eu la sensation, pendant trois jours, d’être brûlée au troisième degré, du haut du crâne aux épaules. Et, désormais, je suis aussi allergique aux ondes électriques.
Il y a peu, j’ai brutalement ressenti une douleur insoutenable au ventre, digne des contractions d’un accouchement.
J’ai dû couper le compteur électrique pour que ça cesse. Depuis, je fuis de chez moi quand fonctionne un appareil qui « tire » beaucoup sur l’électricité, comme le lave-linge ou le four, car cela décuple le champ électrique. Le courant est coupé durant la journée, frigo, congélateur et chaudière exceptés. On le remet le soir, car les enfants en ont assez de dîner à la bougie… Mais pour lire, je m’éclaire toujours ainsi. On a beau avoir changé les ampoules à basse consommation, qui me créent des maux de tête, pour revenir aux anciennes, à incandescence, je suis empoisonnée depuis trop longtemps pour que le bénéfice soit évident.
Je continue donc à bricoler et j’essaie de me décharger au maximum des ondes en prenant trois ou quatre douches par jour, mais ce n’est qu’un palliatif et, finalement, j’ai des séquelles sévères, notamment au plan cognitif. Mes troubles de l’orientation et de la mémoire ont empiré, parfois jusqu’à la confusion mentale, depuis l’arrivée de la 4G.
A plusieurs reprises, je me suis perdue entre chez moi et la boulangerie, située à 200 m, sachant que j’habite ce quartier depuis des années. A l’école, alors qu’une blondinette de 3 ans s’est blessée, je ne me rends pas compte que je soigne et cajole, à sa place, un grand gaillard black de 4 ans. C’est en entendant cette petite fille continuer à pleurer que je finis par percuter que je ne soigne pas le bon enfant. J’ai dû arrêter d’enseigner en septembre dernier. Un drame, car j’adore mon métier. Mais j’étais arrivée au bout du possible. De temps en temps, je dois m’y reprendre à dix fois pour lire un article de magazine. Je ne me reconnais pas. Pourtant, depuis 2003, je m’active pour comprendre ce qui m’arrive.
Electrohypersensibilité : comment se soigner ?
Dix ans d’errance médicale à souffrir sans savoir de quoi, ni pourquoi. Les médecins associent d’emblée insomnies et pertes de mémoire à la dépression. Donc, même si je ne me sens pas dépressive, j’ai suivi deux psychothérapies de trois ans. Et j’ai tout essayé : luminothérapie, sophrologie, kinésiologie, EMDR, ostéopathie, acupuncture, homéopathie. Sans résultat.
Le bout du tunnel arrive en avril 2013, lorsque je suis enfin diagnostiquée électrohypersensible par un professeur, cancérologue, spécialiste de la médecine environnementale, qui a créé une consultation spécifique à Paris, en 2012. C’est un soulagement immense, de mettre enfin un nom sur ce que je subis. Mais une mauvaise nouvelle m’attend : « Vous êtes dans un état pré-Alzheimer à certains moments, m’avertit-il. Si vous continuez à vivre au milieu des ondes, dans cinq ans vous êtes Alzheimer ! » Un choc d’autant plus violent que ma mère en est atteinte.
Le point positif, c’est que je découvre que je ne suis pas seule, et c’est pour moi un salut incroyable de parler à d’autres via le collectif des électrohypersensibles (www.electrosensible.org) et de me sentir écoutée, comprise, pas niée dans la maladie. Ma famille essaie de ne pas me juger, même si elle ne comprend pas, mais je passe mon temps à convaincre certains proches que je ne suis pas folle.
Heureusement, mon mari et mes enfants sont solidaires. Nous quittons d’ailleurs l’Ile-de-France pour aller vivre au milieu des bois, en Bourgogne, dans une « zone blanche », où la première antenne relais et le premier voisin avec son wifi sont à 3 km. En effet, il suffit que je m’éloigne des ondes au moins vingt jours pour que mon corps se décharge et que mes facultés cognitives et mon sommeil soient à nouveau normaux. Pleine d’espoir, je change de vie, pour redevenir celle que j’étais avant d’être polluée par les ondes. J’espère retrouver une vie tout simplement normale.
Par Véronique Houguet
Source : http://www.marieclaire.fr/
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